Atrophy n'a jamais eu la renommée des géants Slayer, Metallica, Megadeth et consorts mais comme on le sait, beaucoup de "petits" groupes n'en ont pas moins livré des sorties de qualité dans l'ombre de ces titans. Atrophy, avec ses deux albums
Socialized Hate et
Violent By Nature, est de ceux-là. Il faut dire que faisant partie de la deuxième vague et n'étant pas rattaché aux grandes scènes géographiques (Bay Area, côte Est ou Allemagne) puisque le quintette nous vient de Tucson, Arizona (région pauvre en formations connues si ce n'est Flotsam And Jetsam ou Sacred Reich), Atrophy partait déjà avec quelques handicaps. Des handicaps surmontés par un très bon premier full-length et sa pochette "clown méchant/guerre froide" immonde comme on les aime, sorti en 1988 via Roadracer Records.
Qu'on soit bien clair, Atrophy n'a jamais rien révolutionné mais son thrash se faisait suffisamment intéressant et personnel pour qu'il soit digne de l'effort de mémoire. Et ça commence avec une production adéquate signée Bill Metoyer (Slayer, D.R.I., Dark Angel, Rigor Mortis, Six Feet Under et j'en passe, le tableau de chasse du bonhomme est impressionnant). Musicalement, vu la proximité avec la Californie, on ne sera pas étonné de sentir de fortes influences Bay Area. Attendez-vous donc à des musiciens bien en place et à la technique sûre. C'est carré, c'est rapide le plus souvent et les compositions se retrouvent toujours servies avec deux-trois soli de la paire Rick Skowron/Chris Lykins. Des noms qui ne vous disent probablement rien et pourtant, il font montre d'un sacré talent, que ce soit en lead avec des soli chaotico-mélodiques plein de feeling ("Matter Of Attitude", "Beer Bong", "Socialized Hate", "Product Of The Past"...) ou des motifs mélodiques mémorables (l'intro géniale de "Killing Machine", les arpèges au début de "Socialized Hate"), ou en rythmique puisque
Socialized Hate délivre tout un tas de riffs marquants ultra efficaces ("Chemical Dependency", "Preacher, Preacher", "Socialized Hate", "Rest In Pieces", etc.). Le tout avec une bonne louche de groove fleurant bon la côte Est, soutenue par la basse de James Gulotta qui, si elle se contente la plupart du temps de marcher sur les pas des guitares, reste très audible tout le long de l'opus avec même quelques highlights comme sur ce break bien senti à 2'23 sur "Preacher, Preacher", l'une des pièces majeures du disque. On oublie pas non plus le batteur Tim Kelly qui fait un travail très honnête derrière les fûts en n'hésitant pas à taper fort et juste sans utiliser systématiquement le "chuka-chuka", signature classique du thrash metal. Car si le tempo se fait rapide dans l'ensemble (sans toutefois atteindre des sommets de vitesse), les dix titres de ce
Socialized Hate s'avèrent variés et facilement identifiables.
Identité. Voilà un mot important pour Atrophy. Comment se faire entendre quand on ne fait pas partie des pionniers ou des grosses pointures? Une identité. Pas qu'Atrophy soit spécialement original (ça reste du thrash 80s très classique) mais le groupe possède sa personnalité. Particulièrement grâce au chanteur Brian Zimmerman. Le timbre acéré et agressif, l'esprit rageur et vindicatif, les rythmes/mélodies de voix tantôt véloces tantôt plus groovy, tout ceci est à la fois représentatif de toute une époque et atypique car reconnaissable entre mille. Ajoutez quelques choeurs pour donner du punch et voilà une performance qui vaut pour beaucoup dans la qualité de l'album. Concernant les thèmes abordés, on reste dans le classique puisqu'Atrophy, c'est du bon thrash de gauchos (religion, politique, social…). On notera par contre la décalé et fun "Beer Bong", deux minutes d'un thrash pressé dans un trip alcoolisé à la Tankard.
N'étant pas sans défaut, je ne qualifierais toutefois pas
Socialized Hate de culte/classique. On note surtout une baisse d'inspiration sur la deuxième moitié avec des titres moins prenants que la première partie qui elle vaut vraiment son pesant de cacahuètes. Il y a bien le titre éponyme et son intro d'arpèges suivie d'un riff rapide ultra simple mais efficace comme jamais ou un "Urban Decay" en forme de défouloir final bien bourrin mais un morceau comme "Product Of The Past" traîne la patte et fait un peu tâche face à des perles comme "Matter Of Attitude", "Preacher, Preacher" ou "Killing Machine". Ca reste cependant du haut niveau et dans l'ensemble,
Socialized Hate demeure un très bon album d'un groupe injustement relégué aux oubliettes. Efficace, agressif, groovy, rapide avec tout plein de bons solos et un chant bien identifiable comme on les aime, il me paraît dommage pour un thrasheur digne de ce nom de ne pas entrer sous le chapiteau du clown diabolique qui fait mu-muse avec des missiles. Surtout que l'album s'est vu réédité chez Metal Mind et Displeased Records il y a quelques années et est donc facilement trouvable à un prix raisonnable. Vous pourrez même faire d'une pierre deux coups en chopant l'opus suivant, l'excellent
Violent By Nature qui confirmera le talent d'Atrophy tout en marquant aussi sa fin.
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03/06/2010 20:06
01/06/2010 21:22