Night - Night
Chronique
Night Night
Avant, on m’appelait « Cœur de pierre », mais depuis que j’ai un suppôt de Satan qui me dit « Papa ! », je suis « Cœur de guimauve ». C’est dingue tout de même comme à partir de la paternité on se sent touché par des détails qui nous passaient bien au-dessus du crâne avant. Et encore, il y en a des pires que moi qui ne peuvent même plus entendre les blagues sur les bébés morts.
« Quelle est la différence entre un bébé blanc et un bébé noir ?
Deux minutes dans le micro-ondes. »
« C’est quoi la différence entre une merde et un bébé ?
La merde on fait pas exprès de marcher dessus. »
« Comment faire arrêter un bébé de tourner en rond au sol ?
En lui clouant la deuxième main. »
Cruel... Dans un autre genre, certains se sont offusqués de WOODS OF INFINITY, leur reprochant des penchants pédophiles lorsqu’ils essaient juste de jouer avec les travers de la société, le refus de grandir, la ridicule fuite du monde adulte par des personnages au mal-être profond...
Non, moi ma sensibilité s’est plutôt glissée dans la confrontation avec la douleur réelle des mioches. Je suis toute chose devant un gamin qui découvre que le monde n’est pas aussi fantastique qu’il le pensait. Pas lorsqu’il découvre que le Père-Noël est le même gus que celui qui enfile maman, mais lorsqu’il se retrouve confronté à quelque chose de violent. Un de ces moments qui font mûrir plus vite que prévu. Et en 2015, deux groupes français m’ont bien appuyé là où ça fait mal. Seulement à cause d’un passage chacun, un sample choc, de la « snuff music » comme dirait Neurocatharsis. Le premier de ces groupes est SAPAUDIA. L’album Furvus Spiritus Ancellus contenait « Ett kallt öde, en värme för den döde » sur lequel un enfant terrorisé téléphonait aux secours alors que son frère venait de prendre une balle. « Nooooo ! He’s dead Nnnn Gnnnni gniaaaa aaaaa bouhouuuuuuh »... Le deuxième est le groupe d’aujourd’hui, lui aussi français : NIGHT. Lui c’est dès le début de l’album qu’il nous glisse le frisson. Là, tout de suite, ceux qui avaient appuyé sur play avec un sentiment de joie, de légèreté ou d’allégresse sont plongés dans le noir. Le monde n’est pas drôle ! Une femme questionne posément un enfant, en pleurs. Ses larmes rendent ses paroles de détresse difficilement audibles, mais l’on distingue :
« C’était horrible. Ouiiiin. Ils m’ont violé
- Violé ? C’est quoi « violer » ?
- C’est... snif, toucher, sniff, le zizi, jouer avec, sniiiiif... »
NIGHT. Un groupe français désabusé. Un groupe français comme ils ont tendance à se multiplier récemment. Vous allez y retrouver du PESTE NOIRE, du DYSTER, du ANUS MUNDI aussi. Les morceaux de ce premier album font tous état d’un mal-être total, tirant son inspiration dans le dégoût de notre société, de nos villes, de nos vies, de nos désespoirs. Le clip réalisé pour « Georges de la Tour », que vous retrouverez à droite de cette chro, en est un parfait exemple. L’homme déambule dans la ville, s’y sent différent, isolé, étranger, et finit par s’en éloigner. Lorsque le rythme de la musique se fait plus calme, il est arrivé dans un cadre rural. Il est apaisé, et c’est là qu’un violon vient transcender l’ambiance, comme un vent frais sur le visage...
NIGHT. Un groupe français qui aura été découvert par le label japonais Zero Dimensional Records et sa branche Hidden Marly Production à qui l’on doit déjà les sorties de nos autres compatriotes MIND ASYLUM, MALKHEBRE ou QUINTESSENCE. Il est particulièrement torturé, avec des parties folles sublimées par des riffs dévastateurs que les fans de GLACIATION devraient apprécier, comme sur l’imparable « Blattodea » qui prend un virage démentiel à 3:38. Le riff qui tue ! Mais les autres titres n’en manquent pas, et l’on se fait dégommer à chaque écoute. Le violon y contribue, présent sur presque la totalité des morceaux. Il apporte une nostalgie forte, qui fait l’équilibre avec la détresse globale.
Par contre, pour découvrir l’excellence de l’album, il aura fallu passer l’épreuve du premier titre. « Vos larmes n’y changeront rien » - celui qui commence avec notre enfant violé - est porté par un autre chanteur, Z.E.R.A, qui se rapproche plus du rap que du metal. Un peu comme Famine de PESTE NOIRE l’a tenté. Un peu aussi comme STUPEFLIP. Certains vont très fortement tiquer. Mais cela s’inscrit finalement bien dans l’identité du groupe, ce True French Black Art qui se rebelle vainement contre un monde qu’il ne reconnaît plus, duquel il essaie de s’échapper.
Les influences sont certes trop évidentes, et les mauvaises langues parleront d’opportunisme. La qualité est pourtant suffisante pour l’excuser, pour légitimer l’existence même de NIGHT. Et le violon vient apporter une touche plus personnelle qui le différencie. Le seul reproche évident que je pourrais formuler vient du nom du groupe, trop loin de son identité française, trop loin de ses ambiances, trop loin de ses objectifs...
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