Sons Of A Wanted Man - Kenoma
Chronique
Sons Of A Wanted Man Kenoma
On l’a souvent dit et répété mais la Belgique est un pays qui recèle nombre d’atouts non-négligeables, que ce soit dans le domaine de la qualité de vie comme au sein de sa pléthorique et active scène culturelle, quel que soit le type choisi. Encore inconnu par chez nous SONS OF A WANTED MAN risque de ne plus l’être très longtemps, tant ce premier opus se révèle être particulièrement intéressant et prometteur, mettant ses géniteurs dans le bon wagon des formations à suivre. Car depuis ses débuts en 2014 le combo de Béringue (situé non-loin de la frontière Néerlandaise) a vu sa musique gagner en maturité et en profondeur sur chacun des courts-formats précédemment sortis, jusqu’à aboutir aujourd’hui à un Post-Metal sombre et tortueux. Si sur le papier le style proposé semble assez clair à l’écoute il va demander du temps et de la patience pour être appréhendé, il faut dire que le quintet aime brouiller les pistes vu le melting-pot au niveau de ses influences qui vont de GOJIRA à NEUROSIS, en passant aussi bien par les MELVINS, YEAR OF NO LIGHT, ALCEST, CULT OF LUNA ou encore BEHEMOTH, autant dire que ça ratisse large, et cela s’entend dès le départ.
Effectivement le groupe a décidé de sortir d’entrée toutes ses cartouches via « Kenoma », qui outre être le morceau le plus long de cette galette est aussi le plus dense et tempétueux. Car directement on se retrouve embarqué en pleine furie sonore où les blasts et le chant criard sont de sortie, même si le riffing aérien est là pour prouver qu’on n’est pas en présence d’un Black-Metal brutal et bas du front. Certes l’entité sait se montrer radicale et déchaînée mais ces passages ne sont que la partie émergée de l’iceberg, car le reste va se dévoiler progressivement notamment en ralentissant le tempo qui va doucement s’alourdir, et d’où ressort une certaine mélancolie. Si de la lumière émerge par moments de cet amas impénétrable (où les variations rythmiques sont nombreuses), la majeure partie du temps va mettre à l’honneur les relents Sludge lourds et gras afin de renforcer ce sentiment de perdition et d’étouffement. Jouant sur l’alternance et les cassures cette première plage fait passer par tous les états et sentiments possibles, tout en conservant un dynamisme implacable au rendu rythmé et éthéré. Si durant près de onze minutes les Flamands ont étalé toute leur classe et leur facilité d’exécution (malgré une écriture alambiquée) il faut cependant se mettre en condition pour saisir toutes les superpositions d’instruments, et ainsi comprendre où chacun des membres veut emmener l’auditeur, même si ça ne se fera pas sans heurts.
Si la suite réussie sous le nom de « Serpentine » montre une facette à la fois plus sobre et remuante mais aussi très solaire (d’où l’espoir semble renaître), les choses vont être différentes sur le mitigé « Canine Devotion ». A partir de cet instant le disque va tomber dans une espèce de faux-rythme, même si l’on perçoit une orientation plus triste et posée, liée notamment à l’apparition de la voix douce et chuchotée d’Isa Holliday. S’il n’y rien à redire quant à la qualité de sa prestation (elle amène une vraie sérénité bienvenue) en revanche la musique en raccord avec ses parties (au début et à la fin de la compo) se montre bien trop répétitive et plan-plan pour captiver sur la longueur. Cela est réellement dommage car l’explosive partie centrale (menée notamment par des longs roulements de caisse claire) était plus intéressante et particulièrement énergique. Cependant celle-ci ne fait pas oublier la durée excessive de certains plans allongés de façon trop importante, à l’instar de « Under A Lightless Star » très classique sur le fond comme la forme, mais victime d’une répétition des riffs inutile. Reprenant tous les éléments entendus jusque-là il se montre sympathique et réussi à défaut d’être aussi prenant que ce qui a été entendu sur la doublette de départ, même si cette baisse de régime va être définitivement oubliée sur ce qui va suivre.
En effet ce long-format va repartir sur d’excellentes bases, et en premier lieu avec le très bon « Absent » qui mise sur le grand-écart entre lenteur et vitesse pour mieux mettre en avant l’antagonisme luminosité/obscurité. Particulièrement massive et entrainante cette composition sert de tremplin parfait au magnifique « Amor Fati » qui va pousser le son des zicos plus loin dans leurs retranchements. Car comme lors de « Kenoma » tout le panel de jeu va être mis en avant afin d’offrir un sentiment de renaissance et de plénitude où les différentes variantes de Metal de ses créateurs s’agglomèrent entre elles sans aucun problème, ceci provenant d’un dynamisme constamment présent qui semble promouvoir le début d’une nouvelle ère. Ce ressenti s’embraye d’ailleurs très bien avec l’outro « Pleroma » où résonne le calme après la tempête, tant ce vent spatial et les arpèges doux en réverb’ donnent la sensation de planer vers une destination inconnue. Belle et apaisante elle montre la voie à une renaissance physique et spirituelle, propice à la rêverie comme pour dire qu’il y’a bien quelquechose après la mort.
Sans être parfaite cette livraison de ces voisins d’outre-Quiévrain montre néanmoins de très bonnes dispositions, tant ce chaos sonore se montre riche en surprises même s’il faudra du temps pour en saisir toutes les nuances. Ne surjouant jamais la démonstration instrumentale les mecs arrivent à ne pas tomber dans ce piège récurrent, notamment via un batteur au jeu fin et précis et un chanteur qui mise énormément sur les variations et changements de tessitures vocales. Certes l’ensemble aurait gagné en puissance et densité en allant plus à l’essentiel et en raccourcissant son propos (ça ne descend jamais sous les six minutes), mais il n’en reste pas moins qu’avec de si belles promesses entrevues ici (et une vraie originalité) il serait dommage de faire la fine bouche et de bouder son plaisir. En tout cas avec un peu plus de vécu et d’expérience il est probable que les Belges reviendront plus forts et affûtés dans le futur et que ces petites erreurs de jeunesse entendues ici et là seront gommées à l’avenir.
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