J'ai une mauvaise nouvelle pour vous.
Si vous ne connaissez pas Steve DiGiorgio, vous avez raté votre vie.
Non, sérieusement, ce nom ne vous dit rien, cette chronique risque de vous poser problème. Alors, avant de commencer, allez écouter les
« Human »,
« Individual Thoughts Patterns » de
DEATH, le
« Fragile Art of Existence » de
CONTROL DENIED, le
« Cognitive » de SOEN et, surtout, la démo DARK HALL (ben ouais, la basse au départ du
"What If" de Control Denied, c'est la même que sur
"Changing Waters", alors on le reconnait le bougre !).
Selon les mots de Schuldiner, DiGiorgio, c'est le crapaud, avec sa basse fretless caressante, vrombissante, sinueuse, tantôt vicieusement saisissante, tantôt langoureuse. Ce musicien a été une de mes plus grosses claques autour de cet instrument, et m'a permis de comprendre un peu mieux en quoi la basse est essentielle dans le Metal.
C'est donc par ce bougre talentueux que je découvre le « Threads of Existence » de GONE IN APRIL, formation américano-québecoise réunissant des musiciens de prog, de medieval viking, de symphonic, de
QUO VADIS, et de tout un tas de trucs (celui-ci, vous aurez compris que c'est DiGiorgio).
Je plonge direct avec deux titres poignants : « The Curtain Will Rise », mené tambour battant, et « As Hopes Welcomes Death ». J'ai direct été emballé par ces réelles qualités dramatiques, et une progression qui, si elle frôle le tire-larme, frappe toutefois où il faut.
Le pire, dans le sens qui m'a vraiment fait mal au cul, a été pour le second.
Ça m'a laissé une marque qui s'est diffusée au fur et à mesure, notamment lorsque le chanteur est en growl et que, en arrière, on a ce chant féminin soutenu, comme une complainte, un bourdon opératique, par ces couplets qui gagnent en intensité, sous des alternances qui vont jusqu'à deux dernières minutes déchirantes, le tout sans en faire des caisses. Élégant, superbe.
On notera dès ces titres la basse de DiGiorgio : elle fait tellement plaisir, surtout lorsqu'elle souligne les mélodies, s'en démarque, va dans des instants techniques. Ce n'est pas la prestation la plus époustouflante de ce musicien, mais elle me comble de satisfaction ; j'aime son jeu pertinent, comme dans « Relentless » où le riff MeloDeath se construit sur le « frog sound » de DiGiorgio. Alors, là : « C'est oui ! » D'autant qu'il sème un peu partout des petites touches fugaces qu'il impose, la basse en devient alors juteuse et savoureuse.
Mais dépêtrons-nous un peu du charme qu'il impose, et voyons les choses avec plus de recul. Si on reprend « Repentless », elle n'a rien de spécial outre mesure : sympa, sans plus. Ça alterne bien niveau chants, l'instru bute bien, mais il me manque un petit truc, notamment dans le refrain qui est plus passe-partout. Toutefois, si le niveau créatif de base du MeloDeath était de cet acabit, j'en dévorerais davantage !
Car, instrumentalement, la progression de ce morceau est grisante – et ce malgré un break aussi soudain qu'incompréhensible.
Sur tout le disque, on est globalement sur de l'écriture de qualité. Ainsi, « A Million Souls Gather », après un départ à la manière de musiques de RPG, va lorgner dans le Power qui fait du bien – et je dirais, c'était presque obligé quand on est sur du Metal symphonique. On va être clair cependant : la voix féminine jusqu'alors bien fichue, lorsqu'elle vient sans effet et à froid, juste sur de la basse et la batterie, c'est plat, ça manque de punch (comme Anette Olzon me souffle-t-on, venant d'une personne qui n'apprécie pas vraiment son style, c'est dire l'effet que ça fait...). Mais heureusement, l'instru vient, et guitaristiquement parlant, ça envoie. On a frôlé la perte d'intérêt.
Le plaisir d'écoute se fera également sur la ballade « Embracing the Light ». Militaire et mélancolique, avec ce rythme martial sur la caisse claire, alors que derrière ça joue des instruments médiévaux et que ça chante en français... Ah, voilà qui fait me fait voyager ! Et DiGiorgio qui se cale là-dessus, pour un côté encore plus tendre et émouvant : c'est riche, larmoyant et folklorique. On perçoit la flamme dans ces yeux cristallisés par des pleurs retenus. Kitsch ? Sans doute, on est dans des ballades guerrières type
EPICA,
ENSIFERUM (Tears),
WITHIN TEMPTATION et confrères... Mais ça fait du bien, un morceau ainsi produit !
Juste ce break, encore, un poil étrange et déstabilisant.
L'écriture sera également appréciable lorsque « The Great Contemplation » viendra apporter son Death metal colérique. On aura ainsi un départ agressif et des saillies musicales à l'ancienne, avant de rompre sur du calme avec la chanteuse, et en avant guingamp. Ambivalence classique, mais qui fonctionne ! On notera le morceau final, « The Will To End A Life » pour finir de proposer une musique bien vive – de quoi ravir ceux qui auraient du mal face à l'enrobage plus sucré du symphonique.
Seulement, on n'est pas sur un sans faute. Niveau musiques, « Our Future Line » et « Remember the Days » sont en-dessous : moins percutantes à cause d'un mélo un poil gnangnan et moins vif, ça semble traîner la patte.
Dans la globalité, on pourra noter peut être ce son de batterie un poil synthétique, notamment sur la double et les moments virulents où ça a l'air de taper sur du papier, sans frappe vibrante.
Puis, n'oublions pas une chose : si on a été allergique au Metal sympho des années 2000, et si ce type de musique donne de l'urticaire et provoque vomissements et crises de diarrhée aiguë, c'est pas ce que je conseillerai – mais peut-être que la touche Death Metal fera rentrer les plus réfractaires plus facilement dans ce genre jugé mièvre et « à l'eau de rose ». Tout comme, à l'inverse, le sympho a fait rentrer des personnes à la base rebutées par ce Metal rugueux et hargneux.
Le miel et l'absinthe, le coup de la carotte, attirer le chaland pour le faire adhérer à quelque chose qui ne lui plairait pas de base, tout ça.
En fin de compte, à qui s'adresse cet album ? Pour les fans de l'
« Oceanborn » de NIGHTWISH, je ne peux que vous conseiller de vous ruer sur ce petit bijou tant il reprend les meilleures heures de ce groupe majeur. Qui aime également le Power Sympho à la EPICA aura du plaisir face à ces envolées et ces rythmiques foutrement efficaces. Les amateurs de Melodic Death épique nordique dont
ENSIFERUM et
TURISAS sont des références trouveront leur compte dans cette fresque qui ne manque pas de panache et de touche progressive !
Mais pour les pachydermes du Slam ou du Brutal, les nerds du Technical, les énervés du Thrash ou les toutous du Heavy, un petit coup d’œil ne fera pas de mal également : il n'est pas dit que vous ne dénicheriez pas un petit quelque chose qui vous bottera.
Bien conduit, judicieusement rythmé, goûteux à l'oreille par les mélodies et les solos, il n'y a bien que quelques scories un poil moins inspirées qui terniront un tableau au demeurant bien sympathique à observer. C'est un bon disque, et foutre Dieu que je suis content d'entendre du DiGiorgio !
Ça me fait encore plus rager face à
CHARRED WALLS OF THE DAMNED, tiens ! :D
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