Gone In April - Shards of Light
Chronique
Gone In April Shards of Light
Lorsqu'en 2011 j'ai ouvert les portes du Death Metal, laissées entrebâillées par la découverte de Children Of Bodom quand j'avais seize ans et Decrepit Birth deux ans plus tard, je ne pensais pas qu'un tel microcosme me conduirait à découvrir des formations d'une grande variété.
Car totalement absorbé par l'oeuvre de Schuldiner, et cherchant toujours à en découvrir davantage, avide que je fus de déceler tous les secrets cachés derrière une carrière qui, à mon sens, frôle un sans-faute musical, j'ai véritablement épluché tous les projets des musiciens qui étaient liés à Death.
Ainsi revient un nom qui pour moi est synonyme de grandeur et, parfois, de gâchis : Steve Di Giorgio. Ce bassiste là n'est plus à présenter, ayant participé à moult projets de groupes à grand pedigree, notamment Testament. C'est justement avec celui-ci que j'éprouve le plus un sentiment de gâchis, car, franchement, on ne l'entend pas.
Et Di Giorgio, c'est un son, une façon d'accompagner les lignes de grattes avec brio (sans parler de son projet Dark hall, nous laissant avec une démo parfaite de Jazz Metal). Et quand j'ai découvert, l'an dernier, qu'il a participé à un projet de Melodic Death symphonique américano-canadien, j'ai été intrigué. Car Gone in April, c'est tout sauf une formation qui fait parler d'elle, ça a même tout l'air du petit projet entre zicos qui se retrouvent pour se faire un petit kiff et, in fine, ça donne un album.
Car comme pour le précédent, Shards of Light réunit du beau monde avec notamment Marc-André Gingras et Yanic Bercier, respectivement guitariste et batteur qui ont officié chez Quo Vadis. Autant dire qu'en terme d'instruments, on a droit à une certaine finesse teintée d'un gros bagage technique. Et c'est bien ceci qui intrigue aux premiers abords : instrumentalement, Shards of Light force le respect, car ce qui se joue là propose des moments de pure puissance. Si on prend « If you join me », on sent à quel point Di Giorgio apporte clairement quelque chose en plus lorsqu'on l'entend. Autant sur Testament je déplore le mix qui ne rend pas honneur à son « frog sound » comme l'appelait Chuck Schuldiner, autant sur un tel morceau, à grosse valence néo-classique, il diffuse quelque chose de totalement cohérent et, surtout, très entre-deux, à la fois puissant et mélancolique.
Mais cette justesse dans le jeu, tu l'entends aussi dans « Power to Heal » avec notamment cette intro clairement Death mélodique, où la basse fait des merveilles. Mais les autres ne sont pas en reste, car tout l'ensemble participe à créer quelque chose de réellement prenant... Jusqu'à un solo qui provoque les frissons dans cette remontée classique.
Seulement, il faudra, et vous le comprendrez assez vite en parcourant cet album, transiger avec quelques partis pris qui ne parleront pas à tout le monde. Déjà, soyons sincères : Gone in April s'amuse en donnant le meilleur d'eux-mêmes, peu importe les tendances. Ainsi, ils mettent en avant une musique prenant des éléments qui faisaient recette dans les années 2000. Quand l'album ouvre sur « Empire of loss », le ton est donné avec un départ grandiloquent digne des productions Metal sympho de l'époque, conduit par le chant opératique et le violon, menant direct à du MeloDeath d'école finnoise, avec des gros accents Power Metal.
Déjà, il faudra transiger avec cette musique certes pêchue, mais globalement édulcorée par ces moments galopants. De plus vous pourriez être gênés par les chants qui semblent en retrait là où les instrus et les compos se démènent pour proposer une réelle diversité et un souffle épique. « Unity », par exemple, donne le sentiment que les voix peinent à combler des espaces laissés vides par les pistes instrumentales, comme si la force de frappe n'était pas totale.
Toutefois, s'arrêter à ces considérations qui peuvent freiner l'envie de prolonger l'écoute, ce serait quand même une erreur. Il m'a fallu du temps pour appréhender et apprécier cet album. J'ai vacillé entre un plaisir immédiat et, parfois, des décrochages. Heureusement, le duo « Une Route Nouvelle - Reign » apporte de quoi se réveiller, déjà avec la ballade très folklorique qui conduit à des moments tendres et touchants et, ensuite, ce « Reign » qui enchaîne avec brio ses ingrédients jusqu'à une envolée MeloDetah folklorique du plus bel effet.
Ainsi, si vous êtes sensibles au Heavy Metal symphonique et folklorique, tel que Nigthwish, parfois teinté d'éléments extrêmes, comme Epica (d'ailleurs, le morceau « Soldiers of the Dawn » est une des plus référencées à ce niveau-là), et si vous faîtes abstraction des éléments de réserve qui risquent de vous surprendre, alors vous vous prendrez de réelles claques.
Premièrement, « Haven » et ses sonorités fuyantes et insidieuses dirigeant vers un final d'une grandeur éclatante, pour un morceau qui baigne dans ce qui se faisait de très bon lors des années 2000.
Deuxièmement, avec « A Race with Time » dévoilant toute la maîtrise du groupe et, vous l'aurez compris, faisant la part belle à cette basse qui sert véritablement de fil conducteur et permet de rendre toutes les intentions vraiment percutantes : la partie au violon devient simplement délicieuse, apportant un côté valse fragile qui colle totalement aux thématiques du groupe autour de figures guerrières, de l'individu, des conflits et de l'existence.
Et vous pensiez que ce serait tout ? Évidemment que non, parce que le point d’orgue sera atteint avec « Brothers in Arms » où tout ce qui est distillé au fil du disque sera utilisé ici jusqu'au paroxysme : rythmiques MeloDeath avec le chant opératique, grosses parties bien techniques toujours ponctuées par la basse Di Giorgio et grandeur néo-classique. Vous tenez là un morceau comme rarement il en a été fait, quand bien même ça joue sur un genre qui a été sur-représenté il y a près de vingt ans, tout en ajoutant cette maestria dans la production conférant à « Shades of Light » un véritable souffle.
Il est admis que découvrir un disque et l'écouter sont des expériences bien distinctes, et Gone In April est sans doute une des sorties récentes qui m'a le plus confronté à cette question. Je dois vous avouer qu'un disque comme ça m'a laissé un sentiment mitigé. À la découverte, j'ai été emballé, mais les quelques réserves que j'ai signalés ont vraiment été un frein à ma première expérience. En laissant le temps de la maturation ainsi qu'en proposant cet album à l'écoute d'autres personnes, il s'avère que Shards of Light ne laisse pas indifférent : sans doute vous le rejetterez, sans doute vous allez plonger à fond dedans.
Mais il faut garder à l'esprit qu'on tient ici une production faite avec une authenticité réelle, où chaque partie témoigne d'une envie de proposer un voyage prenant et grandiose. Que ce soit la richesse des compositions, les riffs employés aux moments opportuns, le talent indéniable des musiciens, notamment de Di Giorgio qui signe là une excellente performance, ainsi que l'engagement des chanteurs, cet album respire la sincérité.
Et c'est pour ça que j'ai souhaité parler de cet album : il mérite que l'on s'y attarde.
| MoM 29 Novembre 2019 - 962 lectures |
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