Cher Papa Noël,
C'est quoi cette histoire? J'ai pas été suffisamment sage cette année? Je me suis pas brossé les dents suffisamment régulièrement? J'ai trop souvent fait atterrir mon coude entre les omoplates de mes petits camarades lors des pogos? Ou c'est parce que j'ai pas voté Sarkozy? Toujours utile que, début Décembre, dans ma liste, je te demandais – je cite:
«
un album d'"open death", alliant la violence du death à l'inventivité et au groove des barjots Toulousains de Psykup».
Je m'étais préparé psychologiquement, j'étais plein d'a priori positifs, mes petits souliers étaient humides d'excitation au pied du sapin ...
Et de la cheminée est finalement tombé « Succube », second album de Manimal - groupe comportant en son sein le chanteur et le batteur de
Psykup - qui évolue dans un registre effectivement un peu plus énervé que le grand-frère. Contrat presque rempli, hein, Papa Noël? Bah non, je suis déçu, il y a erreur sur la marchandise …
En effet, alors que
Psykup est entraînant, qu'il dose bien les mélanges, qu'il est fun, qu'il sait aussi se montrer puissant, Manimal échoue sur un peu tous les tableaux. Et ça me fait mal de dire ça parce que j'avais vraiment envie d'aimer cet album … Bon, pour commencer, bien que le groupe prétende jouer de l' «open death», point de death à proprement parler ici, ou juste un poil, via certains plans de guitares ci et là. Il faudrait éventuellement plus parler de deathcore, ou même plutôt de math-
Meshuggah -dissonant-core au vu des parties souvent syncopées et surtout des «mélodies» de guitares à la mode poil à gratter. Et concernant cette dernière caractéristique, on est – comme le veut la pratique de ce metal moderne pour maso hermétiques aux douces mélodies qui coulent de source – souvent pris à rebrousse-poil: les grattes couinent, stridentes, abrasives, et caressent les sens comme des ongles crissant puis se retournant sur un tableau noir … Bref, tout ça n'est pas très Rock'n'Roll quoi ! Oh, les gratteux ont fourni un gros travail, c'est sûr (
mention spéciale d'ailleurs à certaines petites trouvailles sympas, comme la guitare stroboscopique débutant « Le monstre est vivant », ou les bruitages zarbi à la Rage Against The Machine vers 1:47, sur « Le Choix des Armes »), mais la démarche interdit tout espoir de pouvoir se laisser submerger par un metal puissant, chaleureux et entraînant. Heureusement, la batterie, et
surtout la basse, apportent leur lot de groove, permettant aux morceaux de respirer … Mais cela ne fait que remettre les morceaux sur la route, là où ça devrait les transcender.
Et le chant death Papa Noël, il est où le chant death ?
OK, c'est pas parce que j'en avais demandé qu'il fallait que je m'attende à ce qu'il y en ait. N'empêche, c'est de l'« open death » oui ou non? Chez Manimal le chant reste très (TRES) made in
Psykup, ce qui gomme énormément les différences entre les groupes, en même temps que cela atténue grandement l'aspect extrême. De plus, là où le mélange des voix est savamment dosé dans l'autre groupe de Ju et Brice, les parties claires sont ici trop souvent émo/pénibles, et la voix « extrême » évolue dans un hardcore trop criard qui tape vite sur le système. Les quelques mini-tentatives d'échappées en voix death sont quant à elle trop fluettes … En plus, plusieurs passages rapés très typés néo – sur « Le Choix des Armes » par exemple, ou encore sur « Straw Dogs » - enfoncent le bouchon encore un peu plus loin (
et vas-y que je te double un suppo en haut de la côte !)
Alors OK, on applaudira le concept cinéphilique adopté par le groupe (artwork, titres des morceaux, …). Mais même dans ce cadre, on trouvera de quoi s'énerver: les interludes, quasi tous identiques, où une Monica Bellucci égarée déclame des laïus plein d'emphase théâtrale sur fond de chant d'opéra mélancolique et de triste orage, sont trop longs, répétitifs, et dilue le propos.
Là je crois que ça commence à se voir Papa Noël que je suis déçu (
t'as beau être vieux, sourd et promis à un Alzheimer prochain, t'es pas si bouché quand même si ?): je chargerais presque un peu trop la barque en fait. Reconnaissons qu'on trouve sur « Succube » quelques morceaux bien sympas: « Le Monstre est Vivant » et sa guitare qui ouvre l'album sur un pattern à la fois véloce et hypnotique. « Tous les Matins du Monde », avec ses mosh parts hyper syncopés, rappelant presque un
Beneath The Massacre light. Et surtout « Straw Dogs », qui marie une mélodie de guitare sombre et entraînante, d'inspiration
Immolation-esque à une basse groovy à souhait. En plus de cela, l'album n'est pas avare en petites trouvailles croustillantes qu'on rencontre au gré des morceaux, notamment lors de délires vocaux sympas.
Mais Papa Noël, l'impression finale reste amère: on sent un potentiel énorme, les éléments sont là, le carton est à portée de main … Mais on reste sur sa faim, frustrés, désanchantés, avec un goût de « j'y étais presque », comme si on découvrait que le canon ramené à la maison après la sortie en boîte ne s'était pas épilé la zone depuis l'invention du Minitel: effet débandade assuré! Arghhh, j'enrage de voir que bien qu'ayant tous les ingrédients en sa possession, Manimal n'a pas réussi à me cuisiner le petit plat qui aurait mis mes tympans en émoi! J'attends néanmoins beaucoup d'un prochain album, et tu me feras le plaisir de le considérer comme faisant par défaut partie de ma liste de cadeaux pour les Noël à venir Père Noël.
Ah, et puis la prochaine fois que tu passes à la maison, prend un équipage plus jeune, ou plus vieux, ou plus masculin, ou mieux protégé - démerde toi - pour tirer ton traîneau: c'est la dernière fois que j'accepte d'essuyer le sang de menstrues de jeunes rennes en fleur sur mon paillasson et mes parterres de bégonias. Ils me les ont tous maculés tes saloperies de caribous volants, on dirait l'after du bal de Carrie! La prochaine fois, réception à la carabine chargée au gros sel !
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