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Melvins - Bullhead

Chronique

Melvins Bullhead
L’époque veut évidemment cela et c’est même un signe du temps qui passe, mais en cette année deux mille un, l’on n’a eu de cesse de parler des trentièmes anniversaires d’albums marquants pour ce que l’on a appelé à l’époque le grunge, mais pas seulement. Évidemment, pour ce qui est de la France, l’on a forcément entendu parlé des trente ans de Nevermind, peut-être un peu moins de ceux de Ten, et sans doute encore moins de ceux de Badmotorfingers. Évidemment, dans cette liste, il y a bien entendu deux albums dont l’on ne vous aura pas rabâché les oreilles, à savoir Every Good Boy Deserves Fudge - de Mudhoney, groupe toujours en activité aujourd’hui - et, ce qui nous occupe ce jour, de Bullhead - des Melvins, groupe toujours en activité aujourd’hui. Et c’est bien dommage que de ne pas s’attarder plus longtemps sur le trio de Montesano, le grand oublié, car, sans lui, ce fameux accordage en open de ré ne se serait pas autant répandu dans la scène de Seattle, dixit Kim Tahil - guitariste de feu Soundgarden -, et l’on n’aurait encore moins eu de chance d’avoir Nirvana - dont les meilleurs titres de Bleach sont ceux avec un certain Dale Crover à la batterie. Bullhead est donc le troisième album des Melvins, qui fait suite aux séminaux Gluey Porch Treatments et Ozma, - si tu ne me crois pas, demande à un certain Jimmy B de la Nouvelle Orléans ce qu’il en pense -, ains qu’au EP Eggnog sorti quelques semaines auparavant.

Les Melvins étaient le groupe le plus lourd des années quatre vingt. Cette phrase n’est pas de moi, elle est de Lee Dorrian, et je pense qu’en matière de lourdeur faite musique l’on peut faire confiance à Tonton Lee. Tout cela pour dire que les Melvins, c’est avant tout, et surtout à ses débuts, les chantres d’une certaine lourdeur et d’une certaine lenteur. Et pour cela, pas besoin de faire un long tour du propriétaire pour s’en convaincre, le titre Boris, que dis-je, l’énormissime titre Boris et ses huit minutes suffocantes seront suffisantes et tellement éloquentes. Il y a ne serait-ce que ce son de guitare, tellement gras sans pour autant être tant sous accordé, et cette production tellement naturelle et chaude, qu’elle t’englobe assez rapidement. Il y a ce riff tellement simple et en même temps tellement entêtant; tellement abrutissant que tu as du mal à t’en départir une fois les hostilités débutées. Il y a aussi ce jeu de batterie tellement unique et puissant de Dale Crover, l’un des batteurs les plus sous estimés du monde et qui sait ce que c’est qu’être à la fois puissant et inventif. La production rend d’ailleurs vraiment justice à son instrument ce qui est assez rare, tant sa batterie sonne vraiment naturelle et que tu sens même les peaux vibrer sous la frappe de mule du batteur. Il y a cette basse discrète de Lorax qui va appuyer la lourdeur de Buzz. Ce sont tous ces éléments qui s’unissent pour donner quelque chose de tellement unique sur ces huit minutes, avec des signes d’inventivité et cette volonté de faire comme bon leur semble, avec ce faux final où le son se fait plus étouffé pour un rendu encore plus claustrophobe.

Et c’est bien cette liberté de ton et cette volonté de sortir des sentiers battus qui vont caractériser ces trente cinq minutes. Il n’y a rien qui ressemble aux Melvins. Vraiment rien, même si la liste des groupes qu’ils ont influencés est on ne peut plus pléthorique. Donc s’attarder à décrire leur musique est un peu difficile tant les mots peuvent manquer. L’on a ainsi huit tires tous aussi lourdingues que loufoques, où l’on sait tout autant accélérer comme des vieux punks sous amphétamines, comme sur le tube Zodiac, que de ralentir sous des coups de semonces bovines comme c’est le cas sur Your Blessened. Il y a évidemment une certaine créativité et surtout un côté parfois abscons, car l’on sort tout le temps des schémas de composition traditionnels. C’est assez rare d’avoir des couplets et des refrains, et si l’on retrouve des structures récurrentes, c’est souvent pour répéter les mêmes riffs jusqu’à plus soif, mais suffisamment pour vous abrutir. Car s’il y a bien une constante chez eux, c’est cette volonté de t’en mettre plein le bide en très peu de temps, mais très lentement. C’est important de le noter. Il y a évidemment ce côté loufoque qui fait la marque de fabrique du groupe, qui peut ainsi démarrer un titre tambour battant et le finir en queue de poisson, comme si de rien n’était, mais en ayant pris le temps de bien t’asséner de riffs vicelards et de te perdre en chemin avec des fausses pistes, je pense notamment à Anaconda et à It’s Shoved. Le trio peut aussi prendre des tournures un peu plus enjouées et groovy, à sa façon, comme c’est le cas sur le final Cow, qui se termine tout de même sur un solo de batterie.

Est-ce que cela fait pour autant de ce Bullhead un album de débiles pour des débiles ou des nerds? C’est un peu le cas, car, les Melvins ont cette faculté à être autant adulés que décriés. Mais pour autant, Bullhead n’est nullement de l’esbroufe réservée à une sorte d’élite capable de s’enfiler n’importe quel disque lourd et décalé. Cet album a cette faculté à vous entraîner assez facilement, à vous emmener dans son petit monde, car il demeure assez concis, et l’on n’a point ici les expérimentations futures du groupe et encore moins les sorties de route dont il sera capable durant toute la suite de sa carrière. Il y a aussi des éléments qui montrent que le trio commence à se structurer un peu, toute proportion gardée - l’on parle des Melvins tout de même - et n’hésite pas à allonger la durée de ses titres, là où auparavant c’était la concision de la chose qui primait, notamment sur Gluey Porch Treatments. Ainsi, le côté purement hérité de la scène hardcore tend un peu à s’effilocher, même s’il na pas encore totalement disparu. Par contre, il est indéniable que l’on a ici l’une des oeuvres les plus lourdes du groupe, avec une tendance que confirmera par la suite des albums comme Lysol, Houdini, Stoner Witch et Stag. Mais ce que l’on retiendra ici, c’est une grande efficacité qui tient sans doute à pas grand chose, c’est à dire des riffs géniaux, un chant unique, des compositions audacieuses, mais qui tiennent la route et qui témoignent surtout d’une grande inspiration de la part des musiciens.

J’en vois qui doivent sourire lorsque l’on évoque cette formation, connue de beaucoup mais pas tant écoutée que cela, et qui se demande ce qu’elle peut bien faire dans ces pages. C’est bien simple, cela reste un album qui tient la dragée haute à tant de disques et qui aura laissé son empreinte sur pas mal de musiciens. Demandez à un certain trio japonais d’où ils tiennent le nom de leur groupe? Demandez à Jimmy Bower quel groupe l’a le plus inspiré et lui a donné envie de faire cette mixture si particulière dès In The Name of Suffering? Et puisqu’il faut des preuves, ce riff joué un peu à contre sens de tout sur Cow, ça ne vous rappelle pas quelque chose? Ce côté foncièrement rock enfouie sous cette pesanteur de notes et de basses, ça ne vous fait pas penser à un genre musical popularisé durant les nineties? L’on notera à ce propos qu’un certain Wretch sonnait bien frêle à côté de cet album et que Al Cisneros et Matt Pike n’avaient pas encore gravi leur montagne sacrée. La filiation avec le grunge, si elle est évidente d’un point de vue géographique et historique, elle se retrouve évidemment encore sur cet album, je pense notamment à un titre comme It’s Shoved avec ce rythme plus entraînant et primesautier, pour du Melvins, cela s’entend. C’est tout ceci, en condensé bien évidemment, que l’on retrouve sur ce Bullhead. Et niveau lourdeur, cet album n’a évidemment rien à envier à des formations de doom metal, je pourrais tout autant citer le titre Boris, que le final Ligature aux riffs pachydermiques, comme preuves éloquentes, mais ce serait faire injure à l’entièreté de cet album.

Et plus de trente ans après, ce Bullhead n’a rien perdu de sa consistance et de sa prestance. Il demeure cet album aussi féroce que pesant et est un condensé de réel savoir faire, de liberté artistique et d’une certaine forme de bonheur. De bonheur, car cela reste toujours aussi jouissif que d’écouter ces huit titres qui défilent sans que l’on ne s’ennuie ne serait-ce qu’une seconde, car il se passe toujours quelque chose dans un titre des Melvins, du plus inattendu au plus sournois. Mais cela reste bien évidemment une très belle démonstration, non seulement du trio, mais de ce que l’on peut faire à la croisée des chemins entre grunge, doom metal, sludge et stoner, s’il fallait vraiment donner des étiquettes à cette musique. J’ai bien envie de dire que toute la musique grasse et lente que vous pouvez écouter de nos jours, elle vient de là, elle vient en grande partie des Melvins. Ainsi, ce ne serait que justice que de s’attarder plus longuement sur cette discographie pléthorique qui comporte quelques classiques, et qui ne se réduit pas uniquement avec l’album qui a été en partie produit par Kurt Cobain. En effet, la discographie des Américains ne se limite nullement à Houdini, et je pense qu’en terme de porte d’entrée, Bullhead est sans doute la meilleure. Celle qui vous entraînera dans une sorte de danse de Saint Guy, mais une danse avec des pas lents, et qui vous rendra accro à cette formation pas comme les autres et qui n’en finit pas de fasciner après tant d’années. Bref, s’il y a bien un album de l’année mille neuf cent quatre vingt onze pour lequel cela vaut le coup de dépenser quelques deniers, c’est bien ce Bullhead, excellent de bout en bout.

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Melvins
Sludge / Stoner / Grunge
1991 - Boner Records
notes
Chroniqueur : 9/10
Lecteurs : (3)  8.5/10
Webzines : (3)  9.11/10

plus d'infos sur
Melvins
Melvins
Sludge / Stoner / Grunge - 1983 - Etats-Unis
  

écoutez
tracklist
01.   Boris  (08:33)
02.   Anaconda  (02:23)
03.   Ligature  (03:47)
04.   It’s Shoved  (02:36)
05.   Zodiac  (04:14)
06.   If I Had an Exorcism  (03:07)
07.   Your Blessened  (05:39)
08.   Cow  (04:31)

Durée : 34:50

line up
parution
3 Mai 1991

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