Mes sentiments envers «
Spheres », quatrième album de
PESTILENCE, sont probablement faussés par le fait qu’il s’agit de mon tout premier contact avec les Hollandais. Par conséquent, j’ai longtemps eu tendance à le considérer comme leur sommet artistique, le plaçant loin devant un
« Testimony of the Ancients » par exemple et encore plus loin devant tout ce qui a pu sortir depuis 2009. La réalité est sans doute plus nuancée, surtout si on lit les différentes chroniques d’aujourd’hui et d’alors : il y a ceux qui laminent cette sortie, ceux qui l’encensent, la tiédeur ne semblant pas pouvoir être de mise ici. Pourquoi un tel déchirement ?
A l’exception de
Tony Choy, parti aussi vite qu’il est venu, le
line up est inchangé mais ces messieurs ne se sont pas quittés fâchés puisque l’on retrouvera la paire
Choy – Mameli dans
C-187 pour l’album
« Collision » en 2007. Autre anecdote que je ne connaissais pas, la pochette initialement réalisée par
Dan Seagrave fut rejetée par le groupe (consultable
ici) et c’est vrai qu’à bien y regarder, la version retenue me semble bien plus intéressante car esthétiquement plus cohérente avec celle de son prédécesseur. Est-ce que cela a cependant pu avoir un impact sur la destinée de l’album ? J’en doute.
Quoi qu’il en soit, j’observe surtout que «
Spheres » est peut-être le premier album de
PESTILENCE où
Patrick Mameli n’a pas à partager la vedette avec un alter ego (
Martin Van Drunen sur les deux premiers LP, puis
Tony Choy sur le troisième) et, de là à penser que le mec s’est enfin senti libre de faire ce que bon lui semblait, il n’y a qu’un pas. Ce n’est pas pour autant qu’il a composé n’importe quoi. D’abord, les trente-trois minutes restent tout de même profondément ancrées dans le
metal dur, ne serait-ce que par la voix, les riffs froids, techniques, ainsi que les nombreux martellements de
Marco Foddis qui, quoi qu’on en dise, n’a pas totalement remisé sa double au placard pour cet enregistrement. Ensuite parce que, les claviers, même dans le
death metal, sans dire que c’est entré dans les mœurs, ce n’est pas non plus une révolution (cf.
NOCTURNUS). Ok, là il y en a beaucoup mais c’est aussi le cas dans les groupes de
black symphonique qui commencent à déferler sur le monde, on ne s’en offusque pas pour autant. C’est parce que
PESTILENCE est censé faire du
death c’est ça ?
Pourtant, ce n’en n’est plus vraiment. Les mecs sont partis ailleurs, un pied dans le
techno-death, un autre dans l’expérimental, une main sur le sac d’acides, la seconde enfouie profondément dans les plans
jazz, notamment au niveau des solos qui traversent l’album ou encore du jeu de basse de
Jeroen Paul Thesseling, que l’on retrouvera chez
OBSCURA dès 2008. Alors que peut-on réellement reprocher à ces onze compositions ? Il est certain que les fans de la première heure des Bataves ont dû faire la gueule. Il y avait bien déjà quelques claviers dans «
Testimony of the Ancients » mais ils n’étaient alors pas un instrument prépondérant. Les métalleux « de base » ont dû se sentir trahis là où moi je n’en avais rien à foutre étant donné que je découvrais la formation. Il faut aussi reconnaître que le tempo s’est fortement assagi, qu’il n’y a plus de titres aussi forts qu’un « Twisted Truth » (aussi simples également, le riff central tenant en deux notes) et que tout a peut-être été un peu trop intellectualisé. Cependant, à bien y regarder, «
Spheres » me semble être une suite on ne peut plus logique : parce qu’il y avait déjà un clavier, parce qu’il y avait déjà de nombreux interludes non
metal (sept instrumentaux bien fumeux, personne n’a gueulé à ce que je sache), parce que le symbole de la pochette s’est libéré de ses chaînes et que compte-tenu de l’inspiration extra-terrestre (les Anciens, le split « La race au-delà » aux côtés de
CYNIC,
FEAR FACTORY,
BELIEVER et
TREPONEM PAL), le contenu de «
Spheres » n’a rien de surprenant. En revanche, on peut ne pas l’aimer mais c’est un autre sujet.
Bon, c’est vrai qu’un interlude tel qu’« Aurian Eyes » aurait davantage sa place dans une nocturne de France Culture et que ce genre de délire ne pouvait que froisser les esprits les plus étroits (dont j’aurais certainement fait partie si j’avais eu quelques années de plus) mais, en termes d’écriture, de complexité et d’inventivité, «
Spheres » m’apparaît encore et toujours comme un aboutissement. D’ailleurs, depuis le retour de la formation en 2009,
Mameli n'est jamais parvenu à renouer avec ce souffle d’inspiration, tant et si bien qu’il est à la fois triste et amusant de regarder ce que pensent les chroniqueurs de «
Levels of Perception » (2024) sur
Metal Archives : huit notes à 0%, c’est du jamais vu.
Il reste qu’il y a des signes qui ne trompent pas. Car si je ne dirai pas que l’échec que fut ce disque, pourtant sorti chez
Roadrunner Records, est ce qui a entraîné la séparation du groupe, la compilation qui s’en suivit («
Mind Reflections », 1994), avec son symbole sphérique balancé dans un marécage comme un vil déchet, laisse tout de même songeur. Le retour au réel pue l’eau saumâtre, tu sens bien qu’entre le titre (« Réflexions sur l’esprit ») et l’imagerie, les mecs ont besoin de se poser un peu.
Sans faire de la psychologie de bazar, je reste fermement convaincu que ce quatrième LP n’est pas un accident de parcours. Je lui trouve un sens logique dans le cheminement musical et spirituel de la formation, il aurait peut-être fallu mieux préparer les esprits à sa sortie, même si les Hollandais n’ont cherché à tromper personne en proposant le titre « Mind Reflections » sur le split «
The Breed Beyond ». Il demeure qu’une écoute actuelle reste pour moi toujours aussi fascinante, même si j’ai désormais tendance à éluder les interludes pour arriver à la conclusion qu’un simple EP aurait fait l’affaire.
11 COMMENTAIRE(S)
29/09/2024 20:47
Je l'ai écouté trois fois cette semaine. C'est bancal, c'est pas toujours maîtrisé : mais c'est incroyable.
Mameli s'est acheté une Yamaha G10 pour faire joujou avec une guitare synthé, et ça donne à la fois les pires fautes de goûts mais aussi des ambiances tout à fait remarquables. L'album décontenance, mais les expérimentations fonctionnent jusqu'à un Demise of Time qui rompt le rythme et le tempo pour un passage Jazz qui fait du bien.
Puis 33 minutes, c'est impeccable comme format : tu restes impliqué jusqu'au bout.
Je suis tellement content de parvenir à comprendre ce disque qui, en effet, semble tout à fait logique si on prend le parcours de Pestilence sur les 3 précédents.
Mais, comme je disais dans mon commentaire précédent : dommage que Mameli soit une gueule de con, actuellement il ne tend pas seulement le bâton pour se faire battre, il propose des ogives nucléaire à lui balancer dès qu'il poste un truc. Ca entache la réputation de Pestilence...
24/07/2024 19:40
17/07/2024 09:07
Concernant le retour de Pestilence, plus mitigé en effet, mais Exitivm, je le défendrai quoi qu'il en coûte ! Il fait une belle synthèse de ses multiples inspirations et propose du Pestilence reconnaissable et pertinent.
Bon, je ne vais pas m'étendre sur le bonhomme sur les réseaux, car il semble que sa discipline favorite, outre montrer ses biscotos et être turbo complotiste, c'est faire les olympiades des jaquettes affreuses avant d'en mettre une autre car "bad buzz is good buzz".
Mais il avait participé à une interview sur une petite chaîne, et c'était vachement intéressant : https://www.youtube.com/watch?v=qq_bczmd9IE
15/07/2024 14:05
13/07/2024 09:41
12/07/2024 19:05
C'est une pierre angulaire du techno-death, un des albums marquants de 1993 qui reste la plus belle année musicale du death metal.
Mameli avait dit à l'époque qu'il était super influencé par Cynic, et ça s'entend. Il a même anticipé ce que deviendrait le groupe sur Focus, par bien des aspects, alors que les deux albums sont sortis au même moment. Aujourd'hui c'est une oeuvre qu'il renie, ce qui n'a rien de surprenant quand on écoute les immondices qu'il a pu pondre après la reformation de Pestilence.
12/07/2024 19:06
C'est pas une évolution choquante à mon sens, Testimony possédait déjà des nappes de claviers, et des moments plus atmosphériques sur Stigmatized ou sur l'instrumental In Sorrow.
Et y'a une ambiance à la Nocturnus, en particulier Thresholds qui me plait bien.
Et bordel, mais ta chronique m'a fait aller sur la page MA du groupe, et c'est maintenant 11 reviews à 0% sur le dernier bousin sorti, c'est hallucinant.
Hormis Resurrection Macabre que j'adore, même si on est peu, tous les albums post reformation c'est le naufrage en effet.
12/07/2024 18:35
12/07/2024 18:12
12/07/2024 17:58
12/07/2024 12:59
J'avais adoré ce disque.
Déjà, j'en avais marre du death photocopieuse...
J'y avais trouvé ce que tu énonces au début : de l'expérimental classe, des plans jazzy, du foutraque sous acide...
1993, c'est aussi l'époque du Grin de Coroner ou du From the Shadows d'Unholy.
On était gâtés punaise.