D'ordinaire, lorsqu'on fait ses achats au Virgin ou à la Fnac (figures reconnues du grand banditisme à caractère culturel), c'est comme au fast food du coin : visage impassible de la serveuse, regard vide et parodie de sourire digne du musée Grévin, votre ticket monsieur, en vous remerçiant et avec votre CATTLE DECAPITATION, ce sera ketchup ou mayo ? Soit un grand moment de partage entre deux êtres humains dans le temple de la consommation de mastres, l'une parce qu'elle va devoir subir encore cinquante ruminants venus acheter le dernier COLDPLAY, l'autre parce qu'il aura bataillé deux heures durant avant de dénicher un import de KMFDM à 37 euros et des poussières, boitier brisé en prime. Mais il arrive qu'en de rares occasions, l'humanité reprenne le dessus, comme en ce fameux jour de septembre 2000 ou je tendis « Kings Of Beer », neuvième rondelle des étancheurs de Frankfurt, à une hôtesse de caisse (paraît que c'est comme ça qu'on dit maintenant) qui, à la vue de l'esthète ornant fièrement la pochette, n'a pu s'empêcher de rire aux éclats. Comme quoi, suffit de pas grand chose pour dérider l'humanité : des fûts de bière, un double quintal et du thrash !
Au delà du clin d'oeil évident à MANOWAR, TANKARD ayant toujours eu de forts penchants parodiques, qu'ils soient musicaux ou cinématographiques, « Kings Of Beer » peut être considéré comme un album charnière dans la longue carrière des allemands, dans le sens ou le groupe réaffirme définitivement son appartenance au genre thrash metal. Fini les années d'errance à fricoter avec le heavy ou le punk, TANKARD repart plein gaz avec « Flirtin' With Desaster », éloge frémissante aux dérapages incontrôlés des fonds de culotte et des traces de pneus qui en découlent, avant de singer SODOM sur « Dark Exile », titre particulièrement rapide pour du TANKARD, surtout au regard des pépères
« Disco Destroyer » ou
« The Tankard ». Dans les deux cas, l'orientation vers un thrash plus direct et bucheronesque est sensible, l'apport du petit nouveau Andy Gutjahr (ex LIGHTMARE) se faisant sentir dès les premières notes. Plus carré que son prédécesseur Andy Bulgaropulos (qui signe un titre et un caméo lead sur « Hot Dog Inferno », mid tempo entraînant bien dans la veine
« Disco Destroyer »), le sieur Gutjahr a donc la lourde de tâche de relancer un groupe en sévère perte de vitesse depuis la sortie de
« Two-Faced » en 1993. Pari gagné ? On en est loin. Car si le bougre fait illusion au niveau des riffs, tous plus ou moins efficaces, les solis interchangeables manquent cruellement du feeling rock dont Bulgaropulos avait fait sa marque de fabrique. Or, la définition d'un bon album de TANKARD, ça a toujours été pour moi : des riffs de tueurs, des tempos rapides flirtant avec le déraisonnable, des refrains de poivrots gueulards (de ce point de vue, « Kings Of Beer » tient son rang) et surtout une avalanche de leads hystéro-grooviesques, pour donner dans le barbarisme glaumien. A cette déception initiale, ajoutez un album dont l'intérêt chute lourdement à mi parcours, « Talk Show Prostitute », « Land Of The Free », « Mirror, Mirror » et autres « Tattoo Coward » flirtant dangereusement avec le degré zéro de composition. Que reste-t-il alors ? Outre une production de Harris Johns noyant basse et guitares dans une seule et même couche de gras, on se consolera avec « Incredible Loudness », extrait de la démo « Heavy Metal Vanguard », une aimable pochtronade de punk thrash festif remise au goût du jour, ainsi qu'avec les wo-ho-ho-ho rigolards du title track, réjouissant à défaut d'être transcendant. Trop répétitif et limité musicalement parlant, « Kings Of Beer », s'il n'est pas un bide à proprement parler, reste donc l'album de TANKARD le plus faible à ce jour. Compte tenu du regain d'agressivité de l'ensemble, les amateurs de thrash basique filant droit devant, pas trop regardant sur la qualité de la marchandise, y trouveront sans doute leur compte. Pour les autres, il faudra attendre qu'Andy Gutjahr prenne un peu de bouteille (ce sera chose faite dès l'album suivant) et l'arrivée d'Andy Classen pour que TANKARD retrouve son tranchant des années 80.
2 COMMENTAIRE(S)
23/06/2009 07:57
Et tu peux continuer, les trois suivants sont nettements plus recommandables.
23/06/2009 06:45
Calomnie! C'est dans le néologisme cyrillien que je donne. Voire dans la barbaritude. Mais jamais dans le gargarisme blaumien !!!!!
Ah et sinon, j'ai complètement occulté la sortie de ce Tankard-ci ...