Messiah - Fracmont
Chronique
Messiah Fracmont
Putain qu'est-ce-que c'est nul ! Oui, je sais, ce n'est pas très Charlie de dire ce genre de chose dans le monde de fragiles dans lequel on vit. Mais la diplomatie, ce n'est pas trop mon truc. Cette sentence implacable, vulgaire et sans nuance, elle m'a sauté aux oreilles dès la première écoute. Et si j'ai mis un peu d'eau dans mon vin depuis, la nature humaine voulant que l'on arrive toujours à trouver du bon même dans le pire, on passe seulement de tout pourri à franchement pas terrible.
Pourtant, à part cette pochette affreuse, je n'avais aucun a priori négatif quant au retour de Messiah, seconds couteaux de qualité de la scène metal extrême suisse. Bien au contraire. J'apprécie grandement le thrash hystérique et chaotique, parfois loufoque, de Hymn to Abramelin (1986) et Extreme Cold Weather (1987). Et Choir of Horrors (1991) est une tuerie de death/thrash incisif. À tel point que je n'avais pas hésité à débourser quarante euros il y a quelques années pour dégoter le first press de Noise Records, la seule édition CD disponible à l'époque ... Six mois avant que l'album soit réédité ! Pour une raison qui m'échappe, je n'ai par contre jamais posé les oreilles sur Rotten Perish (1992) et Underground (1994). Messiah splitta en 1995 pour se reformer en 2017 avec pas mal de compilations et autres rééditions à la clé, ainsi que des dates en festival, notamment le Metal Méan où je les avais trouvés plutôt en forme. Une reformation tout à fait légitime en plus puisque comportant le guitariste de toujours, Remo "Brögi" Broggi, ainsi que le chanteur Andy Kaina, le bassiste Patrick "Frugi" Hersche et le batteur Steve Karrer, tous déjà dans la formation depuis le début des années 1990. Fracmont arrive alors le 11 septembre chez High Roller Records, label qui a très bonne presse par chez moi. La date de sortie aurait dû me mettre la puce à l'oreille ...
Bon alors c'est quoi le souci ? Il serait plus rapide de dire ce qui va bien, en fait. Les solos sont bien foutus, certainement le point fort de l'opus, le batteur fait plaisir malgré une grosse caisse qui encombre un peu trop l'espace sonore et on appréciera aussi le bassiste dont l'instrument ressort bien. L'intro "Sacrosanctus Primitivus" proposant guitares acoustiques à l'ancienne et orchestrations épiques, fait bien monter la pression avant d'entrer dans le vif du sujet. Le morceau-titre "Fracmont", malgré une durée bien trop excessive (pas loin de dix minutes !) poussée entre autres par des samples et chants orchestraux dispensables, a le mérite de nous rappeler au bon souvenir du combo grâce à son riff principal en forme de clin d'œil au passé. Le titre se montre assez efficace, avec notamment une belle accélération à 1'50, et le break en arpèges au milieu fait mouche. "Urbi et Orbi" offre quelques séquences thrash plutôt agréables avec ping-pong de solos et riff rapide bien sombre. "Singularity" en cinquième position propose enfin du death/thrash digne de ce nom sur 2'33 bien envoyées. "Children of Faith" qui suit n'est pas dégueulasse non plus avec ses arpèges en ouverture et son riff heavy metal bien trouvé même si un peu trop saccadé à la double. Enfin, le morceau de clôture "Throne of Diabolic Heretics", si on accepte l'intro et l'outro au chant d'opéra sur de l'orgue d'église, fait plutôt bien le taf entre rythmique thrashie féroce, tremolo cool et riff doomy bien plombé à la Celtic Frost / Triptykon (influence que l'on retrouvera en quelques autres occasions d'ailleurs).
Voyez qu'il y a quand même quelques raisons de sourire. Mais même dans ses moments les plus convaincants, Fracmont ne s'élève jamais très haut. On relève ces passages juste sympathiques parce qu'ils côtoient la médiocrité, voire la gêne. Oui, la gêne, carrément ! Écoutez "Morte al dente" et venez me dire que vous ne vous sentez pas embarrassés pour les vétérans suisses ! La troisième piste est ce que Fracmont propose de pire. Le riff principal, on dirait celui de "Come with Me" de la BO du Godzilla de 1998 (Puff Daddy et Jimmy Page, vous vous rappelez ?!) ! Ça plus l'accélération risible qui suit, enchaînée par des saccades modernes ignobles, sans oublier encore trente secondes introductives de samples orchestraux qu'on aurait pu s'éviter, comprenez que le facepalm est de rigueur. C'est qu'ils en referont deux ou trois autres de ces passages syncopés en plus, sans doute histoire de dire que les anciens savent aussi vivre avec leur temps. Dans l'ensemble, Fracmont s'avère surtout beaucoup trop mollasson pour un album de death/thrash. Ou alors c'est moi qui n'ai pas compris que Messiah ne jouait plus ce style. Quasiment pas de tchouka-tchouka frénétique, beaucoup trop de mid-tempos fainéants. Et des morceaux qui traînent souvent en longueur, rallongés inutilement par des orchestrations ou des plans répétés trop longtemps. On atteint presque cinquante minutes, une durée pas du tout adaptée au style. Surtout quand les musiciens se montrent aussi peu inspirés. Le riffing se révèle en effet d'une pauvreté assez affligeante. Le pire reste cependant le chant de Andy Kaina. Rarement ai-je entendu une prestation aussi peu enthousiasmante. Ultra monotone, blindé d'effets dénaturants, sans énergie, sans hargne, il contribue encore plus que les autres à la mollesse du disque. Une sorte de Tom G. Warrior neurasthénique et sans charisme.
J'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour Messiah qui n'a jamais démérité face aux mastodontes de sa scène nationale Celtic Frost et Coroner. Ses trois premiers albums sont d'ailleurs hautement recommandables et ses premiers enregistrements font partie de l'Histoire du metal suisse. Malgré mon attachement au combo toutefois, difficile de ne pas faire la moue à l'écoute de ce très faiblard Fracmont. En dépit de quelques fulgurances thrash, de solos mélodiques bien fichus, de deux-trois tremolos corrects et d'arpèges poussiéreux fleurant bon le old-school, l'opus fait plus de la peine qu'autre chose. Trop mou, trop long, trop peu inspiré, parfois même risible et affublé de vocaux abominables, Fracmont ne peut que décevoir au regard de ce qu'a su produire le groupe. Pas que je voulais un Choir of Horrors bis car je n'attendais rien de spécial de ce comeback, mais en tomber aussi loin avec cette œuvre qui se veut un pont entre le son à l'ancienne et les productions modernes, c'est quand même fort dommage. C'est même limite pathétique. Messiah réussit ainsi à faire pire que S.D.I., pour rester dans les vétérans germanophones qui auraient mieux fait de limiter leur reformation aux concerts.
| Keyser 7 Décembre 2020 - 1409 lectures |
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4 COMMENTAIRE(S)
citer | MESSIAH et PROTECTOR : même combat ! de grands albums fin 80 / début 90...et un come-back foireux dans les années 2000.
"Fracmont" m'a fait autant d'effet que la vue d'une bockwürst désabusée terminant mollement son existence au fond d'un saladier inox...ploc ! |
citer | Belle chronique et... tellement juste !
Tu as su exprimer et mettre sur papier tout le ressenti que j'ai eu en écoutant ce disque alors que je suis grand fan de la période Choir+Rotten.
J'en attendais qqch, trop ptet.. et je suis tombé de haut...
|
citer | Personnellement, j'aime beaucoup ce groupe Ma préférence va à Psychomorphia et Choir of Horrors qui sont terribles !
Par contre, je suis beaucoup moins les news et j'étais passée à côté de son come-back. Entre la pochette, les deux extraits en écoute bien moyens comme il faut, ça ne laisse pas présager du bon...
Puis, là, l'album en intégralité sur youtube...bon on va quand même tenter.
Oh con ! Tu m'étonnes qu'ils n'aient pas mis les deux premiers titres en écoute ah ah ! Les petits gazouillis d'enfant sont fameux aussi (oh con ! Les riffs....ok, j'arrête là).
Prod moderne, interludes instrumentales en bois (que c'est mauvais sérieux !) et je n'ai pas tout écouté.
J'en ris mais je suis bien dégoutée sérieux.... |
citer | J'ai toujours trouvé le groupe désarticulé et amateur (au mauvais sens du terme) au possible... quelques moments sympathiques ici mais ça reste quand même très faible surtout quand on sait l'âge des mecs... bref à oublier et ça n'était pas la peine de revenir pour enregistrer ça ! |
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4 COMMENTAIRE(S)
08/12/2020 08:16
"Fracmont" m'a fait autant d'effet que la vue d'une bockwürst désabusée terminant mollement son existence au fond d'un saladier inox...ploc !
07/12/2020 23:30
Tu as su exprimer et mettre sur papier tout le ressenti que j'ai eu en écoutant ce disque alors que je suis grand fan de la période Choir+Rotten.
J'en attendais qqch, trop ptet.. et je suis tombé de haut...
07/12/2020 19:37
Par contre, je suis beaucoup moins les news et j'étais passée à côté de son come-back. Entre la pochette, les deux extraits en écoute bien moyens comme il faut, ça ne laisse pas présager du bon...
Puis, là, l'album en intégralité sur youtube...bon on va quand même tenter.
Oh con ! Tu m'étonnes qu'ils n'aient pas mis les deux premiers titres en écoute ah ah ! Les petits gazouillis d'enfant sont fameux aussi (oh con ! Les riffs....ok, j'arrête là).
Prod moderne, interludes instrumentales en bois (que c'est mauvais sérieux !) et je n'ai pas tout écouté.
J'en ris mais je suis bien dégoutée sérieux....
07/12/2020 15:23