Throane + Wolves In The Throne Room
Live report
Throane + Wolves In The Throne Room Le 29 Juin 2018 à Paris, France (Petit Bain)
La prestation de WOLVES IN THE THRONE ROOM au Brutal Assault 2017 m'avait fait forte impression. N'ayant pu assister à leur concert au Glazart en décembre dernier (alors que je n'avais même pas la bonne excuse de m'être rendue à celui d'IMPIETY le même soir), c'est donc avec impatience que j'attendais leur passage au Petit Bain. L'annonce de THROANE en première partie ne pouvait qu'accroître mon intérêt pour cette date. Les berges de la Seine baignent sous le soleil et l'association France-Hawaï a élu domicile dans le bar à quai du Petit Bain. Ce sont donc les vahinés et les ukulélés qui accueillent les fans de Black Metal ce soir. C'est une toute autre ambiance à l'intérieur, mais la bonne nouvelle, c'est cette climatisation bienfaisante et salvatrice.
THROANE, one-man-band en la personne de Dehn Sora (TREHA SEKTORI), seul membre français de l'éminente Church of Ra (AMENRA, OATHBREAKER, WIEGEDOOD) n'a pas chômé et a sorti deux albums en deux ans Derrière Nous, la Lumière et Plus une Main à Mordre. Accompagné de ses mercenaires instrumentaux, Dehn Sora officie au chant et se charge du synthétiseur, dans une mise en scène d'une grande sobriété. Pas de backdrop, mais un écran diffusant des images, plans fixes ou courtes scènes en noir et blanc, dans l'esprit des artworks des albums : moulage de dentiers, automutilation, gros plans sur des blessures, des cicatrices, des chairs torturées, ridées et abîmées. C'est de cela que nous parle la musique de THROANE, de la souffrance brute, sauvage, malsaine des corps et plus largement, du genre humain, avec son post Black Metal saupoudré d'Indus. C'est froid, sombre, ça frôle la violence, mais sans tomber dedans, c'est viscéral et conceptuel à la fois. Le son était plutôt satisfaisant, peut-être un peu faible, mais avec une restitution très équilibrée de chaque instrument et des vocalises de Dehn Sora (avec juste ce qu'il fallait de réverbération) qui ne ménage pas ses efforts lorsqu'il s'agit de cracher ses murmures, ses cris, ses rugissements et donc sa douleur dans le micro. Les sept morceaux, issus de deux albums, se sont enchaînés avec une grande fluidité, faisant montre de l'unité stylistique du projet de Dehn Sora, dont on perçoit évidemment les influences et les apports (j'ai notamment pensé à GODFLESH ou à la vague post Black islandaise comme ZHRINE), pour finalement aboutir à un résultat très personnel et original. THROANE a délivré une prestation de 35 minutes de grande qualité, qui n'a nécessité aucun artifice scénique pour permettre au spectateur de se focaliser sur la musique : pas de mise en avant d'un musicien en particulier, pas même sa tête pensante, show light simple, mais aussi une absence totale de communication avec le public. Un public par ailleurs attentif et réceptif à son univers glaçant. Après cette nouvelle expérience avec l'un des groupes du collectif Church of Ra, je peux dire que j'ai été baptisée avec OATHBREAKER, fait ma première communion avec SYNDROME, ma confirmation avec AMENRA, et enfin, ma profession de foi avec THROANE. Me voilà maintenant adepte à part entière d'une bien belle chapelle.
La température a bien grimpé (il n'y a plus de climatisation ?), le Petit Bain continue de faire le plein, la chaleur devient difficile à supporter. Gratitude envers Tanguy qui a fourni à son insu de petits éventails de fortune avec ses flyers... Ils ont installé un backdrop au motif celtique tout droit sorti du Livre de Kells, preuve s'il en fallait que les frères Weaver n'ont pas oublié les racines européennes nordiques du Black Metal, comme le rappelle également le marteau de Thor tatoué sur le bras de Nathan. Si THROANE exploite la thématique du corps humain, WOLVES IN THE THRONE ROOM puise son inspiration de la Nature et de ses éléments fondamentaux. Alors que l'intro nous plonge dans un ruisseau au bruit des glouglous de l'eau, le guitariste fait brûler des herbes sèches et tente de disperser sur scène les volutes de fumée de cet encens annonciateur du commencement de la cérémonie. C'est le calme avant la tempête car le set proprement dit débute brutalement avec Thuja Magnus Imperium. Le son est bien plus fort et massif que pour leurs prédécesseurs, je ne vais pas m'en plaindre ! Les trois guitaristes et le batteur (il n'y a pas de bassiste sur scène) se mettent rapidement à l'unisson sur ce morceau. Par la suite, la setlist s'appuie logiquement sur les titres du dernier opus, Thrice Woven, avec notamment Born From the Serpent's Eye, The Old Ones are with Us ou Angrboda, magistralement interprétés. On a pu reprocher à ce dernier album une forme d'assagissement, mais les titres en live proposent toujours ce savant mélange de souffle puissant et de douce mélancolie, dû à la qualité et à la richesse des compositions des morceaux, souvent longs, car ils contiennent bien plus qu'une ou deux structures musicales qui s'imbriquent harmonieusement. Le meilleur exemple reste l'incontournable I Will Lay Down my Bones Among the Rocks and Roots (oserais-je parler de tube ?) qui clôture en beauté un show d'une heure et vingt minutes, que je n'ai pas vue passer. Le choix des morceaux était judicieux même si j'aurais aimé entendre au moins un titre de Diadem of 12 Stars (au hasard Queen of the Borrowed Light). Les bases du Black Metal sont assimilées et maîtrisées bien sûr, cependant les frères Weaver y ont apporté leur idéologie, le respect infini qu'ils ont à l'égard de la Nature et de l'espèce humaine. Le son était loin d'être mauvais, mais aurait pu être perfectible, la voix de Nathan parfaitement audible, la mise en scène très simple, mais quel plaisir de voir parfois ces trois gratteux chevelus headbanger au rythme de leurs riffs effrénés. Ça fait du bien de voir "du cheveu", je trouve qu'on n'en voit plus assez ! Les musiciens ont quitté la scène après de timides remerciements ; ils ont peu communiqué avec le public, sauf lorsqu'il s'agissait de lever haut la bouteille de vin qu'ils buvaient à même le goulot. J'ai passé un excellent moment si l'on excepte les quelques casse-pieds qui braillent, discutent à haute voix ou applaudissent pendant les passages ambient de certains titres... Non, le morceau n'est pas terminé, laisse tes voisins savourer, merci !
En conclusion, le public de cette soirée était invité à une cérémonie ne glorifiant aucune religion, mais mettant à l'honneur l'Homme et la Nature à travers l'expression musicale de deux entités aux univers très personnels mais universels.
| ERZEWYN 30 Juin 2018 - 668 lectures |
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