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Paradise Lost - Shades of God

Chronique

Paradise Lost Shades of God
Le Paradis est perdu et nous ne sommes que des ombres de Dieu.

Pour la petite anecdote historique, le mot doom était utilisé dans l’Angleterre Anglo-Saxonne pour évoquer une ordonnance ou une sentence lors d’un jugement et prit peu à peu le sens du jugement dernier et celui que nous connaissons maintenant à partir du douzième siècle. Pourquoi ce petit rappel, si ce n’est d’avoir déjà perdu de nombreuses lectrices et de nombreux lecteurs, c’est juste pour insister sur le fait que Shades of God, troisième album de Paradise Lost, est sans doute l’album le plus doom metal de la discographie du groupe, et qu’il n’avait pas trop d’équivalent à l’époque, à part être plus dynamique qu’un certain Forest of Equilibrium et plus mélodique qu’un The Astral Sleep. Surtout, si c’est avec cet album que le groupe rejoignit les rangs de Music For Nations, avec le succès que l’on connait, il est loin d’être seulement l’album de transition entre Gothic et Icon, même si évolution il y eut depuis Gothic: il est surtout l’un des albums les plus atypiques de la discographie des Anglais.

De primes abords, ce qui surprend avec ce Shades of God c’est le bond en avant fait par le quintet: aussi bien dans l’écriture des titres que dans les moyens mis en oeuvre pour cette réalisation, avec une production plus claire et moins tourbeuse, - le début d’une collaboration très fructueuse avec Simon Efemey -, et une pochette signée Dave McKean. L’évolution est telle que l’on a du mal à se dire que c’est le même groupe qui avait sorti cette pierre angulaire du doom death metal qu’est Lost Paradise deux ans auparavant, et cette autre pierre angulaire qu’est Gothic quinze mois avant cet album, même si l’on reconnait toutefois sa personnalité. En premier lieu, comme indiqué plus haut, Shades of God est donc l’album le plus doom metal du groupe, celui où l’influence d’un groupe comme Trouble, et plus particulièrement ses trois premiers albums, se ressent sans doute le plus, avec d’autres influences bien évidemment. D’où un étirement conséquent des titres, car à part le tube As I Die qui ne dépasse pas les quatre minutes, l’on a ici quatre titres qui s’étalent au-delà des sept minutes, chose assez surprenante pour un groupe qui avait pour le moment préféré une certaine concision. Les mauvaises langues diront que lorsque l’on joue plus lentement, l’on allonge forcément la durée des titres, et c’est assez vrai d’une certaine manière, car le tempo s’est ralenti par rapport au rythme général de Gothic. Pour autant, l’on a évidemment des compositions plus dynamiques comme l’inaugural Mortals Watch the Day et l’énorme Pity the Sadness. Et il n’est pas rare de retrouver des accélérations au sein des titres fleuves, comme sur Daylight Torn. C’est là que l’on ressent l’ombre de Trouble sur cet album.

Mais ce n’est pas le seul trait de caractère qui détermine la singularité de ce Shades of God. Ce qui donne tout son charme à cet album c’est l’audace, - et encore, pris rétrospectivement cela n’a presque plus rien de surprenant - et la maturité affichées dans l’écriture de ces titres. Ce qui surprend vraiment avec cet album ce sont ces compositions assez atypiques, presque progressives dans l’esprit, où viennent s’enchevêtrer de nombreuses parties, parfois sans aucune redondances ou répétitions de motifs, et en tout cas bien loin de la structure couplet - refrain, exception faite de As I Die. C’est même très épatant parce que, parfois, il y a des passages très insolites, comme ces coupures et ces cassures sur Embraced ou sur Your Hand in Mine, ou bien encore cette accélération amorcée par deux leads jumelées sur le final de The Word Made Flesh. Cela nous donne des titres assez riches et surtout très fluides où les Anglais prennent leur temps, quitte à laisser s’exprimer les instruments et mettre de côté le chant de Nick Holmes, comme sur Crying For Eternity ou Your Hand in Mine. C’est bien évidemment dans ces instants où vient s’illustrer Gregor Mackintosh, encore plus bavard qu’avant, avec des soli et des leads touchant déjà l’excellence, et c’est peut être avec cet album qu’il a atteint les lettres de noblesse en la matière. Mais c’est cela qui fait aussi la différence avec ce disque, c’est que, certes, il en met quasiment partout, mais c’est tellement bien fait que cela ajoute un supplément d’âme à chaque intervention. Je pourrais presque citer toutes ses interventions sur cet album, mais je pense que le solo qui est le plus marquant est celui présent sur Pity the Sadness et qui renvoie pas mal de solistes bien plus renommés à leurs gammes, notamment dans l’utilisation de la wah-wah.

Et pourtant, son acolyte Aaron Aedy n’est pas en reste sur cet album, car outre quelques harmonisations et jumelages de mélodies, parce qu’il ne faudrait pas oublier que le groupe provient de la perfide Albion, voire des passages en arpèges comme sur la section centrale de No Forgiveness de toute beauté, ce que l’on retiendra également de cet album c’est l’apparition des acoustiques. Ces dernières sont présentes à de nombreuses reprises comme sur l’introduction de No Forgiveness, le pont de Daylight Torn, furtivement sur Crying for Eternity ou bien encore sur l’introduction de As I Die. Loin de se contenter d’apparaître comme un élément nouveau, elles sont utilisées aussi bien en arpèges qu’en accords plaqués venant accompagner l’ensemble avec finesse et intelligence. Tout cela nous donne des moments plus intimistes et plus légers, où le recueillement est de rigueur, ce qui va bien avec la tonalité générale de ce disque. Et l’on parle bien d’un album qui est sorti trois ans avant un certain Orchid. Dans tous les cas, les acoustiques vont enrichir des compositions déjà bien plus touffues et complexes qu’auparavant. L’enchevêtrement de tout ceci nous donne ainsi des titres vraiment excellents et captivants de bout en bout, jouant parfois sur la montée en intensité comme c’est le cas sur Daylight Torn, l’une des plus grandes réussites de ce disque, donnant un aspect tragique à tout ceci, comme pour mieux supporter les stigmates de la damnation éternelle.

Et cet aspect de condamnés, porté il est vrai par des compositions qui portent leurs croix sur plus de cinquante minutes, nul autre que Nick Holmes pour les exprimer et les vivre intensément. Comme ses camarades, lui aussi affiche des progrès au niveau du chant, changeant un peu sa technique pour les growls suite à quelques problèmes de cordes vocales pendant la tournée de Gothic. S’il est bien question de growls sur ce disque, ils prennent ici une coloration plus mélodique mais tout autant désespérés. Là encore, c’est une des singularités de cet album, mais cela s’intègre bien dans l’ensemble proposé ici. L’on a aussi une première tentative de chant clair sur le début de Your Hand In Mine, dans un registre assez grave et qui annonce bien la suite de l’évolution de son chant. Si transition entre Gothic et Icon il devait y avoir, c’est bien avec cette petite expérimentation, en sus du côté plus direct des titres les plus courts, qu’il faut aller inspecter. Lorsque je disais que c’était le disque le plus doom metal du groupe, il faut aussi insister sur les paroles de Nick Holmes témoignant de cet état d’esprit très Miltonien et gothique, car il n’est question que de questionnements sur la foi, de misérabilisme et de perte d’espoir. C’est sans doute très cliché ce type de paroles mais c’est écrit avec suffisamment de finesse pour faire son petit effet et cela cadre bien avec l’ambiance générale de cet album.

S’il n’est pas le plus connu ni le plus reconnu des albums des Anglais, Shades of God n’en demeure pas moins une excellente réalisation et est surtout une très belle réussite, là où le groupe aurait pu échouer en explorant certains territoires qu’il n’ont que très peu parcouru par la suite, si ce n’est sur Medusa, sorti vingt cinq ans après, c’est dire le caractère assez unique de ce Shades of God. Des compositions plus complexes avec une certaine audace de la part des musiciens, une atmosphère unique empreinte d’une tristesse et d’une commisération touchantes, des titres inoubliables, voilà ce qu’est Shades of God pour ma part, et non pas ce disque coincé entre Gothic et Icon, comme l’on voudrait bien trop le restreindre. C’est un album à part dans la discographie de Paradise Lost, celui qui fait partie des plus beaux travaux d’orfèvre en matière de doom metal, ou en tout cas celui qui exprime le mieux la fatalité de nos existences et la désespérance qui découle de la perte de la foi et du paradis. Comme ses deux prédécesseurs et ses deux successeurs, Shades of God est un album indispensable pour tout connoisseur de doom metal et s’il n’est pas le plus accessible des albums de Paradise Lost, il n’a rien perdu de sa consistance et de son aura, terne évidemment, depuis tout ce temps et pourra séduire tout amateur de metal intelligent et mélodique et qui n’aura pas peur de terminer son écoute les genoux au sol pour se morfondre de sa simple condition humaine. Doom or be doomed comme disait l’autre, ici l’on demandera plutôt pardon alors que l’on est en train de mourir.

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Paradise Lost
Doom Death Metal
1992 - Music For Nations
notes
Chroniqueur : 9.5/10
Lecteurs : (4)  7.88/10
Webzines : (5)  7.3/10

plus d'infos sur
Paradise Lost
Paradise Lost
Doom Death Metal / Gothic Metal - 1988 - Royaume-Uni
  

vidéos
Pity the Sadness
Pity the Sadness
Paradise Lost

Extrait de "Shades of God"
  
As I Die
As I Die
Paradise Lost

Extrait de "Shades of God"
  

tracklist
01.   Mortals Watch the Day  (05:12)
02.   Crying for Eternity  (07:05)
03.   Embraced  (04:29)
04.   Daylight Torn  (07:53)
05.   Pity the Sadness  (05:05)
06.   No Forgiveness  (07:37)
07.   Your Hand in Mine  (07:08)
08.   The Word Made Flesh  (04:41)
09.   As I Die  (03:46)

Durée : 52:56

line up
parution
14 Juillet 1992

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