Il était temps.
Temps que je m'attelle à un album que je n'attendais pas forcément. Eh oui, Allegaeon, c'est clairement un groupe que j'ai pioché au hasard il y a longtemps, qui tourne parfois au détour du random de ma collection numérique, et qui me plaît sans plus, à l'époque où j'étais tombé sur
IRREVERSIBLE MECHANISM, BLACK CROWN INITIATE ou
NEURAXIS : toute cette vague de Tech Death à gros accent mélodique et prog, il faut croire que le quintet du Colorado l'a bien étudiée, et a même participé à la constitution de cette tendance très 2010 de mixer le Tech le plus vif à des parties plus posées, sous des nappes de synthés éthérées, pour un rendu sonore à la fois clinique et organique, quand l'Homme et la Machine ne font qu'un...
Des éléments certes devenus clichés aujourd'hui mais qui font toujours recette, le dernier
EQUIPOISE ne me donnant pas tort de ce côté-là.
Mais la comparaison avec le super band s'arrête presque là. Même si Allegaeon, après plusieurs modifications de line-up, propose un Tech Death bien plus posé que ce que la bande de Pittsburgh nous a pondu il y a quelques mois, on aura également une basse très présente : il suffit d'écouter le morceau introductif pour s'en rendre compte, puisqu'ici, la basse affirme son nom.
Mais, pour ce
Apoptosis, Allegaeon semble bien vouloir composer du Metal moderne, s'inspirant par exemple de la touche sonore d'un
KRIMH, à savoir mixer le gros poutrage technique, froid et métallique à un riffing chargé et des pistes additionnelles qui vont ajouter à la charge émotive de leur musique. Si on prend « The Secular Age », le break permet de conduire rapidement à quelque chose de plus martelé qui, au refrain, nous emmène sur du tremolo grandiloquent avec une batterie qui spamme la caisse claire. Le tout, vers un solo où la même batterie fait montre d'une diversité appréciable, finit de faire le lien avec Krimh qui apprécie tout à fait ce genre de mélanges et de mouvements.
Cette batterie est clairement un des poins forts du disque (à partir de 4:50 dans « Stellar Tidal Disruption », tu m'en diras des nouvelles !), mais il en va de même pour toute la clique instrumentale. C'est simple, toutes les phases de solos ou de ponts sont d'une justesse qui force le respect. En guise d'illustration, « Exothermic Chemical Combustion », en jouant à fond la carte de la modernité, déploie une superbe façon de mêler les pistes de guitares : il y a un soin apporté à la complémentarité entre elles et, surtout, à la façon dont elles articulent leurs phrases. Ceci crée un espace plein et des transitions sans accroc, comme un spectacle d'acrobates qui se déroule avec fluidité et enchaîne sans difficulté tout un ensemble de plans techniques. Puis j'apprécie beaucoup les idées mélodiques proposées ici, les riffs lourds ont quelque chose de puissant qui pulse dans les oreilles et dans le corps, là où les mélodies en majeur donnent une touche à la fois grandiose et sensible avec sincérité et justesse. « Extremophiles (B) » n'est pas en reste puisqu'elle aussi combine des intentions et des phases excellemment gérées, jusqu'à un solo simplement délicieux en terme de rythmique et de montée.
Mais un album de Prog, ce n'est pas seulement une écriture qui doit tenir en haleine, c'est aussi une ambiance, un voyage, d'autant plus lorsqu'il lorgne du côté extrême du Metal. On va le dire sans détour : la production est simplement impeccable. Outre la solidité des arrangements et des pistes en nappes sur l'ensemble du disque, on trouve des moments marquants avec des ponctuations qui viennent baliser le parcours. Sur « Tsunami and Submergence », c'est cette sacrée ambiance au début qui t'embarque, avec ce chant diphonique et cette montée en fondu avec « v'là les violons » parce que « c'est l'émotion ». Heureusement, le tout évite les écueils du sur-fait, et monte vers de beaux paysages sonores. De manière générale, un tel morceau témoigne du soin apporté à l'équilibre dans la musique, pour proposer à l'auditeur un périple prenant et varié, quitte à aller dans le chant clair (finalement assez peu présent, hormis sur la seconde moitié du disque, par moments, pour amorcer de nouvelles phases) qui finit d'enfoncer le pied dans le Prog.
Et comment ne pas évoquer un trio de tête au sein d'
Apoptosis, afin de signifier cette idée du Prog balisé par des instants mémorables ?
« Metaphobia », d'abord. Grandeur et misère de l'Homme, voici une intro qui te l'annonce : tu n'es rien dans ce monde, mais voici que l'humain est capable de faire ce genre d'ambiances ! Oui, l'espèce humaine, dans son côté le plus bas, peut tutoyer les espaces célestes. Avec une écriture de la violence cousu de mains de maîtres, des growls bien douloureux qui s'accordent à merveille à la production impeccable du disque, tu atteins clairement des sommets. Ce morceau est ma sensation de l'album, car elle touche exactement où il faut, tout en mettant en avant une rare pertinence dans l'utilisation de la violence brute au service d'une musique riche et extrême dans les sensations qu'elle veut procurer. J'écoute ça, je suis galvanisé, je sens un souffle nouveau naître au fond de mon ventre, pour me donner envie de tout défoncer, et de me dépasser. Très bien joué !
« Stellar Tidal Disruption », ensuite. Le géant du Heavy se tient devant vous, et il vous prend pour que vous restiez juchés sur ses épaules. Comme pour « Metaphobia », on est là dans une thématique musicale qui me plaît bien, le fait de se sentir minuscule dans ce que la musique déploie de massif et d'immense. Je retrouve dans cet album le savoir-faire qui m'a rendu fou quand j'ai découvert
BEYOND CREATION, avec cette touche extrême des premières fois où l'on est enthousiaste pour rien, mais tellement porté par ce que l'on écoute qu'on se sent plein, uni à quelque chose qui nous parle au plus profond. Le tout avec cette forte valence mélodique qui, forcément, m'évoque tout ce qu'il y a de céleste dans la musique, je suis refait !
Et, comme point d'orgue, le morceau ultime et éponyme du disque. Dix minutes qui compile tout ce qui été entendu de judicieux dans l'album, et qui permet de vraiment se rendre compte qu'on est face à un disque généreux duquel il ne faut pas passer à côté !
Alors, oui, il y a bien quelques ombres au tableau, tels que les morceaux « Interphase Meiosis » ou « Extremophiles (A) » qui sont un poil moins mémorables. Également, vu combien le reste assure, le chant peut paraître en dessous par rapport aux instruments, la faute à un growl assez habituel et convenu dans le genre (malgré un chant inhalé très discret que je vous laisse trouver) et un chant clair qui fait le taff, sans être oufissime. Mais, franchement, le reste est d'une telle teneur en technique, en mélodies, en riffs agressifs, en batterie variée, en plans instrumentaux
saisissants... Voilà ! C'est bien cet adjectif qui précise au mieux ce que je pense d'
Apoptosis.
En dévoilant ainsi un Metal progressif extrême et équilibré, Allegaeon pourrait bien satisfaire ceux qui n'ont pas apprécié le dernier Irreversible Mechanism. Il pourrait plaire également à ceux qui aiment
RIVERS OF NIHIL,
ARSIS ou
VALE OF PNATH, avec l'utilisation des codes du Prog dans un contexte Death mélo et technique.
C'est simple, Allegaeon a compris que le sens de la mesure et de la diversité dans l'écriture font le sel du Prog. Et quand ceci est au service d'un trajet qui prend aux tripes en étant les deux pieds dans l'extrême, on a là une invitation au voyage qu'il faut saisir !
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