Ghost Bath - Moonlover
Chronique
Ghost Bath Moonlover
À peine l'année déjà terminée qu'on rempile déjà comme des brutes croulant sous une montagne de promos pour la plupart décevantes et lambda. Honnêtement, être chroniqueur, c'est télécharger dix albums par semaine et souvent, n'en garder qu'un seul. Parmi ces élus, peu méritent au final d'être achetés ou véritablement encouragés. Même en variant les plaisirs et en s'intéressant à plusieurs genres musicaux, il est difficile de savoir chercher dans cette masse de sorties promptement indigeste une petit étincelle de qualité et de sincérité. Et en plus, on enlèvera de la liste les têtes d'affiches sur le retour, les deuxièmes albums foireux, les groupes qui ne donnent rien mais qu'on teste quand même (le masochisme musical, fléau du vingt-et-unième siècle...) et les inconnus qui tentent de sortir de la plèbe.
Dans ce tas de trucs rangés dans des petits dossiers et depuis quelques temps déjà, un élu sort du lot en ce début 2015. Celui qui revient tout le temps, cette révélation digne d'intérêt, c'est Ghost Bath, formation chinoise qui se paye le luxe de mélanger le Black dépressif émotionnel à la voix arrachée (façon Kanashimi) avec des inspirations Post-Black du meilleur effet (Deafheaven n'est pas très loin par moment), tout en trempant un peu le biscuit dans le café Shoegaze-Black. La Chine est depuis peu la première puissance mondiale et ce « Moonlover » est de loin le premier album de l'année à cartonner autant dans mes oreilles. N'y allons pas par quatre chemins et commençons joyeusement à disséquer la bête !
Ghost Bath a en lui cette innocence, ce feu sacré des sentiments et des émotions qui brûle avec ardeur, avec puissance, avec violence. Une substantifique moelle qui permet au groupe de se démarquer de ses petits compatriotes sans trop se forcer ou s'éparpiller. Après une introduction bien amenée sans toutefois être bouleversante, c'est le deuxième morceau qui permet à l'album de décoller ! « Golden Number » est une pièce dépressive de neuf minutes absolument splendide. De mémoire d'auditeur, elle mériterait franchement le titre de « composition synthétisant parfaitement l'esprit dépressif et contemplatif ». Enchaînant allègrement riffs sincèrement touchants, mélodiques plus épiques et grandioses et interludes au piano, on a largement assez de matière pour attaquer l'album en sachant d'ors et déjà qu'on y reviendra.
Le pire dans ce truc, c'est que « Happy House », le deuxième titre pulvérise encore le quota de riffs dantesque avec un break mélodique vers la quatrième minute qui renverse l'âme sans pour autant tomber dans le niais. Que dire aussi de ce final absolument frissonnant de grandeur ? Le riff qui est capable de mettre les poils à moi, toi, ton oncle, ta sœur et Sinclair de la Nouvelle Star en même temps. « Moonlover » est atmosphérique mais toujours avec une dose de délicatesse et de bon goût. Il est dépressif mais fait bon usage du genre en y puisant quelques détails qui permettent tour à tour d'enjoliver ou de torturer son Black Metal. Il est Post-Black avec talent, avec science et avec légèreté, les quelques effets du genre servant à toucher les cieux (« Beneath The Shade Tree »).
Soyons clairs : « Moonlover » est ouvertement magnifique, probablement trop pour certains. D'aucun y verront tout de suite un côté guimauve trop prononcé, une beauté trop directe, trop frappante, trop assumée. La violence ici n'est qu'un enrobage, une consistance apportée aux sentiments développés et à la solitude. Ghost Bath est seul, il le sent (« The Silver Flower pt. 1 » aux allures d'Agalloch à son meilleur) et les titres intégralement en clean disposés au milieu de l'album accentuent ici ce point comme elles pouvaient le faire sur « Sunbather », portant l'attention de l'auditeur sur ces paysages musicaux décrits avec une classe peu commune.
Une trame nette, précise et puissante dessine les contours de cette production remarquable en tout point. C'est simplement le grand déroulement pour ce « Moonlover » illustré par cette pochette de fort bon goût (fait rarissime dans le Black Metal) empruntée à l'artiste guatémaltèque Luiz Gonzales Palma. Un déroulement qui semble fluide, précis et qui prends bien soin d'ôter aux compositions toute forme de superflu, se concentrant uniquement sur des riffs forts et évitant à tout prix le flagrant délit de remplissage. Les quatre chinois ont la tête sous l'eau, ce qui tombe bien, le nom du groupe faisant référence à une forme de suicide par la noyade. Bon, si l'on était un peu tatillons, on reprocherait à la production un côté parfois un peu artificiel (les guitares notamment pourraient être un poil plus consistantes car elles sonnent un peu comme si elles avaient été enregistrées sur un ampli de quinze Watts) qu'il aurait été bon d'élaguer.
Mais nous sommes des gens cools – normal, regardez l'URL, c'est écrit « Thrashocore » dedans – et il serait franchement injuste et idiot de bouder Ghost Bath pour ce genre de détails tant les compositions et les arrangements au clavier sont remarquables. « Moonlover » est une sortie sur laquelle il faut impérativement se pencher et même si elle en rebutera une majorité, la minorité qui saura s'en saisir la hissera bien haut dans son cœur et en conservera un souvenir empli de nostalgie et de tristesse.
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