Horseback - Half Blood
Chronique
Horseback Half Blood
On connait tous l’image : celle du cowboy qui, après avoir tâté du six-coups avec des adversaires à mine à peine plus patibulaire que la sienne, se faufile vers l’horizon ardent. On a tous eu cette question en tête : entre la poignée de dollars acquise et les quelques-uns de plus, que se passe-t-il lors de cette molle chevauchée ? De nouveaux culs bottés au débotté ? Ou plutôt la beauté de l’Ouest traversé, avec ce que les hors champs et génériques de fin laissent imaginer de mystique primaire dans laquelle fond l’homme fatigué d’avoir abattu ? Je le vois errer pour l’errance, sans but précis, tout juste celui d’aller vers de nouveaux décors floutés par la chaleur, les couleurs se mélangeant (jaune du désert, rouge du soleil, brun des canyons… on s’y perd) en un conglomérat visuel puis sonore la nuit venue. Je le vois petite menace parmi la grande, silencieux, l’attente de nouvelles chasses inscrites dans le sinoquet et la conviction qu’il suffit de rester là, patienter que la terre apporte son lot de sang à faire jaillir. Calme, mais dorloté par l’envie de tuer.
Je le vois comme j’écoute Horseback. Le one man band a conquis son monde avec The Invisible Mountain, œuvre jouant des mêmes ambiances que les derniers Earth mieux que ces derniers. Une compilation (The Gorgon Tongue: Impale Golden Horn / Forbidden Planet regroupant les deux premiers albums du Ricain) et un split dispensable avec Pyramids plus tard, il s’agissait de vérifier si son dernier essai longue-durée ne relevait que du coup de chance profitant d’un double-effet de mode pour le folklore américain et le black metal dilué ou était l’une des pierres angulaires d’une entité dont on retrouve avec plaisir le caractère atypique entre drone, rock psychédélique et voix carnassière. Et, même si l’atmosphère particulière de son prédécesseur n’y est pas totalement présente, Half Blood convainc dans sa direction plus concrète, « musicale ». Dès « Mithras », Jenks Miller montre un visage plus humain composé de riffs non plus perdus dans des flots de reverb mais situés classiquement en premier plan. Toujours construits sur un mode cyclique, les premiers morceaux préfèrent enchainer des parties mélodiques que s’étioler, l’apport de différents instruments et chants (« Arjuna » et son passage où les grognements sont supplantés par un chant incantatoire) apportant des variations tranquilles à un album s’écoutant d’abord sans y prêter attention – tel beaucoup de son acabit – puis par recherche. Une impression de découverte renouvelée, que ce soit par cette batterie changeante ou cette juxtaposition progressive de sonorités cristallines rajoutant ce qu’il faut d’agréable à ces structures visant l’hypnose.
Davantage fluide (si on m’autorise un mot passe-partout – et pourtant, ce disque coule de source !), pensé et lumineux (bien que toujours vorace, cf. « Hallucigenia I : Hermetic Gifts »), Half Blood semble surpasser The Invisible Moutain sur tous les plans. Son atmosphère positive manque cependant du côté « sans retour » de son ainé marquant mieux la solitude de « Pale Rider » que j’aime retrouver chez la formation. Enfin, le triptyque clôturant l’ensemble et renouant avec le bruitiste fait durer ses montées un peu trop longtemps pour son propre bien, comme si Horseback revenait sur sa décision de composer de façon plus « cadrée » sans pour autant retourner à l’ambiant crépusculaire qu’il sait si bien figurer (« Hallucigenia II : Spiritual Junk » et « Hallucigenia III : The Emerald Table », reposant sur une légèreté ennuyeuse en bout de course).
Un final qui aurait pu être mieux, ce n’est pas assez pour dire qu’Horseback fait les choses à moitié sur Half Blood. Le cerveau en sort évasé et éveillé, un rêve de garçon vacher que Jenks Miller sait transmettre plus fortement que quiconque. Alors, plutôt qu’attendre qu’Earth arrête d’écrire ses Angels Of Darkness, Demons Of Light comme moi mes listes de courses, vous feriez bien de prendre votre dose de far (far) west par ici.
| lkea 16 Juin 2012 - 1811 lectures |
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