65daysofstatic - Wild Light
Chronique
65daysofstatic Wild Light
Oui, j'ai été rabat-joie et ce dès lors qu'était arrivé au début de l'année ce « Wild Light » dans ma boîte aux lettres. Car le dernier efforts des anglais de 65daysofstatic ne m'amenait pas là où je le voulais, c'est-à-dire dans l'héritage direct d'un « One Time For All Time » ou d'un « The Fall Of Math ». Le groupe commençait comme ça, avec cette symphonie électronique abrupte qu'est « Heat Death Infinity Splitter » et alors que je m'attendais à une montée tout en breakcore comme sur certains de leurs anciens opus, je me retrouvais plongé dans cette contemplation quasi-romanesque livré à grand renforts de couches synthétiques empilées. Et l'idiot que j'étais a été déçu comme si j'avais été choqué d'être envoyé si loin de là où je pensais aller. J'avais écouté l'album dans toute sa consistance et avec toute la constance harmonique qu'il propose et je n'en avais pour ainsi dire rien retenu.
Cependant, on ne peut pas juger ainsi 65daysofstatic et ranger au placard un de leurs disques qui sera de toute manière fatalement abouti. Alors que j'avais failli faire la bêtise impardonnable de ne jamais leur redonner une chance, je ré-insérais quand même l'opus dans ma chaîne hi-fi, juste au cas où... Au cas où finalement « Wild Light » demandait une autre approche que celle qui conditionne en général mon attente de ce genre musical. Je fus à n'en point douter le crétin qui n'avait pas compris qu'un groupe dont le fer de lance est le changement régulier qui marque chacun de ses titres pouvait aussi se lancer dans un projet bien plus exigeant. L'album mise effectivement tout sur la lente progression qui rythmera le disque. La formation qui jadis passait du coq à l'âne en un titre se targue désormais d'un cheminement absolument majestueux et Dieu, qu'il est beau. « Wild Light » est un monstre qui anesthésie complètement son auditeur n'hésitant pas à le piéger avec des montées grandioses qu'il brisera sans complexes pas un silence bruitiste (« The Undertow » et son final). La pression que nous nous attendions à voir exploser de la manière la plus post-rock qui soit ne sortira pas, tout du moins pas encore et nous devrons nous contenter de la garder en nous.
Si le genre de base pratiqué par le groupe est apte à provoquer des frissons, on remarquera ici cette prompte densité qui proposera une forte émotion à chaque passage et dans chaque titre. Ces incroyables vibrations, sublimées quelques part entre les cordes et les machines dans ce chaos déstabilisant tout en restant fluide. « Blackspots » par exemple explosant de toute part comme une beauté sans fin, renaissant sur elle-même en chaque instant et pour chaque œil la regardant. On se trouvera bien petit devant tant de grandeur et bien sûr, les sentiments n'en seront que plus intenses. Brutalisé, ballotté sans cesse dans ce grand assemblage que l'on croirait aléatoire tellement les anglais maîtrisent à la perfection leurs créations, leurs univers et leurs mélodies. « Wild Light » est inhumain. Et c'est précisément ce trait de caractère qui permet à l’œuvre de devenir un poncif, parlant systématiquement à chaque sensibilité. Comme s'il fallait se détacher de sa personnalité d'homme à l'extrême pour pouvoir se permettre d'espérer convaincre ses congénères. C'est une sensation bien étrange que nous propose ici 65daysofstatic et pour ma part, j'affirme ne jamais l'avoir ressentie ailleurs. Qu'elle est douce l'amère sensation que procurent ces guitares, lacérant de larsens le début de « Sleepwalk City ». Si des centaines de disques sont des paysages, bien peu donnent l'impression d'être plus que cela. À coup sûr, « Wild Light » est l'un d'eux, de ceux qui proposent d'entendre, de cerner, de comprendre, de sentir les visions. Rien que pour ça, on pourrait aisément décorer le disque d'une Légion d'Honneur pour le bienfait accordé à la musique.
Si le tout s'arrêtait là, nous serions déjà bien à l'aise pour décerner un prix à « Wild Light ». Cependant, passée la claque magistrale qu'il délivre au bout de trois ou quatre écoutes, on pourra aisément apprivoiser plus en détail cet opus voyageur, ambiancé et décidément trimbalé entre magma sonore et symphonie moderne. On s'apercevra alors du caractère ambigu de « Taipei », volontairement reposant sur ses premiers instants mais finalement si joli qu'il en deviendra louche, oppressant et inconfortable. Nonobstant cette sensation désagréable d'agression, il ne se privera pas pour vous coller des frissons exemplaires... On remarquera aussi la synthèse du groupe, effectuée en la personne de cet incroyable « Unmake The Wild Light », richissime morceau à tiroir dégobillant folies sur folies avec ses interminables infra-basses faisant vrombir les tympans à en décoller les oreilles internes. 65daysofstatic colle la pâtée sur ce titre et semble prouver qu'il n'a plus rien à prouver et qu'il peut encore nous hérisser les poils en moins de trois minutes tout en conservant cette farouche attraction pour le désordre habituel. On pourra aussi prêter attention à la façon dont « Artismal » clôt le disque avec l'art et la manière de poser les choses avant de les envoyer dans l'espace une dernière fois et pour toujours.
65dos, comme dise les intimes signe avec « Wild Light » un parfait imaginaire rapiécé à grands coups de ce qui faisait la richesse de « We Were Exploding Anyway » et de sonorités fracassantes rappelant ses plus vieux disques. Peut-être tient-on ici la quintessence des bonhommes de Sheffield, toute construite en masse, en beauté et en progression même s'il reste difficile de dénigrer de telle manière une ancienne production du combo qui, définitivement, ne déçoit jamais.
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