Danishmendt - Un Passé Aride
Chronique
Danishmendt Un Passé Aride
L'étiquette « Post Hardcore » est souvent réductrice. Si l'on avait tendance à ranger le Danishmendt de Eaux-Fortes parmi les nombreux suceurs de Neurosis (pour la voix, le son) et d'Overmars (pour le français, le sombre), les écoutes prolongées révélaient vite une personnalité encore timide. La gestation a eu lieu, au point que Un Passé Aride semble hors-normes.
Sur une base lancinante et opaque, forte d'une production un poil brumeuse mais étouffante comme un sac sur la gueule, les parisiens développent un goût pour les formats épiques (sept minutes en moyenne) et les mélanges contradictoires, un arpège hypnotique pouvant précéder des tremolos labyrinthiques (« Chutes »). Un paradoxe que l'on retrouve dans les moindres recoins des compositions, la batterie usant aussi bien d'une rythmique martelée qu'à contre-sens (brrr… les toms de « Révélations ») et donnant à l'album un aspect hermétique à dépasser lors des premières plongées. Ce goût pour le rampant qui enfonce laisse penser à une musique œuvrant du côté lourd de la force alors que les emportements noise-rock/core (voire indus avec utilisation de machines, comme le démarrage de « Lumpen Heros ») ou black metal penchent pour une tension type string spécial 115 kilos, celui qui sent la sueur avec l'arrière-plan de cave que tu veux vraiment pas visiter. Ajoute à ça une voix résonnante proche d'une plainte, sous mixée à en faire corps avec les autres instruments, et tu obtiens un sacré bordel à décortiquer !
Niveau name-dropping, ça nous donne du Neurosis (Eh, on n'y échappe pas !) qui va bouffer chez Blut Aus Nord, avec Unsane qui s'invite de temps en temps à la table. Une somme de références ne définissant qu'une parcelle de l'univers de Danishmendt mais retiens ça : y a du cadavre au dîner. Un Passé Aride rend claustrophobe comme un prisonnier, la plage ambiant « Das Boot » (faussement apaisée mais réellement déprimée) ne nous faisant pas plus respirer. Un jusqu'auboutisme qui peut rappeler Celeste, seulement là où les lyonnais fatiguent nerveusement, les parisiens exténuent mentalement par une noirceur implacable, les rares passages lumineux éclairant sans réchauffer (le néon « Une Houle D'un Siècle » et sa montée stoppée en pleine course). L' « à quoi bon » mène la danse, un slow motion un peu sadique (le riff pilonnant de plus en plus le crâne de « Credo »), communicatif à en devenir masochiste (« Une Houle D'un Siècle » ou de la souffrance en barre, la fin de « La Source »), le panorama du post au service du confiné qui donne envie d'aller se pieuter parce que, de toute façon, « tout est à chier ».
Je te vois venir et oui, leur mix (post) hardcore / (black) metal échappe à l'écueil de l'opportunisme (vu les nombreux combos qui s'y mettent (particulièrement en France)) grâce une sincérité troublante, transmise notamment via ce chant râlant des paroles qui valent la lecture (certaines lignes m'ont scotchées), ainsi qu'une appropriation suffisamment éloignée de la simple classification Darkthroneurosienne pour donner l'impression de nouveauté. Cependant, des parties plus convenues (le début de « Credo », certains passages black metal montrant que cette innovation est récente et pas toujours maîtrisée) laissent penser que Danishmendt en a encore à vomir sur le coin des lèvres.
Ça fait pas propre mais même la ménagère constatera qu'ils ont frappé fort et là où ça fait mal. Un Passé Aride a tout du pavé taillé par la peine, jeté avec urgence, et plutôt que de se noyer dans la mare des albums anonymes, il ferait bien d'atterrir dans tes esgourdes. Il le mérite.
| lkea 5 Octobre 2010 - 2882 lectures |
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