CHVE - 10910
Chronique
CHVE 10910
Il est toujours difficile d'appréhender une œuvre basée sur des ambiances, tout en subtilité, souvent très personnelle et low tempo. Impossible de prévoir à l'avance si la magie va opérer ou non, le tout reposant sur votre propre ressenti ainsi que votre capacité à vous émouvoir pour l'univers d'une formation ou d'un artiste. Prenez CHVE par exemple, le projet solo de Colin H. Van Eeckhout – membre du collectif Church Of Ra, de groupes tels que Kingdom, Sembler Deah, Harlowe ou encore Caan et surtout fondateur (avec Mathieu J. Vandekerckhove) de Amenra. Son premier long format Rasa paru en 2015 – toujours via Consouling Sounds et Tartarus Records – n'a pas réussi à me transporter plus que ça malgré des qualités évidentes. Peut être ce côté très aride et linéaire, faisant néanmoins son charme, qui a un peu tempéré mon enthousiasme. Peut-être aussi n'étais-je pas prédisposée à écouter ce type de musique à ce moment là ? Toutefois il y avait indéniablement quelque chose de singulier qui ressortait des sonorités délivrées par notre homme. Fait qui m'a poussée, avec l'artwork une nouvelle fois sobre et classieux (design et photographie de Tine Guns), sans forcer, à écouter 10910 lors de la réception du lien promotionnel et de retenter l'expérience.
Car plonger dans l'antre de cette entité relève à suivre des voies hors des sentiers battus et se faire violence afin de parachever un rite initiatique. Cela est d'autant plus vrai ici grâce à l'enregistrement effectué dans les conditions du live et en une prise par Stijn Verdonckt suivi du mixage confié à Aaron Harris (Isis, Palms,...) ainsi que du mastering (Frederik Dejongh), conférant à l'ensemble davantage de relief par une production plus organique mais très soignée. Tous les petits détails qui accrochaient l'oreille sur Rasa semblent ici magnifiés et prennent tout à coup sens. Pourtant le décor reste inchangé tant au niveau esthétique que dans le style musical, CHVE continuant à dépeindre des paysages ternes et hors du temps. Une sorte de bande-son cinématographique qui vous immerge progressivement et invite à l'introspection. Mais ce 10910 revêt une aura nettement plus captivante, tout en gardant cette essence, vous donnant l'impression de prendre part corps et âme à une cérémonie rituelle. Et Colin la mène parfaitement de sa voix claire des plus touchantes (que vous avez déjà peut être pu entendre sur Afterlife ou encore Alive de Amenra) ainsi que par l'utilisation d'instruments traditionnels telle la vielle à roue – qui apportent une certaine richesse et personnalité à cette musique minimaliste. Le titre « Rasa » prend une autre dimension, réarrangé et raccourci, gagnant en impact mais également agrémenté de deux autres morceaux – dont une reprise de Nico (qui m'a comblée étant fan de cette artiste). L'inédit « Charon » clôturant l'album vient d'ailleurs mettre en lumière l'aspect épique déjà présent sur la réalisation précédente mais avec un aspect rustre, tribal, plus prononcé, me renvoyant au film « Valhalla Rising ».
À la fois brutes et d'une grande pureté, ces notes folk vous font traverser les âges afin d'entrevoir des espaces indomptés. Des lignes mélodieuses prenantes qui se mêlent à des notes absconses, offrant une facette plus spectrale. Comme si un voile brumeux venait se déposer sur le décor, faisant de 10910 une œuvre finalement intemporelle et onirique. En effet, CHVE souhaite vous emmener au-delà ses visions premières et former – au fil des écoutes – un passage vers un monde plus sombre et intime. Une noirceur sous-jacente qui vous suit durant ces 26 – trop courtes – minutes, enjolivée par la beauté ainsi que la poésie se dégageant des morceaux. La sensation que Colin se met davantage à nu, vous exposant ses profondes fêlures, est nettement palpable. Et, au-delà de ce chant poignant à faire vibrer votre corde émotionnelle, de ces nappes grisonnantes et grésillantes porteuses de spleen, la sincérité et la spontanéité de la musique, se sont les arrangements et ajouts effectués mais également le choix porté sur la production qui ne font que renforcer ce sentiment. Les sonorités ondoient pleines d'une grâce surnaturelle et captent rapidement votre attention, restant dans une sorte de contemplation tout au long de l'album. Les variations que vous décelez dans chacune des compositions – ne semblant en formée qu'une – accentuent cet état en arrivant à vous marquer de différentes manières par des notes sibyllines et aériennes (« Rasa »), la candeur empreinte de symbolisme de « Le Petit Chevalier » ou encore le côté rituel et atavique du beau « Charon ». L'entité conduit sa barque sur les eaux troubles avec vous comme seul hôte. Un voyage interne intense et transcendant qui malgré les différentes images retranscrites garde en son sein une part de tragédie, se rapprochant en cela de Nico (je vous invite à visionner « La Cicatrice intérieure », dont la reprise est tirée de la B.O. et que vous pouvez, je trouve, connecter avec 10910 – et pour les amateurs/rices d'ovnis).
Partant d'une simple curiosité et ne sachant trop à quoi m'attendre, force est de constater – avec le recul – que cette réalisation m'a totalement séduite. Une petite bulle éthérée où se réfugier entre deux agressions sonores et dont le laps de temps entre les écoutes s'est réduit à peau de chagrin. D'où la belle surprise, l'envie de me pencher de nouveau sur Rasa ainsi que l'acquisition de 10910 en version matérielle, format cassette (vu le travail d'orfèvre délivré par Tartarus Records, collant parfaitement à l'univers et au son de CHVE).
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