Pagan Altar - Lords of Hypocrisy
Chronique
Pagan Altar Lords of Hypocrisy
Etrange histoire que celle de Pagan Altar. Formé en 1978 par Terry Jones au chant et son fils Alan à la composition, le groupe n’aura pas pu sortir d’albums durant sa première vie. Volume One, le premier album de la formation britannique, n’aura finalement vu le jour que 13 années après la mort de Pagan Altar et 6 avant sa reformation. C’est en s’apercevant que leurs démos et bootlegs étaient échangés à des prix faramineux sur les sites de revente que le père et le fils décideront de ressortir leur ancien matériel afin de le rendre accessible à tous. Et une fois que le Père et le Fils furent réunis à nouveau devant l’autel, le Saint-Esprit opéra. Pagan Altar se reforme en 2004, et reprend du service en enregistrant et composant à nouveau des chansons.
Lords Of Hypocrisy, premier album du groupe sorti l’année sa reformation, est un réenregistrement des chansons de Pagan Altar composées au début des années 1980. Et autant vous le dire tout de suite, cela se sent, pour notre plus grand plaisir. Le style de composition, le ton de guitare, les ambiances … Tout là-dedans fleure le rock des années 1970 servi dans un écrin heavy metal typique de la décennie suivante. Et si vous avez lu ma chronique de Wytch Hazel, vous devez savoir que ce genre de musique ne peut que me parler. Et puisque je ne sais pas par quel bout attaquer, on va commencer par une assertion simple : TOUT, dans cet album, est parfait.
La première chose qui fait de Pagan Altar un groupe unique, ce sont ces riffs. Ces Nom de Dieu de riffs plus anglais que n’importe quel thé servi à 16 heures à Buckingham Palace, à la fois énergiques et emplis d’une superbe aristocratie. Entraînants, évocateurs, épiques, souvent touchants. Et d’une classe incomparable. Pagan Altar aurait mérité d’être dans les grands noms de l’âge d’or du heavy traditionnel tant les mélodies d’Alan Jones sont originales et marquantes. Comme si Black Sabbath et Solstice avait fusionné. Et si vous aimez ces deux groupes, vous ne devriez pas être déçu par Pagan Altar. On y retrouve mélangés les ambiances occultes, le folklore légendaire européen, les riffs bluesy, les soli rock possédés … Tout est ciselé, délicatement construit sans jamais perdre en spontanéité. La longue et sublime « Armageddon », incroyable pièce de 11 minutes, est un parfait exemple de cette capacité à mêler efficacité et subtilités dans la composition.
Pagan Altar a beau avoir un bon pied dans le doom, ses tempi sont souvent moyens ou même raisonnablement rapides, rarement vraiment lents. Ne craignez pas de vous ennuyer avec des chansons qui se traînent la patte, ce n’est pas prévu ici. Ce qui fait de Pagan Altar un groupe aux couleurs du doom, ce sont ses ambiances et atmosphères. « The Interlude » par exemple, avec ses arpèges de guitare réverbérés, ses synthés lointains et ce chant déclamatoire. C’est simple, ça utilise des ingrédients vus et revus, mais Bon Dieu ça marche. Le frisson est là, en ce qui me concerne. Et à quoi doit-on cela ? Une réponse : le chant.
Si le premier élément qui distingue Pagan Altar de la concurrence est son sens du riff, le second est la voix de Terry Jones. Eteint pour notre plus grand malheur en 2015, le Monsieur possédait sans doute aucun l’une des voix les plus marquantes du heavy. Comme si Ozzy avait cessé d’être un junky déjanté pour devenir un vieux Lord dans son château embrumé. Jones a ce timbre caractéristique si parfait qui en agace pourtant beaucoup ; grinçant et nasillard, puissant et remarquablement juste, qui donne à Pagan Altar une aura supérieure à tous les autres. L’expression est un peu usée, mais elle s’impose d’elle-même ici. Jones possède une voix de conteur, profonde et ensorcelante, parfaitement adaptée aux vampires, démons, messes noires et banshees qui peuplent les paroles qu’il écrit pour le groupe. Rarement on aura senti si intensément l’étreinte des vieilles époques chargées de mystère se resserrer sur nous qu’à l’écoute de ce chant.
Si vous êtes un tant soit peu sensible aux ambiances mystiques et brumeuses venues du passé, aux riffs d’un autre temps et aux chants incantatoires habités, il y a de grandes chances que vous trouviez en Pagan Atlar le groupe ultime. Cela a été le cas pour votre serviteur, qui ne démord plus de la formation depuis sa découverte. Je vais même vous dire, il y a quelque chose de Jethro Tull chez Pagan Altar. Et ça, c’est très, très bon. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à Lord of Hypocrisy. L’album assure parfaitement sur tous les tableaux, n’accuse aucune vraie faiblesse et transporte à chaque écoute. Il s’agit parfaitement du genre d’album sur lequel on découvre sans cesse quelque chose de nouveau. Mais plus que ce savoir-faire de composition, il se dégage de Pagan Altar quelque chose de plus profond encore, quelque chose d’authentiquement magique. La sorcellerie du vieux rock lourd qui ressuscite à coup de rituels nécromantiques les mythes oubliés par les temps modernes. Et le plus beau dans tout ça, c’est que Pagan Altar finit par avoir un quelque chose de rassurant, de chaleureux. Comme si vous étiez dans une bibliothèque poussiéreuse et mal éclairée d’un manoir du Norfolk, à caresser la reliure de cuir de vieux livres mystérieux pendant que Terry Jones vous raconte les légendes locales. Ce qui n’empêche pas le groupe de se faire beaucoup plus léger et festif sur « The Devil Came Down to Brockley », joué sur un banjo survolté qui rappelle la musique traditionnelle irlandaise. Un excellent morceau enjoué qui fait respirer en fin d’album avant d’écouter l’excellente pièce finale « March of the Dead ».
Pagan Altar est un groupe essentiel, superbe et injustement oublié. La mort de son leader d’exception est une perte majeure que je ne digère personnellement pas, même des années après. Le groupe continue son périple à l’heure actuelle avec au chant Brendan Radigan qui ne démérite pas du tout dans son remplacement de Terry Jones. La formation perpétue son héritage légendaire, rappelant à tout le monde pourquoi elle s’est imposée malgré sa confidentialité comme un groupe de référence et surtout d’influence.
Récemment, c’est Mark Shelton qui nous avait quitté, en emportant avec lui une partie de la magie du heavy metal des années 80. De la même manière que « The Shark », Terry Jones aura enterré à ses côtés une fraction de ce mysticisme occulte qui entourait les plus anciens groupes de rock lourd. Voyez cela comme un devoir de mémoire si vous le voulez, mais pour me faire plaisir, allez écouter cet album au moins une fois. C’est grand, on vous dit.
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