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Metallian - Passé, présent et futur

Interview

Metallian - Passé, présent et futur Entretien avec Yves Campion (2007)
Le petit monde du metal commençant à avoir de la bouteille (hips !), au-delà des groupes, quelques-uns des acteurs de la scène sont devenus aussi mythiques que certains musiciens. Dans cette logique, depuis quelques temps déjà s'est amorcé un mouvement introspectif de la scène, et on voit de plus en plus fleurir les interviews de label managers, d'illustrateurs, … Metallian étant un acteur majeur de la presse metal francophone depuis plus de 12 ans déjà, il me semblait intéressant d'aller faire un petit bilan de cette aventure avec Yves Campion, Directeur de la Publication – et accessoirement bassiste au sein du groupe Nightmare.

Salut Yves. L'aventure Metallian a maintenant pas mal d'années derrière elle. Des débuts fanzinesques à l'édition spéciale DVD, en passant par la distribution gratuite d'exemplaires en Anglais à la FNAC, puis l'arrivée en kiosque et en Français, beaucoup de choses se sont passées. Quelles sont tes impressions sur ce parcours ? Y a-t-il pour toi des moments forts, des creux de la vague ?

Comme toute revue qui évolue avec son temps, il y a eu effectivement des hauts et des bas dans l'aventure Metallian. On a connu un peu tout. On a démarré doucement, on n'a pas fait de coup de poker - comme beaucoup de magazines qui arrivent et qui se font racheter par des groupes de presse et qui partent tout de suite en kiosque avec des gros tirages. Nous on a un esprit assez underground, on a démarré tout petit, à coup de photocopies, à 500 exemplaires …

Plutôt fanzine au début …

Oui complètement. On était au Canada à l'époque. On était distribué dans les magasins spécialisés. A l'époque il y avait un magasin spécialisé metal qui s'appelait « Rock en Stock » à Montréal, sur 2 étages. Ca cartonnait, c'était un magasin un peu culte. Il distribuait tous les fanzines. On était distribué là, on était distribué à plein d'endroits - entre autre à « Wild Rags Records », fameux magasin et label très connu des gens qui étaient dans l'underground de la Côte Ouest des Etats-Unis à l'époque. On était distribué chez Pit Records aussi, enfin tous les petits disquaires spécialisés metal. Maintenant il n'y en a plus beaucoup qui restent, mais bon voilà, on était distribué là, à un petit tirage. Et puis on a évolué au fur et à mesure, on a un peu gonflé le tirage. On a fait des couvertures couleur – mais c'était toujours de la photocopie. On a gravi les échelons, puis on est passé en imprimerie quand on a vu que ça prenait un peu. Et puis on a eu pendant un moment une distribution gratuite payée par les pubs, mais ça ne suffisait plus donc voilà. Le gros coup ça a été d'être spécialisé en plein dans la vague black metal, à l'époque du « In the Nightside Eclipse » de Emperor, cette époque là, avec les Immortal et consort. On a été les premiers à tenter des couvertures avec ces groupes là, et puis c'était un style qui prenait vraiment. Et puis on a été soutenu par Adipocere qui mettait son catalogue dans le magazine.

C'est vrai que la grosse explosion de Metallian en France a été pas mal liée à ce partenariat avec Adipocere …

Ce n'était pas vraiment un partenariat: c'est juste que Christian (NDLR: Bivel, label manager) a cru en nous, mais c'était deux entités différentes. Il se trouve qu'il avait eu la bonne idée d'encarter son catalogue – à l'époque où il était déjà le plus gros VPCiste français – dans le magazine plutôt que de se faire chier à le distribuer partout. Ca lui a coûté un peu d'argent mais bon, il a eu des retours qui ont été extraordinaires à l'époque, car pour nous c'était une grosse grosse période. Faut pas oublier non plus qu'on a été le premier magazine à mettre un CD, on l'avait fait ensemble, et à l'époque on avait vraiment explosé. C'était vraiment le haut pour nous. En même temps, on n'avait pas non plus 10 salariés, on était une toute petite structure, une PME, et quand on a mis le CD on a eu de très très grosses ventes. Pour te donner un ordre d'idée, on avait moins de 25% de retour, et on avait entre 4000 et 5000 abonnés.
Cette période était la période faste, le top. A l'époque la boîte était vraiment pérenne, on a rentré vraiment beaucoup d'argent, mais après le marché a changé …

le MP3 et Internet ?

Le MP3 et Internet, je pense que ça a fait pas mal de mal. On a évolué sur le temps, et là en ce moment, c'est vrai que c'est plus dur pour tout le monde, c'est dur pour les labels, et quand c'est dur pour les labels c'est forcément dur pour la presse papier. Après je pense que la solidité qu'on a eue à l'époque nous a permis d'être toujours là aujourd'hui. Maintenant on essaye de gérer comme il faut les choses pour être encore là j'espère un petit moment.



Le "déclin" s'est amorcé comment ? Vous l'avez vu venir progressivement ? Ca a du commencer franchement il y a 5-6 ans, quand Internet a commencé à se démocratiser, et que le téléchargement a suivi, non ?

Le téléchargement, ça fait un moment que ça existe déjà, mais je crois que ça s'est amplifié et que maintenant c'est au sommet. Après, maintenant je pense que ça a été un peu tout et n'importe quoi: et puis ça a fait que les nouvelles générations se sont identifiées à ça, et puis que cette nouvelle génération n'est pas une génération très papier. Heureusement, on a gardé des fidèles de chez fidèles, sinon on ne serait plus là. Mais je pense que le renouvellement du lectorat est un peu difficile. Maintenant on essaye d'évoluer avec notre temps: on a un site qui est entre autre une vitrine, m'enfin le problème d'Internet c'est que c'est le tout gratuit, et que ça, ça a ses limites. Mais bon, apparemment, il paraît qu'il y aurait une révolution en train de couver aux Etats-Unis: les providers se sont mis d'accord là-bas pour bloquer le téléchargement. On va voir ce que ça va donner, je ne sais pas si ça va être applicable, mais d'après les dernières nouvelles qu'on a eues, les Free et compagnie se sont mis d'accord pour chopper les gens après leur 2e ou 3e téléchargement, de leur envoyer un mail pour les avertir qu'ils vont être bloqués. Ca serait l'industrie du cinéma qui aurait lancé ça. Je ne sais pas si ça va se faire mais il semblerait que ça puisse être applicable assez rapidement. Ca pourrait changer pas mal la donne, vu que le téléchargement serait très fortement contrôlé par les providers eux-mêmes, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Depuis que ça a été annoncé dans les médias aux Etats-Unis, le volume des téléchargements a baissé de 60%. Si ça se généralise à l'Europe, ça peut être une bonne chose pour le marché du disque et en général. A suivre …

Revenons maintenant sur le passage de Metallian en kiosque: tu nous as dit que les pubs ne suffisaient plus à financer le mag, OK … Mais est-ce que ça a été l'unique déclencheur ? Y a-t-il eu une opportunité spéciale?

A l'époque, c'est le fait d'avoir augmenté le tirage – car la demande était forte – qui a fait que le financement par les pubs avait atteint ses limites. On a donc décidé de partir en kiosque, mais avec un tirage correct. On n'y a toujours été progressivement …

Mais j'imagine que ça a du être un gros changement, d'autant plus que vous ne pouviez pas continuer « en amateurs » … ?

En effet, en kiosque, on ne peut plus être en associatif. On a été obligé de monter une SARL de presse, et à partir de là tu commences à prendre des salariés, tu passes en professionnel complètement et tu ne peux plus te permettre certaines choses. En étant en associatif dans la presse c'est pas comme en pro, tu as des restrictions, t'as la TVA à 19,6%, t'as pas la commission paritaire…

Mais vous avez fait ça à la force du poignet, sans être poussés par des propositions particulières, des opportunités ?

On a monté la SARL de presse, on a toujours été indépendant, on n'a jamais eu de groupe de presse ou d'éditeur qui s'est proposé. Et après, quand le magazine a vraiment été fructueux, y a pas mal de chacals qui se sont pointés (rires), y en a qui ont essayé de me proposer des alliances plus ou moins foireuses pour essayer de récupérer ce qu'on avait fait de nos propres mains. On a eu pas mal d'amis à cette époque là (rires). En général, quand ça tourne bien, t'as pas mal d'amis, et quand ça va un peu moins bien, ils te tournent le dos. Mais on est toujours resté indépendant, avec une équipe toujours plus ou moins fidèle – bon, il y a des journalistes qui ont bougé – mais il y a toujours des journalistes qui sont là depuis le début. Le service abonnement aussi …

Puisqu'on est sur ce sujet: avec les départs de Larry Lava, puis plus tard Fred Pichot, et l'ouverture vers le heavy, le prog, le gothique, j'ai l'impression que le mag' est devenu un peu moins spécialiste en death metal – genre cher à mon cœur. En musique extrême, il ne reste vraiment que le black, « porté » par Laurent Micheland, qui continue à être l'un des genres extrêmes dans lequel le mag soit clairement spécialiste …

Laurent Micheland étant rédacteur en chef et chef de pub, ça l'aide à marquer de sa patte le style du mag !! On a gardé le côté extrême: c'était le plus important. Mais c'est l'actualité qui joue. Lui il pousse le black metal puisque c'est son dada. Maintenant je pense qu'on essaie d'avoir un panel assez large dans la musique extrême. On est capable de faite une interview d'un groupe obscure de black metal au fin fond de la Hongrie, et puis de faire Axxis par exemple - groupe de heavy allemand vachement mélodique, limite A.O.R. -, donc je pense qu'on a un panel assez large. On a quand même un côté large d'esprit, mais le plus gros pourcentage du mag reste assez extrême.

J'imagine que ça reste assez informel: pas de directive officielle quant à la ligne éditoriale ?

Le principal c'est le respect du lectorat: on a un public relativement extrême, et il ne s'agit pas tout d'un coup de changer de ligne éditoriale parce qu'on en aurait envie. Je crois qu'il faut respecter le goût des fidèles qui nous suivent depuis longtemps. Je pense que s'ils ne s'y retrouvaient pas, ils nous auraient lâchés.

C'est sûr: votre force, ou en tout cas votre pérennité, c'est beaucoup dû à votre créneau

Le créneau, et puis une certaine adaptation progressive et douce au long des années. On aurait pu faire des coups de poker. Mais non, on s'identifie plutôt à des magazines comme Terrorizer en Angleterre ou Close Up en Suède - même si eux sont plus généralistes - ou Legacy en Allemagne. On a quand même un côté underground tout en étant sur un gros marché, en kiosque, au même titre que les autres magazines concurrents qui sont plus généralistes, qui peuvent te faire un AC DC en couv'. Nous, je crois que le jour où on fera Marylin Manson en couv', on sera traité de vendus (rires), ça ne marchera pas. Mais bon, on n'est pas du genre à faire des coups de poker, ou commerciaux. On pourrait très bien essayer de tirer large, vu qu'on fait un peu de prog' de temps en temps, on pourrait très bien mettre Dream Theatre en couv', mais je crois que là on se ferait traiter de vendus par les extrémistes, et puis on ne va pas non plus s'amuser à tirer dans le Korn ou le System of a Down. On a une ligne éditoriale qu'on respecte, comme le lectorat, et puis quelque part c'est lui qui commande hein: c'est lui qui achète.

Petit retour sur l'apparition du CD sampler: vous avez été les premiers à l'inclure avec le mag. Ca a attiré beaucoup de monde au début. Qu'est-ce qui vous a permis de faire ça avant tout le monde ? Le travail avec Adipocere ?

C'est la collaboration avec Adipocere en effet. D'ailleurs c'était une idée à lui (NDLR: Christian Bivel, label manager). Les premiers samplers étaient d'ailleurs co-financés. On a aussi fait des samplers 100% Adipocere. Au début c'était beaucoup des groupes de chez lui, ou des groupes qu'il distribuait. En plus du catalogue, on s'était dit que ça serait intéressant d'avoir le son. En tant que VPCiste, son but était quand même de vendre du disque, donc il essayait d'en mettre un maximum sur les compilations pour que les gens soient attirés par les groupes. C'était tout le temps des nouveautés, puis des groupes pas forcément très connus. Avec 35000 exemplaires en kiosque, pour un groupe pas très connu, c'était une aubaine.

Pour des groupes comme Samael, Diabolical Masquerade, Therion, en France, ça a du beaucoup les aider à se faire connaître.

Bah ouais, on a fait aussi découvrir des groupes comme Golden Dawn - qui est un groupe autrichien, inconnu au bataillon – qu'on a mis en album du mois et ajouté sur le sampler, et apparemment ça les avait propulsés haut, et après ils ont fini par signer chez Napalm. On a fait les samplers Rising Force aussi, qui étaient des concours: on a fait signer des groupes dans ce cadre. Y a des groupes qui ont pu avoir des contrats avec ça. Là c'était un coup de poker parce que le coût était nettement supérieur à un magazine standard, donc on l'a tenté puis ça a super bien marché. Et après tout le monde a suivi …

D'ailleurs vous devez être un peu fiers de ça …

Ils ont été obligés de suivre. Si ça n'avait pas marché, ils nous auraient tous ri au nez, mais là tout le monde a suivi, ça prouve bien que l'idée n'était pas idiote.

Evoquons maintenant l'expérience DVD …

Bon, encore une fois, quand tu es dans le commerce, si tu ne tentes pas des choses, tu stagnes. En restant dans ta routine, à la longue, ça risque de te revenir dans la tronche. Maintenant que le CD sampler est rentré dans les mœurs, ce n'est plus lui qui nous assure de vendre plus. On a donc tenté deux fois le DVD, une fois via un numéro spécial, puis dernièrement, avec le dernier Metallian. C'est un coût relativement important car la production pour un DVD n'est pas du tout la même que pour un CD. C'est d'ailleurs surtout la pré-production: pour tourner les reportages et tout ça, si tu y mets vraiment les moyens, bah, tu t'en sors pas, tu peux pas, c'est carrément pas viable. Il y a la SACEM qui coûte très très cher. Maintenant c'est vrai qu'on a essayé de faire quelque chose de qualité avec des moyens restreints: on n'a pas utilisé de boîte de production pour aller réaliser des reportages, sinon ça n'aurait pas été viable.

Pour le DVD sur le Hellfest, vous avez fait alliance avec MTV je crois …

MTV Pulse.

C'est eux qui vous ont apporté les moyens ? Quel était le cadre de cette collaboration ?

On a fait un contrat de partenariat. C'est eux qui ont tourné, c'est eux qui avaient les moyens. Si tu essaies d'avoir ta propre production en interne pour créer ton propre DVD, alors là …C'est ingérable, ou alors il faut vraiment vendre 50000 exemplaires pour amortir.

L'édition spéciale DVD, pour vous, ça a été un succès, une réussite en demi-teinte, un échec - en terme de vente et de retours ?

Ca a été une bonne expérience. Ca n'a pas été très rentable, c'est sûr. On a essayé de faire de la qualité avec des moyens de production – il faut bien l'avouer – restreints. Bon, même si on a des gens de qualité qui ont travaillé dessus, au niveau du tournage, de la mise en place , … des gens confirmés qui connaissaient le boulot, quand on a été tourner pour In Flames et Children of Bodom à Bercy par exemple, c'est sûr qui si on était allé là-bas avec 10 caméras, une table de mixage de 24 pistes … le résultat n'aurait pas été le même, mais le coût … On aurait plongé complètement !



Et est-ce que vous allez remettre le couvert ?

On est en train d'en parler, de voir. C'est pas quelque chose qui est super rentable. Il faut bien voir que le hors série qu'on avait fait sur Nightwish un an avant avait été dix fois plus rentable tu vois, tout en étant un numéro plus standard ! Vu les coûts de production, les ventes ont été correctes, mais pas suffisantes pour vraiment en faire quelque chose de très rentable.

Autre sujet: lors de votre sortie en kiosque, tout au début, vous réalisiez en parallèle de l'édition française une édition anglaise. Est-ce que vous continuez ?

Non non, on ne sort plus qu'en français.

On serait tenté de croire que le public anglophone est un marché plus important à l'internationale … Alors pourquoi avoir stoppé ? Quelque chose n'a pas marché ? Un problème de distribution peut-être ? Trop de boulot pour trop peu de résultats ?

C'est simplement que, quand on est passé en kiosque, on est devenu une très grosse structure - SARL de presse, grosse gestion, pas mal de boulot déjà. C'est sûr qu'on n'est pas passé très très loin de réaliser ce but qu'était le maintien d'une édition anglaise. Mais bon, après, gérer sa sortie en kiosque à l'internationale, c'était une autre paire de manche. Ca aurait été intéressant c'est sûr. En vendant la licence à un autre éditeur ça aurait été réalisable, mais c'était pas trop notre but … Par contre c'est sûr que dans ces conditions ça aurait été l'idéal financièrement, ouais. Dans les négociations qu'on a eues avec des gens qui étaient intéressés pour le faire, on n'a pas pu trouver de terrain d'entente qui aurait fait que ça aurait pu se faire. Le but c'était d'arriver à sortir le Metallian Anglais en kiosque aux Etats-Unis, en Angleterre et dans les pays anglophones. Là on aurait eu une puissance de feu extraordinaire. On n'en est pas passé loin, la preuve: on a été en contact avec Sterling Magazines, le groupe de presse qui gère Metal Edge et Metal Maniacs aux Etats-Unis et ils étaient vraiment intéressés pour le sortir. On a aussi eu un bureau au Canada. Vraiment, on n'était pas loin de sortir Metallian en kiosque aux US. Mais on aurait supporté tous les risques financiers, ça aurait été très difficile: c'était quand même 150000 exemplaires en kiosque, aux US, avec le coût que ça implique, je te laisse imaginer le calcul … ! Peut-être que si ça s'était fait, on serait milliardaire aujourd'hui, j'en sais rien ! (rires) En tout cas c'était trop gros, on a préféré ne pas céder à la folie des grandeurs, garder les pieds sur terre et bien maîtriser le sujet ici, en France. Et puis finalement on est quand même bien distribué: dans plein de pays francophones bien sûr, mais aussi au Portugal et en Grèce. Notre couverture est quand même relativement large.

On a parlé de votre collaboration avec Adipocere. A côté de ça, tu fais parti de Nightmare: comment réussissez-vous à gérer les éventuels conflits d'intérêts, les risques de « notation copinage » ? Bref, comment arrivez-vous à préserver une certaine neutralité éditoriale vis-à-vis de ça ?

On essaye de garder une objectivité éditoriale. Déjà ce serait insultant pour un journaliste de se voir dire: «Pour ce disque, tu vas être obligé de mettre 6 bombes, sinon tu va te faire allumer parce que ce client paie des pubs». On a toujours essayé de garder une marge par rapport à ça. Après, faut pas se voiler la face: aujourd'hui, on est dans un marché ultra difficile financièrement, les labels ont besoin d'un réel support des médias – partout d'ailleurs, pas que dans le metal -, et tout est malheureusement orchestré par l'argent. Je suis pas en train de te dire que nous, on est acheté, loin de là; on a quand même beaucoup gardé ce côté underground, qui fait que bon, vu le nombre de chroniques que l'on fait (sur un trimestre, plus d'une centaine, ce qui pour un magazine est énorme ), on ne surnote quand même pas tout. Mais aujourd'hui – je ne devrais peut-être pas dire ça mais … - , aucun magazine qui travaille avec un client et qui fait un gros chiffre d'affaire à l'année avec lui ne peut dire : « Ah bah non, moi je reste totalement transparent ». Aujourd'hui, malheureusement, ce sont beaucoup les labels qui dictent la conduite. Après, on n'en est pas à mettre 6 bombes à un truc complètement pourri: si l'artiste ne mérite pas d'avoir une bonne note, le public n'est pas dupe non plus.

Ce serait une perte de crédibilité de toutes façons …

Totalement. Par contre faut pas se voiler la face: les magazines ont besoin de vendre de l'espace publicitaire payant, et un label à moyen de dire : «Si tu me défonces tous mes CDs, t'as plus de pubs dans le numéro d'après » … là, il n'y a pas un magazine qui peut se permettre de dire au label d'aller se faire foutre. Vu la guerre que c'est pour avoir les espaces de pubs, les labels en profitent. Pour n'importe quel magazine, un gros client de perdu, c'est pas viable. C'est pour ça aussi que nous, on est parti dans une optique où le Rédacteur en Chef est aussi le Chef de Pub: l'indépendance des deux postes n'est aujourd'hui plus possible. Un chef de pub ne peut pas se permettre de dire à un label: « Je ne peux pas te chroniquer ça. Je ne peux pas te prendre ça en interview. C'est pas moi qui m'occupe du rédactionnel. »

C'est un peu ce qui fait que les webzines, gratuits et indépendant des labels, donc plus libres, attaquent les « parts de marché » des magazines, ceux-ci ne pouvant se permettre de rester indépendants.

Avec la gratuité, tu as l'indépendance totale, c'est sûr. M'enfin bon, quand tu regardes les chroniques qu'on fait, tu vois qu'on est loin de mettre 6 bombes à tous les groupes; c'est pas possible de toutes façons, ça serait pas crédible, les lecteurs nous balanceraient le magazine à la gueule !

Autre sujet pas si éloigné que ça: à un moment, énormément d'albums récoltaient les fameuses 6 bombes dans Metallian - indépendamment des questions précédemment évoquées. A présent, c'est beaucoup moins le cas: dans le dernier numéro, je crois même qu'il n'y en a pas eu du tout. Que s'est-il passé ? Une directive interne ? De l'autorégulation chez les chroniqueurs ?

Là-dessus je vais te répondre cash: je pense qu'il y a une baisse de qualité dans les sorties, et là il n'y a pas de question commerciale autour de ça, juste une baisse de qualité. A l'époque où on mettait plus souvent les 6 bombes, il y a avait encore des albums qui les méritaient. Là, aujourd'hui, c'est devenu beaucoup rébarbatif. Quand on regarde les styles de maintenant, comme le death mélodique scandinave, on voit qu'il y a eu des In Flames, avec leur « Clayman », des albums top, des références. Et puis après, il y a eu de pâles copies – pour In Flames, il y en a eu 15000 ! -, beaucoup de rabâchage, il n'y a pas eu de création, il n'y a pas eu de nouveaux groupes explosifs qui seraient arrivés avec un nouveau style. Il y a eu beaucoup trop de clones. Je pense que la qualité de certains groupes qu'on trouvait dans les années 80s par exemple, on ne la retrouve pas trop aujourd'hui.

Disons qu'aujourd'hui, ça demande peut-être beaucoup plus de se défoncer vraiment pour trouver des nouveautés qui valent le coup … C'est sûr qu'à la lecture des gros mags, on trouve sans doute moins souvent de nouveaux groupes sur lesquels craquer complètement.

Exactement. Je pense que c'est pareil pour les journalistes. Ils craquent moins souvent, et c'est pour ça qu'il y a moins de 6 bombes. Je crois que la réponse est là.

Evoquons un peu ton activité au sein de Nightmare: comment arrives-tu à gérer de front les emplois du temps de Metallian et du groupe ? A ce propos, la périodicité (trimestrielle) de Metallian viendrait-elle d'un besoin de pouvoir gérer (pour toi et d'autres collaborateurs du mag) des activités annexes en parallèle ?

En tant que Directeur de la Publication, je supervise les choses, c'est sûr, mais bon, j'ai une équipe qui est en place, qui fait tourner la production, donc ça va. Je veux dire, demain je peux ma barrer 6 mois en tournée – ce qui n'est pas le cas parce que de toutes façons, Nightmare ne part pas 6 mois en tournée – mais je n'aurais pas de problème pour que Metallian sorte. Il y a le Rédacteur en Chef qui est là, il y a des gens qui travaillent en prod'…

… C'est gérable de façon assez souple quoi !

C'est gérable. Je peux même me permettre de faire de la presta' … Et après, en prod' – quand je dis prod', je parle de la mise en page, tout ça … - on travaille avec des free lances, donc c'est pas un problème. Après, à partir du moment où on maîtrise complètement la production d'un magazine – ce que le Rédacteur en Chef peut parfaitement faire – moi je suis pas bloqué. M'enfin je suis pas là pour m'amuser non plus hein ! (rire)

Pour tout ce qui est bouclage, ou autre période clef de la vie du mag, tu peux tout déléguer ?

Aujourd'hui on est dans un monde où la communication, c'est pas ce qui pêche. A partir du moment où tu peux te balader avec ton ordi', hop, même en tournée, tu choppes une connection WIFI. T'as des journées où t'es dans le bus, t'as rien à faire de la matinée, et voilà, tu peux consulter tes mails, tu peux travailler à distance. Tout se fait par mail maintenant: les fax c'est terminé. Pour le téléphone, t'as ton portable. Voilà, ‘faut être bien organisé c'est tout !

Finalement, le Web ça a du bon pour la presse metal aussi en fait !! ;)

Oui, ça a du bon … Enfin c'est la communication en général qui a du bon.



Autre question: ton groupe, Nightmare, donne plutôt dans le heavy metal. Metallian, ton mag, est franchement porté sur le metal extrême … alors, schizophrène ou large d'esprit ?

J'adore le metal extrême, même s'il y a des trucs que j'aime et d'autres que j'aime pas. Je suis assez large d'esprit là-dessus. Y a un groupe que je kiffe complet, qu'est pas connu, qui mélange le metal extrême avec le heavy lyrique, avec un chant à la Rob Halford: c'est Biomechanical. J'adore Kraggens aussi, groupe qui est parti en tournée avec nous d'ailleurs. C'est un autre de ces groupes qui mélangent metal extrême et heavy lyrique. J'adore aussi Children of Bodom.

J'imagine que tu devrais apprécier Raintime ou Into Eternity alors … Tu connais ?

Raintime, ouais, super groupe italien ! J'adore. J'aime aussi beaucoup le premier album de Sybreed …

On est un peu plus dans le cyber / indus là …

Ils ont un petit côté Samael ouais. Voilà j'écoute un peu de tout. Après c'est le marché qui fait Metallian aussi.

Mais d'ailleurs, si je me souviens bien, tout au début, à l'époque fanzine, Metallian était plus ancré dans le heavy / thrash. Je me rappelle de la fameuse couverture avec Savatage …

Au tout début peut-être, plus large ouais. Mais on a très vite tourné plus extrême, vers le black, le thrash, le death.

Même le premier numéro qui est sorti en kiosque, avec sa couv' noire, comportait une photo d'un groupe heavy … Je sais plus, Blind Guardian ou Savatage …

Running Wild plutôt. C'est vrai qu'à la base on était plus heavy metal. Faut dire aussi que c'est le style qui marchait bien à l'époque.

Enfin, vous n'avez jamais tapé dans le grunge, même si c'est un style qui lui aussi a bien marché à une époque … ;)

Ni dans le grunge, ni dans le néo: on n'a jamais voulu suivre les modes aveuglément, tout ça parce que tout d'un coup un groupe cartonnait. Sinon à ce moment là, on aurait fait Tokyo Hotel en couv' tu vois !

D'ailleurs, de mémoire, vous n'avez pas tellement couvert les mouvements metalcore, mathcore, NWOAHM et compagnie. Les groupes comme Trivium et consort, ça reste à la marge dans Metallian.

Ouais, on n'aime pas trop tromper le lectorat. A partir du moment où t'as un lectorat fidèle, si tout d'un coup tu le trompes sur la marchandise, il va te le mettre dans la gueule. Là-dessus on a essayé de garder une ligne de conduite claire.

Est-ce qu'en tant qu'amateur de metal tu parcours la toile et les webzines à la recherche de nouveautés ?

Pour les news surtout, oui, je vais lire VS (www.vs-webzine.com). Mais tu sais, moi je suis pas … C'est pas vraiment une question de génération: lire une interview ou une chronique sur un ordinateur, c'est quand même pas la même chose, c'est un effort … c'est chiant quoi ! Et le plaisir d'avoir un mag quand t'es aux chiottes ? (rire) Ou quand t'es dans le train ? Ou quand t'es aux chiottes dans le train d'ailleurs (rires) ? ! Parce que pour lire une interview dans un webzine quand t'es aux chiottes dans le train …

… il faut un bon portable amphibie ! :)

Voilà, et c'est pas super pratique !

Avec le net, on n'a plus vraiment le côté esthétique de l'objet propre au magazine. Mais l'avantage, c'est sûr, c'est de pouvoir aller lire des chroniques sur un album sorti uniquement aux States, ou dans un pays éloigné, et après, grâce aux VPCs et à Internet, de pouvoir le commander on line.

L'avantage, c'est aussi l'information en continu, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a supprimé les parties news dans les mags papier. Dans les années 80s, il y avait des gens qui achetaient les magazines pour avoir les news. Ils y trouvaient des informations fraîches ! Ils apprenaient alors que … le bassiste de Metallica était allé aux chiottes, et certains les achetaient donc avant tout pour ça. Il y avait 10 pages de news à l'époque d'Enfer Magazine, des news illustrées, les annonces de sorties d'albums ... Maintenant, ces infos là, tu les as à la minute prêt sur les sites des groupes. La presse papier, là-dessus, elle est obsolète. Je me demande bien pourquoi certains magazines continuent à mettre des news, parce que maintenant, tout le monde a Internet !? Donc nous, on a fait un partenariat avec VS pour ça: en double clickant depuis notre site, on passe sur VS. On ne peut pas lutter là-dessus. Si on fait 5 pages de news dans Metallian, le temps qu'on le sorte, c'est mort.

Question traditionelle: y a-t-il des groupes dont tu es fan, des découvertes récentes, des coups de cœur ?

« Cannibalized » de Biomechanical, donc, que je kiffe vraiment. Super groupe. Encore plus fou et plus symphonique que leur précédent. J'ai toujours adoré les personnes qui ont vraiment quelques chose à dire via les textes, et puis qui arrivent à véhiculer des ambiances. J'adore Nevermore aussi. Mais ils sont quand même moins barrés que Biomechanical: eux ils partent dans tous les sens. Ca a un côté Strapping Young Lad, avec du prog', du Judas Priest: un peu tous les styles en même temps. Après, c'est assez élitiste, tu ne retiens pas non plus les morceaux. Si tu cherches un groupe avec des super refrains, de super mélodies, il vaut mieux que tu écoutes Edguy. Ca n'a rien à voir. Moi j'adore ce groupe par rapport à la démarche qu'ils ont, pas par rapport aux mélodies – bien que sur certains passages il y ait de superbes mélodies – tu ne retiens pas forcément les morceaux quoi.

Tu dois aussi adhérer à des groupes bien barré comme Unexpect, … ?

Les groupes canadiens, ouais, tout à fait. De toutes façons les canadiens, les américains, ils sont spécialistes dans ce genre de trucs (rires).

Nous on avait quand même Carnival in Coal dans un genre pas si éloigné …

Moi, j'aime moins, parce que c'est un petit peu plus … euh … ‘fin il n'y a pas ce côté lyrique du chant de Biomechanical, à la Halford, tu vois.

Si tu aimes l'aspect lyrique, dans le genre, tu aimeras peut-être Diablo Swing Orchestra qui vient de sortir chez Candlelight. Au lieu que ce soit du Nevermore en plus fou, là – c'est très réducteur de dire ça mais … - c'est plutôt du Nightwish en complètement barré. Je te le conseille

D'accord. C'est une nouveauté ?

Ca a juste quelques tous petits mois ! Un mot de la fin peut-être ?

Eh bien, merci pour cette analyse et a+.

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