Solefald - Red For Fire – An Icelandic Odyssey Part I
Chronique
Solefald Red For Fire – An Icelandic Odyssey Part I
Pour ma part, Red for Fire appartient à la catégorie des albums que l’on achète à l’aveuglette, sans savoir à quoi l'on s’attend. Solefald ? Jusqu’à présent, ce n’était qu’un nom de plus dans la longue liste des groupes que je me devais d’écouter. Puis un beau jour, ayant miraculeusement un peu d’argent en poche, et tombant, de manière totalement coïncidentale (je ne me suis pas fait mal, et je néologise si je veux, ok ?) devant la pochette rouge dudit album, mon cerveau n’eut pas même le temps de tourner sept fois dans mon crâne que je sortais déjà du disquaire, ma nouvelle conquête entre les mains. Une fois rentré chez moi, c’est en tremblant que je la déshabillais de son doux cellophane, et que je me l’introduisais dans la fente… de ma chaîne HI-FI (on est technologized à fond chez Thrasho).
Pour tout vous dire, je ne saurai vous dire si je m’attendais à cela ou non. Je savais d’ors et déjà que Solefald était l’un de ces groupes affiliés au Black avant-gardiste, et qu’il faisait parti de ces groupes qui tirent la scène vers le haut. Lazare et Cornelius, les deux maîtres du projet, proposent une œuvre totalement imprégnée de l’esprit nordique des anciens guerriers d’Islande. Cet album sert d’illustration à l’histoire de Bragi à qui il arrive des choses pas très cool (une Reine qui le séduit, il cède, puis se fait accusé de viol par un vilain pas beau, le tout livré en plus avec des nains, des runes, des dieux, de la vengeance et de la choucroute). Outrepassons cette l’histoire à l’intérêt secondaire pour se préoccuper de la musique en elle-même.
L’approche du groupe se veut totalement expérimentale. L’exemple le plus flagrant est, je pense, Sun I Call, superbe morceau ouvrant l’album. Dès le départ, c’est la douce mélodie d’un saxophone qui nous accueille, et nous guide vers un chœur plutôt superbe, de part la diversité des voix utilisées (féminines, masculines, parlées, gutturales) et des instruments accompagnants (violons en renforts). On observe une montée en puissance, les guitares étoffant peu à peu l’atmosphère, les voix se multipliant, pour débouler sur un blast, suivi du passage qui amènera cette injonction à vos lèvres « ils l’ont fait ! » : du saxophone sur une partie métal. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! A la beauté de l’accalmie finale de Sun I Call s’oppose la brutalité de Survival of the Outlaw, très énergique, bordélique même, et flirtant avec le punk/thrash. Cependant, les mélopées du violon et du violoncelle nous rappellent rapidement à une atmosphère plus aérienne et doucereuse, doublée des superbes voix claires de Lazare et Cornelius, qui diffèrent autant qu’elles se complètent.
Le restant de l’album est taillé dans un bois du même acabit. Le groupe propose une véritable palette d’émotion, aussi bien lorsque l’on regarde sur la totalité de l’album, que morceau par morceau. Dans un morceau comme White Frost Queen, on traverse tout d’abord un bonheur naïf retransmis par des chants presque enfantins, pour se retrouver plongé dans une inquiétude certaine, débouchant à son apogée par un lyrisme mélancolique, puis pour ensuite aboutir sur un passage noble, aristocratique, vous donnant l’impression de vous retrouver devant une pièce de théâtre, ou à la cours d’un roi, où quelques tragédies semblent s’agencer fatalement. Les différentes voix sont savamment utilisées, écartant toute ombre d’ennuie sur le tableau, et par la même occasion, évitant tous passages prévisibles ; aux voix Black et grognées succèdent à d’autres aux accents vikings marqués, auxquelles s’enchaîne celle terriblement superbe d’une jeune demoiselle. On peut aussi rajouter à la multitude des voix la diversité des instruments utilisés : violons, violoncelles et claviers s’ajoutent aux guitares tantôt acoustiques qu’électriques pour magnifier l’expérimentation musicale dont nous sommes témoins.
Solefald ne nous offre pas seulement un Red for Fire d’une grande richesse musicale et émotionnelle, mais également un véritable voyage dans le nord, comme le souligne le sous-titre de l’album « An Icelandic Odyssey ». On est transporté d’un bout à l’autre de cette terre lointaine et glaciale : du bord du monde à la profondeur des terres intérieures, en passant par la dureté des monts glacés. On se laisse tour à tour bercer par les mélodies folkloriques dans lesquels le disque baigne, par les sonorités naturelles de la mer, ou tout simplement par le côté définitivement épique de l’album, matérialisé et magnifié par le splendide Crater of the Valkyries.
N’attendant donc rien de cet album, je me retrouve avec un superbe album sur les bras, qui rentrera dans le club très sélect de ceux dont on ne peut se passer, et qui mériterait au minimum une écoute par jour, si les jours n’étaient pas aussi courts. Et dire Solefald nous fait patienter avec la suite, An Icelandic Odyssey Part II, à propos de laquelle nous savons déjà que Garm fera son apparition… De quoi faire trépigner d’impatience les plus patients d’entre vous.
| Krow 24 Octobre 2005 - 6941 lectures |
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