1994. Après la sortie de
The Second Ring of Power, Unholy commence à avoir une certaine reconnaissance de la part de la scène internationale. Impossible pour les Finlandais de profiter pleinement de ce début de succès, ces derniers connaissant différents problèmes les empêchant d’effectuer des tournées (ils joueront principalement dans leur pays). Le plus gros souci se situe au sein même du groupe, Jarkko Toivonen plongeant dans des problèmes d’addiction rendant les concerts difficiles à réaliser. Des différences de points de vue sur la suite à donner à leur deuxième album ainsi qu’une attitude de rockstar de la part de certains membres finissent d’entamer la volonté du quatuor de poursuivre l’aventure ensemble. Unholy meurt alors une première fois, chacun allant vers différents projets.
1996. Ismo Toivonen et Jan Kuhanen se retrouvent à l’occasion d’un été alcoolisé à Imatra, leur ville d’origine. Fort de leurs expériences dans différents groupes, ils décident de répéter de nouveau ensemble, Pasi Äijö les rejoignant peu de temps après. Le trio décide de ne plus continuer avec Jarkko (à l’époque vu comme un membre gangrené à enlever pour sauver le corps, comme le rapporte Ismo dans une biographie parue au sein de la compilation
Demo 11.90 / Procession of Black Doom) et se base sur des compositions créées durant ce hiatus pour débuter la création de ce qui donnera en 1998
Rapture, troisième album de Unholy mais aussi renaissance.
L’histoire a ici son importance, tant cette nouvelle œuvre paraît bien différente de ses prédécesseuses. Après deux réalisations aujourd’hui cultes, conservant malgré les années une folie qui finira par définir toute une scène finlandaise, Unholy revient avec soixante-huit minutes paraissant plus maîtrisées, homogènes… et d’apparence plus fades. Nouveau fonctionnement, nouvelle méthode de composer : l’apprentissage des erreurs précédentes donne un résultat plus progressif dans ses déroulés autrefois chaotiques, un ensemble plus fluide, le groupe réfléchissant désormais en terme de « morceaux » et non plus de « riffs » – ce qui peut expliquer une part de la bizarrerie de la première mouture de la formation – lors de ses jams entre trois personnes se connaissant bien et ayant appris de leurs mésaventures.
Cela est presque plus déroutant pour l’amateur de
From the Shadows et
The Second Ring of Power que les découvertes de ces derniers. Unholy, ce fou à la réputation d’expérimentateur et de fondateur, devient alors plus austère, plus conformiste ? Bien sûr, cela est bien plus complexe, l’écoute obstinée et fascinée expliquant au fur et à mesure l’obsession qui se développe pour
Rapture malgré les déceptions préalables. « From all Unholy’s records, this one is the most agonizing and raw, dribbling hate and nihilism from every track » déclare Jan dans la biographie déjà-citée et – même si une production plus professionnelle qu’autrefois laisse penser que
From the Shadows reste l’œuvre la plus crue des Finlandais – il y a ici une part de ce qui finit par nous emporter sur ce disque. Au-delà de ces pistes surprenantes (l’annonciateur « Into Cold Light » ; « Unzeitgeist » où Unholy étonne plus que jamais par ses emprunts au jazz et au rock), c’est bien ce climat froid et cependant lumineux, ce bleu glacial et qui traverse les vêtements jusqu’à la peau, qui transperce et laisse éteint. Une ambiance congelée où l’on contemple d’un regard vitreux le délitement des choses qui nous entourent.
Comme voir le monde à travers le regard d’une Laura Palmer sortie des eaux – je trouve d’ailleurs un peu de l’élégance déchue de Badalamenti dans ces claviers aussi kitsch que frigorifiés, voire dans ces guitares acoustiques (la pièce-maîtresse « Wunderwerck ») –, on erre dans une atmosphère d’égarement aussi douce que mordante, s’affichant non plus avec l’irrévérence des prédécesseurs mais une certaine tranquillité trompeuse. La voix toujours aussi prenante de Pasi, délicieuse dans ses grumeaux qui débordent à chaque fin de note, guide alors au sein de ce marasme liquide personnifié par des titres à classer parmi les plus hostiles écrits par Unholy (le funéraire « Wretched » ou encore « Petrified Spirits »). Mais c’est lorsque la sourdine est mise la majeure partie du temps que cette sensation de se noyer dans une banquise intérieure est la plus forte (« Wunderwerck » et « Deluge »).
L’album souffre cependant d’une construction éparse, symptomatique d’un retour aux affaires balbutiant dans ses origines bien que contrôlé par la suite. Ainsi, Unholy paraît rechercher son pouls lors d’instants presque trop perchés (le problématique « Unzeitgeist », aussi réussi que frôlant le hors-sujet) ou d’expérimentations qui trouveront leur pleine réalisation plus tard (« For the Unknown One » préfigurant l’ultime
Gracefallen). Ce qui fait, étrangement, de
Rapture le longue-durée le plus difficile d’accès des Finlandais, aussi facile d’écoute de prime abord que perturbant. Le souvenir qu’il laisse est par contre un signe de son excellence, tant il nous suspend, immobiles, au bord d’un autre monde longtemps après sa fin. Un monde mort et pourtant étincelant, qui éclatera de toute sa majesté un an plus tard.
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