Abhorrence - Evoking The Abomination
Chronique
Abhorrence Evoking The Abomination
Outre le Abhorrence finlandais dont on a déjà parlé en ces pages, il existe aussi un Abhorrence brésilien qui, s’il ne possède pas tout à fait la réputation de ses homologues scandinaves, n’a pas non plus à rougir de son parcours relativement exemplaire. Formé en 1997 dans la région de São Paulo, le groupe fondé sur la base d’un trio va enchaîner les démos (trois entre 1997 et 1999) avant de passer aux choses un peu plus sérieuses avec la sortie de ce premier et unique album intitulé Evoking The Abomination. Paru en 2000 sur un obscur label floridien (Evil Vengeance Records) n’ayant malheureusement pas fait long feu (seulement trois sorties à son actif avant de mettre la clef sous la porte), il faudra attendre l’année suivante pour qu’un label aux reins et à la réputation bien plus solides se charge de le promouvoir dignement.
Pourtant, Evoking The Abomination ne manquait déjà pas d’arguments. De l’artwork signé Joe Petagno (Angelcorpse, Diabolic, Motörhead, Vader...) au mastering signé Erik Rutan et Gene Palubicki, ces quelques noms n’étaient pas sans apporter déjà un semblant de crédit à cet album pourtant mené par un trio d’illustres inconnus.
Mais l’essentiel n’a finalement jamais été là puisque si ce premier album possède aujourd’hui une telle côte parmi les amateurs de Death Metal bestial et intense, c’est uniquement grâce à la qualité de ses compositions et au degré de sauvagerie qui y est dispensé tout au long de ces vingt-huit minutes menées bien évidemment le couteau entre les dents. Brésil oblige, Abhorrence puise l’essentiel de son inspiration du côté de ses compatriotes de Krisiun. On ne leur en voudra pas tant les trois premiers albums des frères Kolesne représentent pour beaucoup une forme de quintessence en matière de Death Metal sud-américain. On laissera donc l’originalité au placard pour se concentrer uniquement sur l’efficacité redoutable de ce qui reste encore aujourd’hui l’un des meilleurs albums du genre.
Pourtant, il y aurait bien deux ou trois petites choses à redire au sujet de ce Evoking The Abomination, à commencer par cette batterie dont le son laisse tout de même à désirer en dépit d’une production globale plutôt satisfaisante. Le problème se situe notamment dans ce manque flagrant de puissance et de lisibilité, en grande partie à cause d’une caisse claire très sèche et surtout trop en avant. Un mixage hasardeux qui se fera malheureusement au détriment de la grosse caisse, des tomes et des cymbales que l’on peine à distinguer. Et c’est d’autant plus dommage que ce genre de Death Metal sauvage mené le plus clair du temps à coup de blasts ne pardonne que rarement ce genre d’écart. Fort heureusement, on est encore ici assez loin de la catastrophe même si les plus pointilleux d’entre vous l’auront surement déjà remarqué... On pourrait également reprocher à cet album son aspect peut-être trop répétitif et monolithique mais au-delà du simple fait qu’il s’agisse d’une constante pour ce genre d’album, il faut reconnaître à Evoking The Abomination son esprit de synthèse et, comme beaucoup d’autres dans le genre, sa capacité à aller à l’essentiel.
Et pour le coup, les Brésiliens ne font pas semblant. Torché en moins d’une demi-heure, ce premier album est à l’image de ce que le Death Metal sud-américain a toujours représenté : une musique sauvage et animale servi avec une intensité constante et infernale (quitte pour certain à manquer de personnalité et à sonner parfois de manière un peu bancale). C’est ainsi tête dans le guidon, mené par une esprit conquérant et sans aucune intention de baisser les armes, qu'Abhorrence enchaîne les brûlots à coups de blasts haletants, de riffs tous plus diaboliques les uns que les autres et de soli frénétiques exécutés évidemment à la vitesse de l’éclair. De la première à la dernière seconde, Evoking The Abomination n’est ainsi qu’une démonstration de force virile et musclée qui semble ne jamais prendre fin. Bien sûr, on pense beaucoup à Krisiun tout au long de ce dernier (rien que le chant de Rangel Arroyo dont certaines intonations rappellent également celles d’un Glen Benton possédé) mais à vrai dire cela n’a pas vraiment d’importance étant donné le degré d’efficacité dont fait preuve ici Abhorrence. Pas plus vite qu’à fond, les Brésiliens enchainent effectivement les punitions comme on enfile les M&M’s calé dans son siège de cinéma, incapable de s’arrêter avant de ne plus rien avoir à se mettre sous la dent, nous en faisant au passage voir de toutes les couleurs. Une guerre éclair menée dans un seul but, celui d’annihiler toute forme de résistance face à des auditeurs courbant l’échine en signe de reddition depuis les premières secondes implacables d’un "Abattoir" qui décidément porte très bien son nom.
Malheureusement il n’y aura pas de suite à cet excellent premier album puisqu’après trois splits sur lesquels dont un en compagnie d’Ophiolatry et un autre en compagnie d’Impity (groupe dont fera d’ailleurs parti Rangel Arroyo jusqu’en 2010), les Brésiliens finiront par se séparer dans une certaine indifférence. Triste fin pour un groupe de ce calibre qui laisse tout de même derrière lui un album qui manque effectivement un petit peu de personnalité mais qui a au moins pour lui l’essentiel, un sens de l’efficacité redoutable et absolument impossible à mettre en défaut. Les amateurs de Krisiun, Nephasth et autres Rebaelliun (pour ce qui est du Brésil car on pourrait également citer dans une certaine mesures des groupes comme Angelcorpse) apprécieront à n’en point douter la sauvagerie et l’intensité déployée ici par Abhorrence sur cet excellent Evoking The Abomination.
| AxGxB 12 Mai 2020 - 1180 lectures |
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