« … of Tragedy »
Après la renaissance ayant entraîné
Rapture, on aurait pu croire qu’Unholy allait rester pour de bon, l’image d’un groupe sûr de lui, fort de ses expériences précédentes avec l’intention de ne pas réitérer les problèmes d'autrefois, marquant également l’écoute de cet album. Pourtant,
Gracefallen sera bien l’épitaphe de cette formation qui aura vécu, cette fois, les galères de trop.
En effet, les Finlandais garderont un mauvais souvenir de cette dernière période ensemble, notamment concernant l’intégration de Veera Muhli aux postes de claviériste et chanteuse comme membre à part entière. Ayant auparavant participé à un titre de
Rapture (le magnifique « For the Unknown One »), la dame et son manque d’implication lors de l’enregistrement de
Gracefallen auront laissé un goût amer à la bande, voyant son arrivée en son sein comme « une énorme erreur » (pour reprendre les termes de Jan Kuhanen présents dans la biographie attachée à la compilation
Demo 11.90 / Procession of Black Doom). Certes, Unholy continuera un peu après cet album, composant même les débuts d’une suite orientée vers le jazz tout en conservant les ambiances glauques et mélancoliques lui étant chères, mais l’absence d’intérêt de la part de labels d’envergure, la difficulté de trouver des concerts – le groupe jouera seulement quelques temps en première partie de Children of Bodom (oui) avant de splitter – finiront de dégoûter le trio Pasi Äijö / Ismo Toivonen / Jan Kuhanen, faisant de ce quatrième longue-durée le dernier d’Unholy.
Un album marqué par une certaine aigreur donc, voire le sentiment d’un échec en lien avec ce chant féminin prenant une place plus grande qu’auparavant. Et pourtant – voyez ici un exemple probant de la différence entre la perception d’une œuvre par ses créateurs et ses auditeurs – on a ici ce qui est sans doute l’œuvre la plus travaillée et majestueuse d’Unholy. Là où le temps montrera l'héritage qu’auront laissé
The Second Ring of Power (important pour toute une scène Death / Doom funéraire et expérimentale) et, dans une moindre mesure,
Rapture et sa tristesse glacée toute finlandaise,
Gracefallen reste une anomalie sans réelle équivalent aujourd’hui, quelques traces pouvant se trouver dans un esthétisme qu’une certaine scène italienne tentera de reprendre (on peut évoquer Urna, Thaclthi ou encore Arcana Coelestia) sans pour autant dénaturer l’atmosphère si particulière de ces soixante-deux minutes.
Soit une grosse heure où Unholy se montre à son plus esthétique, poursuivant l’attention à la fluidité et aux arrangements de
Rapture. Il suffit d’écouter les couches multiples de « Seeker » pour se rendre compte du soin apporté à ce Death / Doom toujours aussi étrange – on pense à la folie d’un
Fleurety période Min tid skal komme dans ces arpèges psychédéliques – mais d’une richesse laissant bouche bée. Bien sûr, le final « Athene Noctua » et ses allures de requiem restent ce qui frappe le plus dans cette création d’un doom luxueux et néanmoins corrosif mais cette abondance constitue bien l’un des points forts de
Gracefallen, une ambiance gothique, solennelle et extra-terrestre surplombant son ensemble, telle une histoire d’un Lovecraft devenu mystique mise en musique. Une histoire où il serait question d’une grande cérémonie, une terreur cosmique s’abattant sur les Hommes accueillis dans l’Au-delà.
Et puis, il y a cette voix. Ces voix pourrait-on dire, tant la dualité entre Veera Muhli et Pasi Äijö est porteuse à elle-seule d’un climat rendant
Gracefallen inédit. Ce chant féminin hanté et éteint, évoquant ce que les musiques gothiques ont de plus diaphane, enfantin et glacé (je pense fortement à ce qu’a pu faire un groupe comme Cranes sur
Wings of Joy durant « Reek of the Night » par exemple) se marie parfaitement à ces grognements à la fois emportés et ternes, signature d’un Death / Doom à l’émotion sous-jacente. « ...of Tragedy » et « Daybreak » ainsi que le passage de « When Truth Turns Its Head » à « Wanderer » réussissent parfaitement cette union entre débauche et mort, solennité et lascivité, poésie excessive dans les formes qu’elles dessinent et sincérité émouvante derrière cette élégance complexe qui guide les différents mouvements.
Peut-être y a-t-il là un hasard heureux dans cette performance qui aura tant déçu les Finlandais. Cela reste raccord avec une discographie faite d’une succession de maladresses et péripéties élaborant magiquement un ailleurs aussi bien que les talents développés. Et ce chant distant, livide, se perchant au bord de la fausse note, de Veera Muhli est pour beaucoup dans la force de ce disque à classer parmi les meilleurs d’Unholy. Car, si
The Second Ring of Power conserve sa place d’album influent et important,
Gracefallen tutoie une perfection bien à lui, au point que ses menus défauts (à commencer par une diversité parfois difficile à digérer) deviennent des éléments appuyant cette beauté de l’accumulation constituant l’originalité de ses ambiances funéraires. Un rêve lovecraftien d’une plongée dans des enfers célestes qui, au final, fait un beau mausolée où enterrer ce groupe unique qu’a été Unholy.
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