Dorminn - Dorminn
Chronique
Dorminn Dorminn (EP)
Dorminn n’est pas des plus connus dans nos contrées, dont il est pourtant originaire. Il faut avouer que son dark ambiant, très sombre et très rituel, n’avait que peu de chance d’appâter, de prime abord, l’amateur de BM velu. Pourtant, sa signature chez Antiq a de suite éveillé ma curiosité, amateur que je suis de choses sombres, à l’odeur médiévale et au parfum mystique.
Dorminn, son premier EP éponyme donc, présente bien des atouts. Le premier d’entre eux est d’être pertinent, très honnêtement prenant, dans une scène où le moindre faux pas peut entraîner à la catastrophe sonore.
I nous plonge immédiatement dans une ambiance médiévale comme je m’y attendais, avec quelques paroles psalmodiées. Comme chez Grylle, les instruments médiévaux sonnent parfaitement et immergent sans même que l’on s’en rende compte. Du tambourin, de la cithare… nombre d’instruments à cordes et à vent participent au positionnement de l’ambiance quasi rituelle qui transpire de ce EP.
C’est là la force de ce mini. Les cordes mêlées aux incantations de la voix sonnent comme un rituel chamanique, comme une messe d’invocation des Forces de la Nuit. Les loops hypnotiques sont certes continues mais très souvent enrichies d’éléments plus « texturés », plus palpables : ici quelques accords de guitare sèche, là un peu de cithare, ici encore quelques frappes de tambourins. Ces éléments apportent des aspérités, du relief et, d’une certaine façon, du volume et de la dynamique à la structure. Ils en brisent la monotonie mais sans dénaturer le fond, en participant à conserver cette ambiance incantatoire intacte.
Or, la force de Dorminn n’est pas seulement de varier la structure de la chanson même qu’il présente mais également de modifier l’élan en cours d’album même. Ainsi, II maintient cette atmosphère rituelle, la renforce même, mais en changeant presque totalement d’instruments, de fond sonore : la voix ressemble à celle d’Atilla dans Sunn O))) (notamment sur le titre Belurol Pusztit), les clochettes et bols tibétains ont remplacé la cithare, l’ambiance est davantage feutrée, cotoneuse ; elle demeure menaçante, la voix traînante laissant planer le danger, comme les cris déchirés qui percent la structure.
Si III est plus nettement minimaliste – basé entièrement sur une boucle répétitive de près de 10 minutes – il s’enrichit néanmoins, parfois, d’un peu de xylophone, de quelques notes de flûtes, d’instruments à cordes dissonants et d’un brin de tambourin là encore, juste suffisants à faire osciller subrepticement la structure. L’esprit reste cependant le même, notamment dans la voix incantatoire qui hurle, en fond, son désespoir.
Alors il est vrai que, a priori, on est assez loin du metal et encore plus du BM dont on aurait pu penser, au départ, qu’il constitua le terreau de ce projet. Pour autant, l’hommage n’est pas très loin puisque la dernière piste consiste en une reprise de Möevöt, formation issue des Légions Noires. De nouveau, la voix occupe une place centrale, comme Atilla dans Sunn o))), où les effets de gorges donnent le sentiment d’avoir à faire à un moine tibétain prononçant une prière.
Ce EP est une véritable surprise qui réussit la gageure d’être immersif et suffisamment varié pour happer l’auditeur dans son univers sans le lasser, sans kitch inutile et en apportant une véritable expérience sonore. A déguster seul, isolé au creux d’une montagne ou dans une clairière abandonnée, près d’un feu de camp mourant.
| Raziel 10 Octobre 2020 - 710 lectures |
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