Total Negation - Zeitzeuge

J’ai découvert TOTAL NEGATION il y a près de deux ans, un peu après la sortie de Zur Späten Stunde | Zeiträume. Il était beau, il était fort, et je n’en avais pourtant pas parlé sur Thrashocore… Je n’ai aucune bonne excuse à donner, j’ai été égoïste et me le suis passé en boucle, le gardant jalousement pour moi seul. Malgré tout, certains d’entre vous ont réussi à tomber dessus et attendaient avec autant d’impatience que moi une suite.

La voilà, toujours sur le label suédois Temple of Torturous. La voilà, avec seulement 6 titres, soit deux de moins que la sortie précédente ? Mais la voilà avec 3 minutes de plus, en atteignant donc 47. C’est que les morceaux sont devenus plus longs en moyenne, entre 6 et 9 minutes et qu’il n’y pas de morceaux instrumentaux. On entre de suite dans le vif du sujet, et on y reste jusqu’au bout.

D’abord le nom de cet album : Zeitzeuge. C’est un titre qui signifie « témoin du temps » en allemand, choix de langue normal puisque c’est la nationalité de l’unique membre de TOTAL NEGATION, un nommé Wiedergaenger qui a joué pour THROUGHT THE PAIN et AURVANDIL. L'allemand... quelle belle langue ! Non ? Certes, elle est rugueuse, mais qu'est-ce qu'elle peut être puissante dans le black metal quand elle est chantée avec un tel timbre ! Articulée mais raclée, elle agresse les oreilles. Elle semble crier vengeance, elle semble venue des tripes, elle semble émaner d’un être qui a tellement souffert qu’il ne plus supporter de se taire. Le résultat est aussi fort que chez les Autrichiens de HELLSAW. Cette voix ne fait peut-être pas l'unanimité, mais elle est de celles qui marquent.

Et des éléments marquants il y en a d’autres chez TOTAL NEGATION. L’originalité de la musique bien entendu ! L'artiste a beau être seul, il sait s'occuper de tous les instruments avec justesse, en montrant une maîtrise très respectable, et surtout il sait faire appel à des sons variés, tirés soit de machines soit d’autres instruments, pour arriver à créer une musique personnelle. C’est ce qu’il faisait déjà par le passé, c’est ce qu’il poursuit avec ce nouvel album. Le visuel de celui-ci aurait pourtant pu en faire douter. C’est finalement le plus grand changement avec l’album précédent. Petite comparaison :





Mais finalement la musique reste dans le même registre. TOTAL NEGATION est encore du black dépressif coloré ! Du "dépressif coloré", c'est nouveau comme appellation hein ! Mais c'est bien l'ambiance dégagée par ces six morceaux, qui mêlent la noirceur à des trouvailles éclairées en tous genres. C’est parfois génial, c’est souvent bon, rarement à côté de la plaque...

C’est génial sur "Betrachter", "Fluechtling" et "Kronzeuge".

"Betrachter"... que dire si ce n’est qu’il commence idéalement l'album, les guitares qui grésillent, qui lancent une mélodie mélancolique, la batterie qui s'incruste peu à peu et les vocaux qui apparaissent. Le rythme est lent mais l'émotion est forte. Et alors que l'on est déjà conquis, un break vient enfoncer le clou peu après la troisième minute. Le morceau décolle, nous faisant le même effet que le haut le coeur d’un grand huit ! Et le morceau parvient à ce résultat sans s’emballer. Il reste lent, mais crée continuellement ce pincement délicieux et acre à la fois. Il se termine avec une longue partie instrumentale, comme si le vocaliste n'était plus là, comme s’il avait quitté notre monde et que seul le décor restait, vu de très haut. Je m’emballe, mais j’adore...

"Fluechtling" est plus rêche, plus douloureux sur sa première partie où la mélodie est rare. Mais il se dévoile à partir de la troisième minute avec un gros changement de rythme et l'apparition de sons scintillants et d'une guitare acoustique. Ce n'est pas un décollage ce coup-ci mais au contraire une plongée sous-marine. Beaucoup d'images... Et un monstre marin apparaît à la cinquième minute. C'est un titre qui raconte vraiment quelque chose, qui arrive à maintenir l'attention jusqu'au bout, malgré ses 9 minutes. Il a même un air de SHINING.

"Kronzeuge" réussit un pari difficile : intégrer une sorte de xylophone dans l’obscurité. On trouve donc toujours les vocaux rugueux et la musique dépressive, mais ces sons très clairs viennent mettre la couleur. C'est de la légèreté dans l'océan de lourdeur. On a l'impression de se complaire dans la noirceur, de sourire avant d'être exécuté... Et puis il y a à la 5ème minute un solo qui déchire le cœur à chaque écoute. C’est un mélange d’agressivité, de nostalgie et d’émotions sombres.

Je suis très dithyrambique avec ces trois morceaux, mon trio gagnant, celui qui me fait toujours croire au génie de l'Allemand. Mais les trois autres sont malheureusement un cran en-dessous. Enfin, c'est un peu compliqué, parce que musicalement "Heimkehrer" assure, mais les paroles sont agaçantes... Wiedergaenger répète inlassablement une phrase qui casse vite les burnes. Sans pouvoir noter la transcription exacte, elle termine par "Und nicht Guitar". Ça me gave, mais à un point... Mais c’est un exemple parfait pour comprendre ce qu’est TOTAL NEGATION et bien symbolique de la réaction que chacun aura face à cet album. Il essaie des choses, il propose des idées, et chacun d’entre nous pourra soit adhérer, soit vomir son petit déjeuner ! Un élément qui pourrait paraître anecdotique viendra tuer le plaisir.

C’est pour la même raison que les deux titres restants pourront plaire ou déplaire. Pour aimer "Zeitzeuge" il faudra apprécier les ambiances "petit musée des horreurs" avec sa mélodie hachée et son rythme lent, qui fait faussement mine de de s'agiter. Pour "Augenzeuge", il faudra avoir envie d’un peu plus de rapidité, au détriment du charme des petits ajouts, ici peu présents.

A final les bons points de l'album ont tendance à gommer les moins bons, et l'on garde alors une bonne impression à la fin des 48 minutes. Même s’il y a quelques passages à vide on revient à l’album pour essayer de le dompter, ce qui se fait progressivement. On se dit aussi que le potentiel n'est pas encore pleinement exploité et que TOTAL NEGATION peut encore progresser, et nous allumer la tête sur une prochaine sortie. On espère...

Et une dernière chose qu'on espère aussi, c'est une sortie en CD, car pour l'instant c'est en vinyle ou téléchargement...

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