Riti Occulti - Tetragrammaton
Chronique
Riti Occulti Tetragrammaton
Ah, ces Italiens... On a pourtant été prévenu maintes et maintes fois, dès Black Hole ou Paul Chain, et pourtant c'est toujours effaré qu'on lance un disque de ce pays et qui fait honneur à sa nationalité, où l'exubérance, la « frime », deviennent des professions de foi.
Entre ici Riti Occulti, ce groupe que j'ai découvert récemment mais comptant quelques années au compteur. Originaires de Rome, les Italiens m'ont tout de suite marqué par un premier album entre doom, stoner et black metal, où une production crue et des cris de goule habillent des riffs vénérant le sorcier électrique. Un mélange osé, mais réussi, qui m'avait fait me jeter sur leur dernière œuvre en date, Tetragrammaton.
Et malgré les avertissements que j'avais pu recevoir sur ce qu'était capable de créer la bande, rien ne m'avait préparé à... ça. Parler de Tetragrammaton avec justesse ? Impossible, tant il étale sa mixture improbable, faite de basse ronflante, de claviers peignant des pyramides dont on ne sait pas si elles tiennent plus de la new wave que d'un projet ambient et black metal, de voix crochues, éructées, de chant lyrique et féminin convaincu de sa beauté au point de la crier sous les toits... Et peu importe si vous estimez votre estomac rempli à ras-bord de tout cela, Riti Occulti jette ses effets au grand air d'une production limpide, lumineuse à en faire plisser les yeux, nous laissant le cœur au bord des lèvres.
Une outrance à jouer son doom particulier qui me fait voir Tetragrammaton comme un après-midi passé en compagnie des Finlandais de Unholy, ces derniers nous présentant avec fierté leur nouvelle Ferrari sur le chemin d'un home studio où passe le Casanova de Fellini, des fondants au chocolat sur la table. Autant dire qu'on prend son pied, et pas qu'un peu : Riti Occulti tartine ses effets avec une telle générosité qu'on rejoint vite sa danse, époustouflé par une magie – je ne trouve pas d'autres mots pour exprimer à quel point son style insensé sur le papier tourne à l'alchimie – qui transpire de ses compositions, jusqu'à des envolées de Elisabetta Marchetti finissant par transmettre cette ambiance de stupre, d'orgie où l'on ne se refuse rien, que paraissent viser ici les Italiens.
On peut bien parler de « plaisir musical » à l'état brut, à l'image de cette basse ferrugineuse récitant son doom aussi bien que n'importe quelle guitare. Mais Tetragrammaton est plus qu'un disque délicieux dans ses frôlements avec le kitsch le plus premier degré : il est une expérience à part où la satire se mêle au satyre, avec ce que cela sous-tend d'érotisme, de luxure. Riti Occulti transforme notre envie de rire de lui en moment interdit, satanique, aussi enivrant que fatal, comme une blague qui tourne mal.
Le Christ, parait-il, s'est arrêté à Eboli – c'est à se demander s'il a seulement posé les pieds dans ce pays qu'on nomme « la botte », tant Riti Occulti est une diablerie dans ses vices tonitruants, excessifs, terrifiants et rigolards. Si certains passages touchent au ridicule de trop près – chose que faisait trop souvent Secta, preuve qu'il y a bien derrière Tetragrammaton une évolution tapant juste lors de ses quarante-quatre minutes –, on tient là définitivement un album de doom comme on en rencontre peu, à la fois tout à fait à sa place dans les émotions qu'il offre et unique en son genre. Ah, ces Italiens...
| lkea 13 Novembre 2016 - 922 lectures |
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