Encore sous le charme persistent d'un
« Stone Cold Sober » à l'aura certaine – bien qu'il aura passablement déstabilisé les fans les plus accros aux speederies débridées des débuts -, le jeune Cyril avait des étoiles plein les yeux (
oui c'est ça, comme au pays de Candy) à l'annonce de la sortie de « Two-Faced ». Pensez donc, l'album au crâne binouzophile était le 4e CD jamais entré en sa possession, le fantastique « Of Strange Talking People Under Arabian Skies » lui avait maintes fois servi d'appât pour tenter d'enrôler les plus ouverts d'esprit de la tribu Glaume dans la secte des adorateurs du thrash germain (
échecs cuisants à répétitions …), et « Freibier » lui avait rapporté quelques points en devoir surveillé de LV2, ce grâce à la maîtrise nouvelle du mot « Krawalle » avec lequel il avait fait mot compte triple, dix de der et échec et mat. Bref, c'est la bave aux lèvres et tous capteurs à houblon dehors que le jeune lycéen scrutait les bacs pauvrement achalandés des disquaires chartrains à la recherche de la nouvelle superbe (
si si, j'y tiens) pochette de Krüger, éternelle cerise sur la bouteille de Kriek Tankardienne.
L'objet de toutes les convoitises enfin acquis, la galette fut vite casée dans le petit lecteur CD portable, unique de son espèce dans le foyer familial. Et là, plouf: l'enthousiasme de la première gorgée métallique fit rapidement place à une amertume nouvelle et malvenue … La cuvée 1994 des brasseries francfortoises manquait cruellement de pétillant et de fraîcheur, et un vieux goût de Valstar semblait vouloir venir entacher l'habituelle saveur fruitée de gueuze lambic made in Tankard. Pourquoi donc cette impression de trop peu, de trop plat ? Mes papilles auditives seraient-elles encrassées par un vieux reste de grunge qui dénaturerait la substance de ces 12 nouvelles tournées de houblon électrique, ou bien me faudrait-il effectivement constater que les hymnes véloces d'antan, déjà un poil bémolisées sur le précédent opus, tantôt continuaient de perdre du terrain (
« Up From Zero », « Days of the Gun »), tantôt perdaient en mordant (
« Mainhattan », « Cyberworld », « Betrayed » …)? Allez, pour en avoir le cœur net et lutter contre un début de gueule de bois, une petite écoute de plus derrière la cravate afin d'en apprécier la texture en détail …
L'album démarre donc tranquillement sur un « Death Penalty » ni convainquant, ni décevant, qui exploite tranquillement le fond de commerce Tankardesque sans mettre trop de gouttes à côté, mais sans vraiment nous émoustiller plus que ça, la faute entre autre à un refrain assez fadasse. Suit heureusement un « R.T.V. » plus punky, direct et entraînant. Chouette, remet-nous la même patron! Pouah, mais c'est quoi ce « Betrayed » tout moisi? Argh, et c'est pas le « Nation Over Nation » qui suit, tout aussi peu inspiré et insipide, qui va faire passer la pilule! Et après le tout calme « Days of the Gun », « Cities in Flames » peine à rétablir l'assiette, titubant d'un début super speed et mélodique vers un développement tout pourri (
Ciel ce « Oh my lord … » à 0:49 !) pour se raccrocher à une superbe ligne de gratte à 1:08 - suivie d'un surprenant mais très chouette solo de basse -, puis replonger derechef dans la mélasse de riffs tortueux aussi accrocheurs que de la toile cirée finie à la vaseline. Le title track lui-même est assez peu enthousiasmant, et « Cyberworld » et « Mainhattan » assurent le minimum syndical sans briller ... Tout ça sent le vieux fond de bouteille tiédasse sans rien de sérieux pour provoquer l'ivresse. Merde alors, si il en y a bien dont on s'attendrait à ce qu'ils ne nous laissent pas sur notre soif, c'est pourtant bien les Tankard !
Heureusement, quand on tient l'alcool comme ces teutons fêtards, on ne roule pas aussi facilement sous la table. Et en effet il reste suffisamment de lucidité à la bande à Gerre pour nous servir quelques petites pintes revigorantes. En plus du « R.T.V. » cité plus haut, le groupe réussit à maintenir la bonne humeur avec le up/mid tempo joyeux de « Up From Zero », pas prise de tête et fort d'une bonne petite accélération vers 3:15, ainsi que du solo qui va bien avec. On a le droit à l'habituelle Oktober Fest song avec la reprise old thrash'n'roll du très germain « Ich Brauch Meinen Suff' », puis au happy thrashy « Jimmy B. Bad » qui nous laisse habilement sur un dernier sourire. Mais tout cela reste un poil trop basique, et surtout trop peu. Bien trop souvent, le groupe se cantonne au service (
au comptoir) minimum, avec certes tout plein de ces bonnes petites accélérations et les soli invariablement sous amphet' de la paire Bulgaropulos / Katzmann, mais également avec la perte flagrante d'une conviction qui les avait mis jusque là sur le trône du thrash à boire.
On ne peut décemment évoquer ce « Two-Faced » sans mentionner, émergeant de cet océan de bière tristoune, la power-thrash-ballade « Days of the Gun », aussi surprenante dans ce contexte qu'une fraise Tagada au fond d'un verre de Faro: selon que l'on est arc-bouté sur ses valeurs ou que l'on est ouvert aux nouveautés de plus ou moins bon goût, on appréciera ou pas cet exercice pouvant sembler déplacé, d'autant plus sur un album aussi franchement en demi-teinte. En ce qui me concerne, le morceau passe assez bien, le groupe ayant eu la bonne idée
1) de ne pas nous conter les malheurs amoureux d'un thrasheur abandonné (
… qui a vécu sans se retourner - Sûr que le blues est inventé - Pour lui, cette nuit …) par sa dulcinée
2) de tout miser sur une seule putain de ligne de guitare aussi emprunte d'un feeling mélancolique énorme que d'un souffle et d'un rythme solide qui permettent de tenir le tout de main de maître le long de variations rythmiques bien senties. Dommage quand même que quelques passages moyens (
« So tell me how …») et un final où la batterie merdoie un peu gâchent un tantinet cet essai presque réussi.
Vous l'aurez compris, pour découvrir Tankard sous son meilleur jour, il vaudra mieux aller piocher dans un autre des fûts de la discographie du groupe, ce sacré videur de pintes qu'est Thomas vous ayant déjà pas mal rancardé sur l'affaire. Bref, un album pas complètement moisi, mais franchement en dessous de ce à quoi le groupe nous avait habitué …
7 COMMENTAIRE(S)
27/09/2008 14:06
10/09/2008 11:43
Valstar, le bière des jours fauchés...
Merci !
Valstar, la bière des jours où on mange des crêpes surtout !
10/09/2008 11:40
Valstar, le bière des jours fauchés...
08/09/2008 15:33
Incredible but true !
Peut-être est-ce parce qu'au delà de la musique, il était aussi question de binouze !
Oui sans doute. D'ailleurs tu as bien fait de mentionner la valstar, ça cadre bien avec le niveau de l'album !
08/09/2008 15:21
Incredible but true !
Peut-être est-ce parce qu'au delà de la musique, il était aussi question de binouze !
08/09/2008 15:17
08/09/2008 13:02
(A noter que l'extrait en écoute ne s'attarde pas sur les moments les plus lourdingues du morceau, genre le début par exemple ...)