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Voivod 35th Anniversary European Tour

Live report

Voivod 35th Anniversary European Tour Bio-Cancer + Hexecutor + Voivod
Le 30 Septembre 2018 à Nantes, France (Ferrailleur)
On ne l'a dit que trop souvent déjà: le malheur des uns fait le bonheur des autres. Cette fois-ci, notre histoire commence avec cette affiche célébrant les 35 ans de carrière des mythiques Voivod, que tout le monde connait au moins de nom, accompagnés des grecs de Bio-Cancer et des bretons de Voight-Kampff. J'apprécie les deux premiers mais ne connais pas le troisième: je me tâte. Et soudain, hasard! Voight-Kampff est contraint d'annuler, et ce quelques jours seulement du spectacle. Ils sont alors remplacés par d'autres bretons, que, cette fois-ci, je connais bien: Hexecutor.

HEXECUTOR

Je les connais plus que bien même, puisqu'en plus d'avoir eu la chance relative de discuter avec le batteur dans un état de sobriété discutable au Motocultor 2018 - ainsi que d'autres aventures qui ne sont pas à l'ordre du jour -, une malédiction venue du ciel m'a fait rater pas loin de quatre (!) dates des bougres bretons, tandis que mes amis plus fortunés prenaient plaisir à me conter leurs représentations toujours impressionnantes. Comprenez alors que je n'ai pas hésité très longtemps à prendre ma place dès lors que j'ai vu leur logo remplacer celui de Voight-Kampff. Je m'étais alors dit, naïvement, que j'aurais la chance de voir enfin ce fameux groupe à l'action! Mais la malédiction m'a rappelé sa présence une fois de plus, me faisant rater un morceau et demi du groupe (ouais bon la TAN, le système de transports nantais, est pas toujours au taquet le Dimanche...). "Macabre Ceremony", certainement. Le groupe commence toujours avec celle-là. Relativement efficace pour une opener, me direz-vous: zéro intro, immédiatement le premier couplet.

Je suis donc entré à la hâte dans une salle déjà chauffée à blanc, et je suis tombé nez à nez avec les bretons en pleine action. Premier constat: y a du monde. Genre, vraiment. Ce qui me surprend de prime abord, connaissant la notoriété du groupe à l'échelle nationale. En entrant dans cette salle, je tombai sur tout ce que mes amis m'avaient si longtemps promis: un show déjanté, délirant mais à la fois propre, des rennais en cuir et aux cheveux bouclés longs, jouant leur speed/thrash aux relents oldschool. A l'air toujours sérieux, communiquant parfois avec leur public mais restant concentrés, ils enchainaient les morceaux en nous proposant une setlist alternative, où leurs EPs étaient à l'honneur. Et un rappel - ce qui exceptionnellement rare pour un groupe de leur notoriété - avec la cultissime "Hardrockers City". Par ailleurs, le groupe jouissait d'un excellent éclairage, très bien dosé et calculé, peut être le meilleur des trois groupes, ce qui m'a également beaucoup surpris - peut être la fin était un peu plus dangeureuse car très épileptique. Et j'ai pu voir Putrid Vön Rötten, bien plus sobre cette fois-ci, se déchainer sur sa batterie - enfin, plus précisément celle de Bio-Cancer si j'en crois le logo du groupe grec sur la grosse caisse - sans commettre la moindre erreur rythmique, ce qui est assez impressionnant pour un groupe comme Hexecutor, qui se détache des autres groupes de thrash classiques par des compositions assez atypiques, ne suivant que rarement le schéma tradionnel et changeant fréquemment de tempo. Les guitaristes n'étaient pas en reste et adoptaient même des réflexes de showmen: lors du solo de "Hardrockers City", Jey Deflagratör se roulait par terre, comme possédé - et aussi comme à chaque concert à ce moment-là bien précis, d'où le parallèle avec les codes du showman. En bref: rapide, efficace, agressif, intense mais jouissif. Je n'ai été aucunement déçu par mes attentes après tout ce temps à patienter pour voir ce groupe à l'oeuvre.

BIO-CANCER

Après cette première partie qui nous chauffa tous à blanc, les rideaux se fermèrent pendant une dizaine de minutes. Je ne m'attarderai aucunement sur cette interlude, il n'y en a simplement rien rien à dire - je suis resté assis sur un siège, les bras croisés, à attendre - avant que la musique du démon s'abatte une fois de plus sur nous: les suppôts s'étaient regroupés sous le nom de "Bio-Cancer", dont la prestation pourrait être résumée sur trois principaux axes:

Le premier, la musique en elle-même. les grecs officient dans le même genre de speed/thrash aux rythmiques déjantées que les bretons, ce qui offrait une continuité intéressante. La différence ici, c'est que Bio-Cancer se montrait encore plus offensif, avec leurs compositions qui faisaient aller à 200 à l'heure aussi bien la batterie et les guitares que la voix; d'ailleurs, il sembla que Lefteris n'ait pu se débarasser de cette technique de chant durant les pauses entre deux morceaux, ce qui n'était pas à notre avantage (ni au sien): on ne comprenait tout bonnement rien à ce qu'il nous disait, et à chaque fois il semblait parler par dépit, comme si, forcé, il récitait mécaniquement une ligne de texte dans laquelle il s'efforçait d'y placer une intonation humaine pour se rendre davantage persuasif. D'autant plus que les autres musiciens ne semblaient pas vraiment concernés par les propos de leur ami: ils accordaient leurs instruments, effectuaient différents réglages sans broncher, ni même communiquer, comme si de rien n'était. Alors certes, ce genre de choses est primordiale dans un concert et je ne remet aucunement ça en question: c'est juste que le chanteur apparaissait plus seul que jamais, ce qui n'offrait pas un souvenir très mémorable. Pas très chaleureux comme groupe, donc.

Heureusement que leurs performances techniques étaient là pour compenser avec cette froideur: la musique de Bio-Cancer est compliquée à jouer tant elle est rapide. Et pourtant, le fait d'effectuer une prestation de plus d'une heure ne les as en aucun cas refroidis. Nous avons donc eu droit à de très impressionnantes lignes de batterie, constamment en mouvement, ainsi que des solos exécutés avec une prouesse remarquable. Pendant une heure, donc, les grecs ont renversé le Ferrailleur, avec leur set exécuté proprement et stoïquement, morceau après morceau, et sont partis sans rappel après "Bulletproof" . Et c'est au moment de leur départ que l'on a pu réaliser au mieux le troisième axe de ce concert: l'écart vertigineux de spectateurs dans le public.

D'une scène à l'autre, l'atmosphère ne changeait guère; d'une fosse à l'autre, à l'inverse, c'était tout un monde qui basculait. Arrivé en retard pendant Hexecutor, je jouais des coudes pour me trouver une place et c'était un conflit terrible pour la garder tant le public était déchaîné. Pendant Bio-Cancer, j'aurais très bien pu m'endormir au milieu de la fosse - vide, évidemment - qu'il ne se serait rien passé de plus. D'abord parce que la foule était au moins divisée de moitié, ensuite parce que tous et toutes étaient beaucoup plus sceptiques, en attendaient beaucoup plus d'un groupe qu'ils connaissaient moins bien - d'autant plus que la sympathie discutable des musiciens ne jouait pas en leur faveur. On comprend alors qu'Hexecutor était un concert festif, de nantais venant retrouver leurs amis rennais - j'ai, pour exemple, un fan venu saluer le batteur comme son ami en fin de set - tandis que Bio-Cancer était plus traditionnel, avec moins de monde et moins de ferveur - car le groupe était moins connu du public local - d'autant plus qu'une heure pour un groupe aussi intense était beaucoup trop: les deux albums de Bio-Cancer, respectivement "Ear Piercing Thrash" et "Tormenting the Innocent" durent tous les deux moins de quarante minutes tant la musique s'y fait dense, compactée. Alors, jouer une heure? C'était trop, et la lassitude pouvait parfois se voir sur certains visages - dont le mien...

VOIVOD

Durant l'instant de transition entre les deux groupes, je rencontre un autre fan qui me parle d'expériences vécues par des amis à lui. "Le seul souci avec Voivod, m'a-t-il dit, c'est qu'ils sont pas très charismatiques, d'après ce qu'on m'a dit...".
Eh bien j'aimerais le revoir - ce que je ferai sûrement - simplement pour lui dire la chose suivante: "T'as entendu ça où?" Non parce que, à moins que ses amis ne vivent dans un monde parallèle au nôtre, dans le "Nebelwelt" comme le décrivait K. Dick, je n'ai jamais vu une preuve qui infirmait à ce point une théorie, un fondement. En effet, n'étant moi-même pas un grand fan du thrash progressif des québécois, dès la montée du groupe sur scène, j'ai su que j'allais passer un bon moment.

Pour les trente-cinq ans de carrière du groupe, nous avons eu le droit à plus d'une heure de festivités, ponctuée par des "JOYEUX ANNIVERSAIRE VOIVOD" chantés par le public entre deux morceaux, et où il manquait juste des ballons et un gâteau. Le groupe rassemblait petits et grands, au sens premier du terme: à ma droite, une dame âgée de 85 ans en fauteuil roulant avait l'air de prendre son pied durant les trois groupes, tout comme un petit garçon d'une petite dizaine d'années situé un peu plus loin, grassement gâté par les québécois durant leur show. Ah, le charisme des musiciens? Vous ne seriez pas surpris d'apprendre, je pense, qu'il contrastait fortement avec celui du groupe juste avant: beaucoup d'interactions de Snake avec le public, ce qui n'était pas lassant car il y avait toujours un musicien ou un fan pour rebondir sur les propos évoqués, et des boutades entre membres du groupe, ce qui laissait sous-entendre une bonne entente et une bonne atmosphère au sein du groupe. Sur scène, donc, on avait des papys avec le sourire, dont le frontman était plus vieux que Yoda et avait près de 3000 ans.
"Ca fait 35 ans qu'on est là.
Haa...
Et on sait faire que ça."

Musicalement parlant, le groupe a fait un sans-fautes, ici aussi. Il faut dire que leur musique entre dans cette catégorie où il est compliqué de dire si un musicien joue correctement. Voivod, c'est 35 ans de thrash progressif déstructuré au chant chaotique et aux riffs complètement dissonants - dur, parfois, de dire s'il s'agit d'erreurs de la part des musiciens ou d'actes délibérés. Mais j'aurais plus tendance à penser au second cas car, après tout, certain signes ne trompent pas: Away, malgré ses cheveux gris et blanc, nous a imité un de ces petits lapins roses Duracell, qu'on pouvait voir à la télé, à marteler ses fûts comme un possédé pendant plus d'une heure sans commettre de faute grossière ni montrer le moindre signe de fatigue - et il a même réussi à venir saluer la foule à la fin, le démon! Rocky, lui, n'hésitait pas à serrer quelques poings entre deux lignes de basse. Quant à la setlist, elle faisait honneur de la plus belle des manières à la mention "35th anniversary tour" sous le logo du groupe: tout du long, le groupe a fait des vas-et-viens entre vieux classiques et sorties plus récentes. De "War and Pain" à "The Wake", le groupe a fait une formidable rétrospective sur plus de trois décennies de travail constant. Ce qui a résulté en un set très riche, très varié: les morceaux efficaces comme ceux de l'album "Killing Technology" s'enchainaient, en laissant place à d'autres plus calmes ou plus "dansants" si je reprend les dires de Piggy, comme l'excellent "The Prow" qui est un des morceaux les plus doux et accessibles du groupe. 

Ces braves gens auraient pu continuer pendant une heure de plus, ou deux ou mille, s'il ne fallait pas mettre un terme aux bonnes choses, comme à chaque fois. Et encore une fois, même s'ils ne nous l'ont pas dit explicitement, certains signes trahissaient une certaine envie de rester sur scène le plus possible: par exemple, le groupe est resté en loges pendant moins d'une minute avant de remonter pour jouer "Overreaction" et Rocky est resté longtemps après, assis sur le rebord de la scène, à discuter avec les plus curieux! Des musiciens passionnés, exécutant sans failles un set très complet et fidèle à l'image du groupe, qui joueraient au milieu de la foule si les capacités techniques leur permettaient une telle chose, le tout étalé sur plus d'une heure de convivialités à base de thrash metal déstructuré et dissonant: voilà, en une phrase, comment on pourrait résumer le passage de Voivod au Ferrailleur, qui restera certainement l'une de mes dates préférées de 2018.

2 COMMENTAIRE(S)

Astraldeath citer
Astraldeath
04/10/2018 20:03
Bel hommage que voici. Je ne connaissais que vaguement le groupe, c'est par le biais d'Hexecutor que j'ai appris que vous aviez annulé, sans que je sache pourquoi car le groupe a simplement évoqué un "souci personnel".

Je vous témoigne toutes mes condoléances et tout mon soutien dans cette épreuve atroce.
-Gael- citer
-Gael-
04/10/2018 15:50
C'est après avoir passé une semaine entourés de nos amis et de ses proches que nous trouvons la force nécessaire pour remercier toutes les personnes nous ayant témoigné leurs soutiens et sympathies suite à la disparition tragique de notre vieil ami, de notre frère Mathieu Broquerie alias "Smats LaBroque".
Nous sommes bouleversés par cette terrible nouvelle et annulons toutes les dates sur lesquelles nous étions prévus et nous donnons le temps nécessaire pour réfléchir à l'avenir du groupe.
Comme dans toutes les formations ou projets auxquels il participait il avait guidé Voight Kampff vers le haut, vers les étoiles qui nous inspiraient tant.
Mathieu était "juste et bon, doué de la sagesse", comme le dit la chanson et aucune personne l'ayant connu ou ayant eu la chance d'être son ami, ne pourra nier l'importance qu'il aura eu dans sa vie, tant sur le plan musical qu' humain. Il a été et restera une inspiration pour toutes ces personnes, un exemple à suivre.
A nous, qui l' avons aimé et qu'il a aimé, de le faire vivre à travers tout ce qu'il nous aura appris et apporté... avec humilité et amour.
Repose en paix vieux frère et de là haut, guide nos pas dans l'obscurité, vers la lumière de l'âme...

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