Harm Done - Abuse / Abused

Harm Done et moi, sur le papier, ce n'était pas fait pour marcher. En effet, ce groupe – loin d'être constitué d'inconnus et déjà auteur d'un EP remarqué (pour plus d'informations, relisez la chronique de AxGxB à son sujet) – se situe en apparence assez loin de ce qui me touche en matière de hardcore et plus précisément de powerviolence, où mes références personnelles (Ceremony, Iron Lung...) trouvent moins droit de cité que d'autres telles que Nails ou Sex Prisoner, desquelles se réclament les Nantais.

Sur la papier, seulement. Une fois passée l'écoute préalable laissant hébété (dix-neuf minutes offrant peu de place aux compromis question changements de vitesse typiques du puissanceviolence, façon « passage du zéro à cent en quelques millisecondes » : autant dire que ça demande un petit temps d'adaptation), Harm Done montre ici, encore plus qu'auparavant, un attachement à une certaine forme de hardcore dans laquelle je me retrouve totalement. Bien que fortement marqué par le metal dans ses riffs thrashy (le morceau-titre par exemple), il a l'underground à cœur, donnant constamment une sensation d'urgence, de perte de contrôle, malgré un jeu laissant s'exprimer les compétences de chacun – à commencer par un batteur tout bonnement épatant, autant à l'aise dans le d-beat entêtant que les blasts débridés. Une atmosphère sulfureuse, crue, allant jusqu'à donner à certaines bourres des allures de death metal old school (« Alone ») tout en s'inscrivant parfaitement dans cette tradition revendicatrice, politique voire dystopique de Man Is The Bastard et consorts.

C'est bien cette capacité à être jouissif et à la fois terne, désabusé (sans jeu de mots !) et pourtant acharné au point de me rappeler une formation hardcore comme Rubbish Heap qui me rend Harm Done précieux. Bourré de moments ravageurs (les Français profitent au mieux des formats serrés de leurs compositions, paraissant jeter toutes leurs idées – souvent très bonnes – en une ou deux minutes), Abuse / Abused parvient aussi à se rendre indispensable lors de ces moments où il faut se lever pour aller à un travail qui nous épuise d'avance, entre rage et déprime, envie de tout casser et incapacité à faire davantage que serrer les dents. Un sentiment qui trouve sur ce disque sa meilleure représentation avec ce chanteur bœuf comme un ouvrier prêt à en découdre, mais en ayant assez dans la caboche pour ne pas compter uniquement sur ses crochets pour étaler. Vicieux derrière ses gros bras en somme, et augmentant cette impression de force brute qui ressort de l'enregistrement live de l'ensemble (virant parfois à l'impression d'entendre un concert de choix, cf. la transition organique entre « I Am The Mistake » et « Crooked Friendship »).

Au final, peu de choses à reprocher ici. Harm Done possède à la fois des qualités incontestables pouvant se résumer succinctement par « pouvoir du riff » (un vrai buffet gratuit où tout avaler d'un trait) ainsi qu'une somme de choses plus intimes et subjectives le situant au-delà de la catégorie des « essais pour se défouler ». Certes, sans trop savoir si la faute revient au groupe ou à moi, je me sens un peu essoufflé en conclusion (« Bitter End » et « Blunder », moins convaincantes que celles qui les précèdent), mais c'est bien peu de choses à côté de ce que transmet ce mélange des genres à cheval entre beatdown, grind, metal old school ou encore hardcore pur jus donnant foutrement envie de le résumer par le mot « punk ». Autant traditionnel que personnel, Abuse / Abused est un album comme on en voit heureusement parfois dans le hardcore, c'est-à-dire d'apparence classique et mettant à sac une fois rencontré, comme le plus doué des voleurs. Vous venez jouer à Montpellier quand vous voulez, les gars.

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