Wovenhand - Woven Hand
Chronique
Wovenhand Woven Hand
Wovenhand … Dans la liste des groupes qui me tiennent particulièrement à cœur, l’entité de David Eugene Edwards est en bonne position. Ce groupe si particulier, qui a prit la relève de 16 Horsepower, est résolument unique dans le paysage musical mondial. A la croisée des chemins entre country, folk, blues et rock, Wovenhand incarne ce chaman transi, qui dévoile au fil du temps ses visions éthérées, habitées par les paysages sauvages de l’Amérique du Nord et les diverses spiritualités qui le traversent.
David Eugene Edward n’est pas n’importe qui. Fils d’un biker alcoolique et rebelle et d’une mère dépressive déchirée entre plusieurs Eglises chrétiennes, petit-fils d’un natif américain traditionaliste d’un côté et d’un pasteur de l’autre, le bonhomme s’est construit dans ce creuset si particulier une personnalité distinctive, toujours discrète en interview mais bien présente dans sa musique. Wovenhand, c’est tout cela à la fois. Une musique profondément mystique, qui respire à pleins poumons les racines musicales et culturelles de son pays natal tout en incorporant une indicible fièvre biblique.
En termes d’éléments, la musique de Wovenhand n’est pas bien difficile à décrire. Une guitare folk omniprésente qui s’électrise parfois, une batterie délicate bien réverbérée, des touches de claviers et de piano assez récurrentes, et ce rare instrument à mi-chemin entre la mandoline et le banjo construit en très faible quantité il y a plus d’un siècle, expérimentation d’un luthier aventureux. Et bien sûr, la voix enfiévrée et rêche de David, qui aime se faire chaude et affectée, mais qui garde toujours ce fond de froideur, cette fêlure qui menace à tout instant de s’élargir pour devenir une véritable crevasse. Prenez « Glass Eye », avec ses lignes instrumentales enjouées, ses envolées de banjoline pleines de swing. On a envie de se balancer, de danser pourquoi pas, et la voix de David semble y inviter à quelques reprises. Mais on ne saurait dire pourquoi, et même malgré ce passage à la guitare électrique ronflante et au piano, on ne peut s’empêcher de renifler une odeur de souffre quelque part.
Wovenhand s’est inscrit dans ce courant esthétique qui se décline sur plusieurs formes d’art que l’on a baptisé « Southern Gothic ». On aurait en effet du mal à mieux décrire la chose. Le désert, les étendues sauvages immenses, le soleil sur les rochers brûlants et la flore aride des Etats-Unis, le tout placé sous le signe d’un indescriptible cafard, d’un désespoir jamais entièrement révélé mais toujours sous-jacent. Pourtant, David n’est pas du genre à se laisser abattre. A aucun moment le disque n’est dépressif ou affligé, mais il balance toujours du côté de la mélancolie et d’une vague inquiétude.
Wovenhand, ce serait presque la version acoustique du stoner rock. Pas le stoner à la Kyuss, mais plutôt celui à la Sleep. Celui qui est définitivement illuminé, mystique et spirituel plus que celui qui fait l’éloge des cuites à la tequila sous le soleil en plein désert. Vous avez vu « El Topo » ? Eh bien voilà, Wovenhand, c’est un peu ça. Cette ambiance de Western noirci au charbon, qui sent un peu la sorcellerie et le chamanisme. La quête vers quelque chose de plus grand et de plus vaste dont on a oublié la substance, tant on s’est brûle la cervelle et épuisé les membres sous un ciel trop chaud.
Ce qui touche le plus votre serviteur, dans la musique, c’est la spiritualité. La tension vers un ailleurs, une réalité supérieure, la volonté d’atteindre ce qu’il y a au-delà, ne serait-ce qu’à une échelle infime. Il faut voir ce qu’il y a derrière le monde. Et c’est en grande partie pour cela que ma chapelle musicale définitive est et restera le black metal. Pourtant, moi qui ne supporte pas le soleil, la chaleur, le ciel uniformément bleu et les USA, je trouve dans ce disque un tressaillement d’une profondeur et d’une authenticité que j’ai bien du mal à ressentir ailleurs alors même qu’il s’inscrit dans un folklore qui a tendance à me rebuter.
S’il fallait retenir quelques pièces maîtresses dans le disque, je citerai « Blue Pail Fever », « Wooden Brother », « Ain’t no Sunshine Anymore » et « Arrow Head », toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Les restantes ne déméritent aucunement, mais ces quatre-là forment le quatuor le plus brillant de ce superbe album. Toutes jouent sur des ambiances différentes, mais gardent constamment cette atmosphère délétère et habitée qui définit le groupe et plus largement tout ce que fait David Eugene Edward.
Wovenhand est un groupe d’exception. Discret, presque réservé, mais pourtant si riche et puissamment évocateur. De la musique comme ça, vous n’en avez jamais écouté. Vous reconnaîtrez tous les éléments, mais resterez sans doute déconcertés devant le résultat final. Et laissez-moi vous dire que vous n’êtes pas du tout à l’abri d’une surprise, même si tout ce dont je parle ici vous tire une moue peu convaincue. Vous qui recherchez de la spiritualité musicale, vous avez une nouvelle terre consacrée à explorer.
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