Alors que je connais le nom ainsi que les visuels d’
EVILDEAD depuis 1991 et l’emblématique «
The Underworld » (deux ans plus tôt, j’étais encore un peu jeune pour la sortie d’«
Annihilation of Civilization »), je n’ai jamais écouté la musique de ces Américains. Cela me semble un peu dingue tant ce logo et cette vieille tronche patibulaire peuplent l’imaginaire
metal depuis des décennies mais, voilà, c’est un fait, ma première expérience sonore se fera par l’entremise de «
Toxic Grace », noté d’un tristement prémonitoire 19% sur
Metal Archives… Est-ce vraiment la meilleure façon de faire connaissance ? Tu n’attaques pas
METALLICA par
« St. Anger »… J’ai donc commencé par m’imprégner des anciens disques, un
thrash crossover metal solide, rien d’exceptionnel à mon goût mais, étant très amateur de cette période, j’y ai retrouvé tous les éléments que j’affectionne en général. Me voilà à présent plus à l’aise pour m’intéresser à ce quatrième LP.
Evidemment, la pochette ne peut qu’évoquer un épisode récent de confinement, le logo est toujours aussi beau (je pense systématiquement à
Judge Dredd quand je le vois), les thématiques chères à la formation sont donc toujours les mêmes : la politique, la satire sociale, etc. En revanche, musicalement parlant, ces dix titres s’avèrent effectivement être une cruelle déception, notamment parce que «
Toxic Grace » incarne parfaitement la différence entre un album et une suite de morceaux disparates.
Cela commençait pourtant bien avec la triplette « F.A.F.O. », « Reverie », « Raising Fresh Hell », même si les riffs m’ont systématiquement fait rechercher des références du côté de
« Reign in Blood ». C’est un peu dommage pour une formation ayant cette ancienneté mais comme cela est plutôt bien exécuté, je m’en accommode bon gré mal gré, même du chant d’un
Phil Flores amorphe, apparemment vidé de toute énergie vitale. Mais ensuite, que s’est-il passé ?
« Stupid on Parade » veut jouer la carte d’un
techno thrash expérimental (
ATHEIST ?) avec quelques claviers et des effets de voix… En soi ce n’est pas raté (les bonnes rythmiques à trois minutes) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ?
Arrive « Subjugated Souls ». Pourquoi j’ai l’impression que
Dave Mustaine fait un
guest ? En soi ce n’est pas raté (le bon break à deux minutes vingt-deux) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ?
C’est ensuite au tour de « Bathe in Fire » qui nous refait le coup d’un
techno thrash un poil dissonant (
VOIVOD ?). En soi ce n’est pas raté (le bon solo à deux minutes vingt-neuf) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ?
Quant à « Poetic Omen », pourquoi est-ce qu’il sonne comme une formation de
heavy doom, avec encore ce clavier ultra
cheap ? En soi ce n’est pas raté (le bon final rythmique à compter de quatre minutes) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ?
Je passerai rapidement sur l’instrumental « World ov Rats », soit deux minutes d’une pauvreté absolue avec un seul et même plan rythmique répété jusqu’à plus soif. En soi c’est raté et qu’est-ce que cela vient foutre là ?
Officiellement, « Fear Porn » est le neuvième et dernier titre. Plus direct, plus mélodique également, il n’est même pas dans la continuité des trois premiers dont il se rapproche pourtant le plus. En soi ce n’est pas raté (si ce n’était pas censé être du
EVILDEAD) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ?
Enfin, le bandcamp propose une reprise en bonus : l’immense « The Death & Resurrection Show » du tout aussi immense
KILLING JOKE. En soi ce n’est pas raté (le riff principal est évidemment monstrueux) mais qu’est-ce que cela vient foutre là ? Pour bien se rendre compte du naufrage, il faut regarder une prestation complètement habitée des intéressés, celle-ci de 2022 par exemple au
Bloodstock, là on comprend bien que les Américains sont totalement rincés, sans substance.
Ok, l’album est hétérogène (ou hétéroclite) et, pris individuellement, chaque titre peut faire illusion mais, aux écarts de styles, s’ajoutent des écarts de production, toutes les compositions ne semblant pas être sonorisées de la même manière. « Subjugated Souls » ne rend pas comme « F.A.F.O. » par exemple, cela ajoutant encore à la difficulté d’appropriation de cet étrange album, le gros point noir restant la prestation vocale, très en dessous des standards passés. Peut-on alors parler de ratage complet ? Il est tout de même ardu de comprendre comment l’équipe qui a écrit «
United States of Anarchy » en 2020, un vrai bon disque de
crossover rageur, a pu autant passer à côté de ce «
Toxic Grace » qui fait plus penser à une compilation de faces b ou de chutes de studio qu’à une œuvre à part entière. Pourtant, il y a la volonté d’explorer de nouveaux territoires, les musiciens tentent des choses mais, soit ils ne sont pas allés au bout de leurs idées (écrire un disque de
thrash expérimental, en totale rupture avec le passé), soit ils n’avaient justement pas assez d’idées pour composer un album complet qui, artistiquement parlant, se tienne. On se retrouve alors avec des bribes, des embryons et, concrètement, trois pistes possibles pour l’avenir : la continuité qui fédère, avec un
thrash moins
hardcore et davantage
slayerien, la cassure nette, dans une veine
techno thrash à claviers plus atmosphérique et qui pourrait être séduisante, l’enterrement en virant
mélo thrash, option pour laquelle le chanteur ne me semble pas avoir le niveau à l’heure actuelle. Quoi qu’il en soit, je ne mourrai pas idiot puisque je me suis enfin familiarisé avec
EVILDEAD, ce n’était certainement pas la bonne porte mais je ne suis pas le premier à qui cela arrive de se tromper d’entrée par mégarde.
1 COMMENTAIRE(S)
07/09/2024 17:37
Seule chose à sauver, certains leads et solos, qui restent le point fort du groupe, et ce, depuis le tout début.
Une section rythmique tellement fatiguée sinon, on dirait une boîte à rythme qui veut pas dépasser le mid tempo, et un chant tout aussi robotique et sans conviction. Le mec lis son texte et s'en fou.
Evildead fait parti de ces groupes de Thrash qui aurait dû se contenter de faire du live post reformation, et pas d'albums comme Morbid Saint ou Rigor Mortis.
C'était parfait sur Annihilation, et tout aussi sympa sur Underworld.