Hardingrock - Grimen
Chronique
Hardingrock Grimen
Après des années de vie commune, pas toujours évident d'entretenir la flamme. Je ne vous apprendrai sans doute rien en vous disant que faire durer un couple est un travail quotidien qui requiert une attention mutuelle mais aussi un brin d'imagination pour éviter de tomber dans une routine toxique. Et quand on s'appelle Tveitan et qu'on est impliqué dans divers projets solo aussi passionnants les uns que les autres, il devient vital de conserver un lien. Le couple préféré des Norvégiens en est conscient et s'était lancé à la fin des années 90 dans cette fantastique aventure que fut Peccatum, aboutissant en 2004 au chef d'oeuvre "In a Reverie". Arrivés au bout du chemin, il leur était alors nécessaire de trouver un moyen de se retrouver. C'est finalement autour de l'amour que tous deux portent au folklore de leur pays qu'une étincelle jaillit. D'après la légende, ce serait en admirant la beauté des fjords vêtus uniquement de ce que leur avait offert dame nature que le projet Hardingrock serait né. Après tout, qui pourrait rester insensible aux terres sauvages de cette magnifique contrée ? Ni une, ni deux, les voilà en train de frapper à la porte du grand père du violon norvégien, Knut Buen, une figure emblématique du folk local afin de lui proposer un rapprochement inédit entre le monde du metal et l'hymne des lacs gelés.
Toutefois, mélanger travail et vie privée n'est pas forcément une bonne chose : soit on est totalement en phase, soit un des deux prend les commandes ; dans le cas contraire, c'est l'engueulade assurée. Vu les fortes personnalités de nos tourtereaux et la divergence de leurs principaux travaux, pas étonnant qu'ils aient décidé de mettre un terme à Peccatum et d'aborder de la sorte "Grimen", seul et unique album de ce projet. On aurait en effet pu s'attendre à un plan à trois ; en fin de compte, on a plutôt à faire à une tournante où Ihsahn et Ihriel s'envoient tour à tour le papy et son instrument afin d'agrémenter des morceaux à la parentalité immédiatement reconnaissable. Comme l'artwork le laissait entendre, s'alternent donc du Starofash et du Ihsahn, madame et son trip-rock/ambient période "The Thread", monsieur et son metal progressif tiré de son projet solo, avec cette petite touche folklorique qu'apporte Knut Buen, ce dernier grossissant le trait par des textes et une narration (évidemment 100% norvégienne) censée renforcer l'atmosphère mystique de l'ensemble. Le reste du message est évidemment délivré pour la sublime voix de Heidi et les différents chants de Vegard, tous deux visiblement en grande forme.
Pour apprécier cet album, il vous faudra donc être réceptif aux différentes sensibilités antagonistes exposées ici. Si comme moi vous étiez déjà familier des univers du couple, vous ne devriez ni être déconcertés, ni déçu par ce que vous entendrez car les compositions s'avèrent de grande qualité, notamment le travail d'Ihriel dont la subtilité transcende plus que la force brute délivrée par son mari. Cependant, comparé à sa femme qui se contente de faire du Starofash (ce qui est déjà pas mal soit dit en passant), Ihsahn a le mérite d'avoir adapté son écriture à l'exercice dans un style très mélodique et entraînant qu'on ne lui connaissait pas et a fait l'effort de proposer une véritable revisite de sa musique pour intégrer un violon. Contrairement à bon nombre de groupes de metal à fourrure, le trio épaulé par l'infatiguable Asgeir Mickelson parvient à trouver l'équilibre entre saturation et tradition, sans tomber dans les clichés et/ou le ridicule ("Fanitullen", "Faens marsj", "Fossegrimen"). De son côté, à défaut de surprendre, Ihriel apporte son expérience et sa maîtrise de l'électronique et des claviers, un raffinement qui profite à tous les morceaux, même les plus violents.
"Grimen" manque probablement de cohérence et je comprendrais bien sûr qu'on reproche à ses géniteurs de ne pas avoir fait un pas les uns vers les autres pour aboutir à un résultat plus homogène. Personnellement, appréciant indépendamment Ihsahn et Ihriel, je n'ai pas été plus gêné que ça par ce constat. Pour moi, c'est le choix du "tout norvégien" qui m'a fait tiqué : ne comprenant pas un traître mot de cette langue, les phases de narration perdent de leur intérêt, la voix de Knut n'étant pas franchement sexy. Si je peux entendre que leur folk n'aurait probablement pas eu la même saveur en anglais, les interludes en deviennent vite frustrants et ennuyeux, accompagnés la plupart du temps par une bande son peu excitante. Au final, cela représente près de 10 minutes, soit un quart de l'album tout de même.
Sorte de split Ihsahn/Starofash, cet unique production de Hardingrock laissera de bons souvenirs en tant que prolongement des oeuvres respectives de nos Norvégiens ou en tant que terrain d'expérimentations diverses dans le croisement de genres. Au bout du compte rien de transcendant certes, juste d'excellentes compositions qui méritent qu'on s'y attarde comme la famille Tveitan sait en produire. Je n'aurais d'ailleurs pas craché sur un peu de rab.
| Dead 23 Avril 2015 - 803 lectures |
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