Bilan 2009 / Thomas Johansson

KREATOR revient aux sources d'une musique plus directe et frontale, comme à la grande époque de « Terrible Certainty » ou « Pleasure To Kill ». En resserrant les lignes et en densifiant leurs morceaux, les allemands ont ainsi corrigé le défaut majeur de leur précédente livraison : le tracklisting. Aucun temps mort à déplorer ici, « Hordes Of Chaos » renoue avec la tradition des skeuds thrash en forme de directs du droit dans la mâchoire. Terriblement violent et accrocheur donc, et bien plus convaincant que le SLAYER actuel auquel KREATOR se permet de faire la leçon sur le final dantesque de « Demon Prince ».

Après "Epitaph" de NECROPHAGIST et "The Conductor's Departure" de ANATA, il semblerait qu'on tienne une nouvelle pierre angulaire d'un genre, le death technique, qui n'évite pas toujours l'écueil de la démonstration gratuite (et une cartouche pour ARSIS, une!). Pas de ça ici avec un album très riche et varié, évoquant tour à tour DEATH, ANATA et NECROPHAGIST, groupe dans lequel officiait Christian Muenzer. Une réussite totale marquant le retour du bassiste de PESTILENCE (sur "Spheres") Jeroen Paul Thesseling.

Avec "Static Tensions", KYLESA appose sa marque de fabrique, faîte d'un irrésistible mélange entre mélancolie furieuse et groove infernal, sans oublier le recours aux effets divers et variés sur des guitares qu'on a rarement connues aussi vivantes et sauvages. Violemment addictif, incroyablement riche et varié, parfois délicieusement planant, “Static Tensions” vous fera voir du pays mais à dos de carne, faisant étape dans les bouis-bouis les plus mal fréquentés pour rappeler aux égarés du genre les principes fondamentaux : un bon disque de metal, c'est avant tout une bonne baston d'arrière cour.

Difficile d'extraire un album de grind de cette année 2009 bien chargée en la matière mais plutôt qu'un sempiternel NAPALM DEATH ou un BRUTAL TRUTH regaillardi par 10 ans de break, ma préférence ira aux suisses de MUMAKIL dont le "Behold The Failure" synthétise à merveille tout ce que j'attends d'un bon skeud du genre : férocité, puissance et intensité.

Excellente surprise que ce premier album de TENET, all star band comprenant les trois quarts du line-up de STRAPPING YOUNG LAD et les deux comeback players Steve Souza (EXODUS) et Glen Alvelais (TESTAMENT). L'alliance du thrash moderne et de la bay area tient toutes ses promesses avec des brûlots comme "Hail! Hail!" ou "Being Nothingness", sur lesquels Glen Alvelais livre des solis terriblement jouissifs. La formule reste à parfaire mais pour un premier jet, grosse claque!

J'avais écrit dans ma chronique de "Hordes Of Chaos" que sauf miracle chez Mustaine and co., on tenait là l'album thrash de 2009. Et bien miracle il y a, ou plutôt confirmation du retour en forme optimale d'un MEGADETH qui enchaîne un troisième album de haut vol après les excellents "System Has Failed" et "United Abominations", n'en déplaisent à ceux qui les trouvaient un peu mous du genou. Avec le renfort du virtuose Chris Broderick, MEGADETH enchaîne à nouveau les riffs et les solis comme des perles, se payant le luxe d'ouvrir "Endgame" avec un pur instrumental, comme à la grande époque de "So Far, So Good, So What!". Déjà un classique.

Plus qu'un simple album live, l'occasion de se replonger dans le répertoire d'un des grands du black metal (sinon le plus grand, et l'un des rares qui trouve grâce à mes oreilles) avec un son monumental et une setlist blindée de classiques, même si personnellement je regrette le peu d'espace accordé aux titres de "Prometheus". Indispensable.

Plus qu'un album, un quasi miracle. En l'écoutant, j'ai retrouvé mes 16 ans, mes cheveux longs (enfin mes cheveux tout court!) et ma chemise à carreaux! "Lessons Learned" est le titre que j'aime le moins, "Take Her Out" me plaît bien avec son démarrage façon Def Leppard. L'album est monstrueux sur le plan émotionnel, c'est une réussite inespérée.

Ajout tardif à mon bilan de l'année d'un groupe de death technique (entre autres chapelles brutales) très original qui vaut bien Anata ou Obscura, mais seulement parce que l'ami laitier m'a collé un flingue sur la tempe.

Ceux qui en ont leur claque du grind javélisé par Relapse feraient bien de jeter une oreille, et même deux, sur le deuxième full length de GRIND-O-MATIC. Du grind d'écorchés vifs, à mi chemin entre PIG DESTROYER pour l'absence de basses et BRUTAL TRUTH pour l'aspect chaotique, le tout entrecoupé d'interludes de foire renforçant la singularité de la chose. Le dernier titre, "Freakshow", brillante incursion dans le registre grind progressif (17 minutes au compteur!) est une épreuve de force. Affaire à suivre de très près!

Déjà entendu ? Riffs génériques ? Certes. Mais pour qui recherche un album pas prise de tête pour un sou, doté d'une bonne dynamique et d'un production sans faille (mixé par Henrik Udd et Fredrik Nordstrom aux studios Fredman), assimilable dès la première écoute mais suffisament inspiré pour éviter la case metal jetable, « Attitude » vaut le détour, ne serait-ce pour son habileté à faire cohabiter deux genres (power thrash et metal gothique) d'ordinaire aux antipodes l'un de l'autre.

Modèle de concision (11 titres pour 24 minutes!), « Better Ways To Die », outre son pedigree hardcore punk assumé jusqu'à la tombe, lorgne suffisament du côté métallique de la force pour séduire les amateurs de crossover thrash, de démarrages fulgurants slayeresques tous solis dehors, de guitares lead heavy au possible ou de MOTORHEAD tout court le temps d'un couplet frappant de mimétisme (« Better Ways To Die »).

Du très bon death grind typé nineties, DIY style, où le gras des vocaux le dispute au tranchant des guitares. Violent, malsain et on ne peut plus direct, un excellent skeud dans un genre pourtant surpeuplé.

Le caractère un peu inégal des compos m'empêche de placer "To The Nines" dans la catégorie "Album Of The Year" mais au regard des nombreux chamboulements qu'ont connu les danois (Pepe, seul survivant tient fermement la barque), ce nouvel album est un quasi miracle après un "Serpent Smile And Killer Eyes" en demi teinte. Rythmiques explosives, riffs de tueurs façon At The Gates revisité et nouveau chanteur impressionnant d'aisance, "To The Nines" et son title track d'anthologie méritaient bien un petit coup de projo!

Un des bons plans death de l'année! Techniquement irréprochable, doté d'une sacrée patate, WITHDRAWN fait les yeux doux à la scène polonaise sans avoir à aucun moment à souffrir de la comparaison. Manque un soupçon de personnalité pour séduire définitivement, mais ça sera sans doute pour le prochain!

Une décennie sans sortir un album majeur, ça sent la fin pour les suisses dont le nouvel album, "Above", est mollement assumé par ses géniteurs. Le retour aux sources d'un black plus agressif aurait pu porter ses fruits si SAMAEL avait travaillé ses compos comme il se doit ("Above" ne devait pas sortir sous la bannière SAMAEL à l'origine) et n'avait pas forcé la dose en voulant dégueulasser le son à l'extrême. Chant immonde, morceaux qui tournent à vide passé la minute, pas de doute, "Above" est foiré dans les grandes largeurs.

Je voyais bien PESTILENCE revenir sur le devant de la scène avec une version réactualisée de « Testimony Of The Ancients », l'album qui conciliait le mieux d'obscurs relents death originels avec des effluves plus mélodiques et lumineuses. Hélas pour moi, le résultat s'en éloigne sensiblement et si l'album n'est pas exempt de qualités, les failles, bien plus nombreuses, relèguent ce cinquième full length au troisième sous sol de la pochette, entre le cercueil des espoirs déchus et la fosse commune réservée aux vieilles gloires sur le retour.

Le syndrome VADER a également frappé NIGHTRAGE, qui à force de changements de line-up à répétition donne l'image d'un groupe naviguant à vue, sans ligne directrice forte. Alors bien sûr, Mario Illiopoulos fait le métier (et plutôt bien) mais les jeunes moussaillons qui l'accompagnent n'ont pas l'étoffe suffisante pour hisser cet album au niveau des trois premiers. Plombé par un chanteur très quelconque et un contenu généralement peu inspiré, "Wearing A Martyr's Crown" fait ressurgir le spectre du death mélo scandinave des années 90. En vain.

La tôle de l'année. Déjà plus ou moins poussif en studio sur les deux opus précédents (en live, ça reste plutôt bon par contre), le retour d'OBITUARY vire à la catastrophe industrielle sur un album ni fait ni à faire qui donne l'image d'un groupe en roue libre, sans ambition aucune et qui se contente d'enquiller les plans les plus éculés et minimalistes qui soient. Le chant de John Tardy ne suffit plus à masquer la grande pauvreté de l'ensemble.

Il fallait bien que ça arrive. KMFDM, qui sort à cadence régulières de petites bombes d'industrial rock tous les 18 mois en moyenne, vient de se ramasser avec sa dernière production en date, « Blitz ». Moins orienté guitares, moins inspiré tout court, « Blitz » souffre clairement de l'absence conjuguée de Steve White, Andy Selway et, dans une moindre mesure, de Jules Hodgson, qui avaient largement contribué à stabiliser le vaisseau KMFDM dans des eaux plus tourmentées, plus rock, plus metal. Handicapé par un contenu inégal et durée de vie assez faible, « Blitz » décevra donc la frange la plus brutale des aficionados du groupe.

Après un "Impressions In Blood" convaincant et un "XXV" exceptionnel, VADER repart à zéro ou presque avec un line-up bouleversé dans les grandes largeurs et, malheureusement, un album d'un trop grand classicisme sur lequel Vogg (DECAPITATED) peine à exister. Aucun hit, rien que du déjà entendu et un batteur quelconque qui ne soutient à aucun moment la comparaison avec ses prédécesseurs. Vous pouvez faire l'impasse.

« Blue Record » m'a fait l'effet d'un premier album imparfait, que l'on découvre sur le tard après être tombé sous le charme du troisième. Moins planant que « Red » malgré quelques louables reprises de thèmes sur « Ogeechee Hymnal », moins progressif également avec un seul titre frayant au delà des six minutes, bien moins dynamique et frontal que « First & Second » malgré un contenu plus massif et moins dispersé, « Blue Record » nivelle par le bas et ne semble retenir de l'album précédent que son seul et unique défaut : un tracklisting hasardeux qui, s'il participe du charme d'un BARONESS en pleine possession de ses moyens, n'arrange rien ici.

"Christ Illusion" n'était déjà pas bien terrible mais avec ce piteux "WPB", SLAYER franchit le point de non retour et sombre dans l'autoparodie la plus confondante. Deux titres à peine corrects, une production ignoble, un Tom Araya bien fatigué (on pourrait rajouter Lombardo également) et des solis indignes parachèvent le dépôt de bilan.