THE NEGATION pour l'EP "The Sixth Extinction"
Interview
THE NEGATION pour l'EP "The Sixth Extinction" Entretien avec Agarash (Basse) (2019)
Salut et merci de prendre le temps pour répondre à ces quelques questions, tout d’abord on va revenir un peu sur l’EP « The Sixth Extinction » sorti cet été et qui a eu d’excellents retours, avec le recul en es-tu toujours satisfait ? Son contenu passe t’il bien l’épreuve de la scène ?
Personnellement je suis très satisfait et très fier du travail accompli sur tout cet EP et j’en profite pour remercier une nouvelle fois : Gelgjer, Nothos, Arnhwald, Lohengrin, Carola, Johann, Frédéric, UbboSathla ainsi que Louis-Nicolas et Sylvain pour le clip de « France Eternelle »
Les retours sont en effet excellents et cela procure vraiment un grand plaisir de voir que beaucoup d’auditeurs s’avèrent sensibles aux diverses ambiances de cet EP.
Si ses deux premiers morceaux sont relativement classiques dans leur forme les deux suivants m’ont étonné par leur côté plus moderne et froid, conjugués à du chant clair jamais entendu auparavant, est-ce une tendance qui continuera dans le futur ?
Possiblement, mais le prochain EP en cours de réflexion ne devrait pas contenir ses éléments ou pas sous cette forme.
Si « Memento Mori » était particulièrement violent et blastait à tout va ici l’ambiance est plus rampante et ténébreuse, cela est-il voulu ou le hasard a-t-il fait les choses ?
Les processus de création sont très intuitifs pour moi. J’ai toujours considéré « Memento Mori » comme la suite de « Paths Of Obedience » puis comme une réelle forme d’aboutissement. Alors « The Sixth Extinction » se devait d’être différent car tout avait été dit. Cet avis a parfois été mal compris ou mal apprécié mais c’est ainsi. Je ressens ce processus de création comme un cheminement intellectuel et introspectif avec comme résultat final le fait de définitivement figer le temps sur une œuvre matérialisée en plusieurs dimensions : sons, images, réflexions, sensations et souvenirs.
Pourquoi ce choix de l’autoproduction ? Aucun label ne s’était manifesté pour le distribuer ?
Un seul label a été contacté mais son emploi du temps était booké pour de nombreux mois, cela a donc conforté notre choix de la sortir en autoproduction. Avec le recul, c’est un choix que nous ne regrettons pas, cela évite des intermédiaires pas toujours très utiles. Les technologies de l’information actuelles permettent assez facilement de toucher un public mondial et de vendre directement son propre merchandising.
Le thème général de l’EP reprend le thème du livre « La sixième extinction » d’Elizabeth Kolbert (Prix Pulitzer 2015), pourquoi ce choix ? L’humanité est-elle condamnée selon toi dans un avenir proche ?
Effectivement, j’ai beaucoup aimé ce livre ainsi que « Survivre à l’effondrement économique » de Piero San Georgio ou « Le grand Pillage » d’Ugo Bardi. Ce titre est tranchant et radical et la notion d’extinction massive est assez fascinante : elle se produit quand les conditions physiques nécessaires aux formes de vie terrestre (température, pression, radiations solaires et cosmiques, composition chimique de l’atmosphère et des océans … sont trop fortement et/ou trop rapidement modifiées. En conséquence, de nombreuses espèces meurent sous les contraintes, les espèces survivantes s’adaptent puis prospèrent et réinvestissent les divers milieux laissés vacants validant ainsi les hypothèses de Darwin. Les 5 extinctions de masses observées ont toutes des causes géologiques (orogénèse, volcanismes massifs, météorites) mais cette 6e en préparation est de nature intrinsèquement biologique. L’être humain devenu « prométhéen » par la domestication des énergies fossiles a reçu des pouvoirs dangereux : celui de pouvoir croitre presque à l’infini et de modifier en profondeur son environnement direct. Il ne s’aperçoit hélas que bien tard des conséquences néfastes.
Je ne pense pas l’humanité condamnée en soit, les homo-sapiens sont trop adaptables et trop nombreux pour totalement disparaitre. Mais penser que 7, 8 ou 9 milliards d’êtres humains vont pouvoir continuer à mener cette existence confortable et technologique est tout simplement une impossibilité physique et de surcroit assez facile à démontrer (CF les nombreuses conférences de Jean-Marc Jancovici à ce sujets).
Appauvrissement lent de nombreuses couches sociales, croissance incontrôlée de dettes diverses, réchauffement climatique désormais patent, disparation de la faune par concurrence sur les écosystèmes, les signaux sont pourtant visibles. Malgré cela, nombreux sont ceux qui le nie ou qui ne veulent pas en entendre parler (comme dans le premier stade du cycle de deuil), je les comprends au fond car il faudrait presque tout changer et en un sens régresser.
Notre avenir est incertain et de nombreux futurs semblent possibles : régression mondiale organisée ou non, génocide planifié au profit d’une classe sociale survivante mais pourquoi pas aussi saut technologique (désespéré) et conquête spatiale… J’écris ces lignes en février 2019, le temps est singulier : chaud, étrangement lumineux … je le ressens comme un mauvais présage.
Vous citez souvent « On ne peut pas empêcher son époque de sombrer. On peut seulement lui dire qu’elle est en train de le faire », de qui provient cette phrase ? Que signifie-t-elle pour vous ?
Disons que cela constitue une formule esthétique et équivoque pour résumer les concepts développés par le groupe et ce depuis sa naissance. Evaluer lucidement les situations, introspecter et réfléchir puis acquérir la volonté ferme d’agir.
Vous êtes depuis vos débuts très intéressés par l’histoire de France (à la fois ancienne et contemporaine), car après avoir repris sur votre dernier album le fameux Appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle, c’est à un autre monument national dont vous vous êtes inspirés sur le magnifique « France Eternelle » via « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix (1830). Pourquoi ce tableau plus qu’un autre ? Que vous inspire t’il ?
Concernant l’appel du 22 juin, oui c’était la symbolique parfaite pour mettre en exergue chanson « Résistance » car « Un homme doit toujours garder en lui la capacité de s'opposer et de résister » (Hélie Denoix de Saint Marc, Officier Français, 1922 - 2013). Concernant « La liberté guidant le peuple », je n’ai pas d’explication rationnelle ce choix m’a instantanément paru comme une évidence, une représentation parfaite de ce que la France a de plus symbolique.
A titre personnel que cette œuvre majeure du musée du Louvre est en raccord parfait avec le texte qui est un hommage à l’histoire de notre pays, qui s’est chargé des textes ? N’avez-vous pas eu peur d’être taxés de Nationalistes ou d’être mis dans la mouvance NSBM à cause de ceux-ci ?
Je vais citer Ernest Renan car je trouve cette citation magnifique « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » . J’aime mon pays « comme on aime une mère ».
On vous sent passionnés par l’histoire de France et par son patrimoine, y’a-t-il un lieu qui selon-vous représente le mieux l’identité nationale et/ou l’unité de la nation, et pourquoi ?
A vrai dire, non, la France est justement extraordinairement variée. Ceci dit j’ai voulu mettre en avant un endroit qui m’est très cher dans « Shadows From The Past ».
Les photos que vous postez régulièrement sur votre Facebook devant différentes statues, églises ou à Verdun sont magnifiques, qui se charge de cette esthétique ? A-t-elle une signification ?
Oui, cela reste une façon de rendre hommage à notre pays et de faire continuer son histoire.
Beaucoup reprochent que la scène Black Metal actuelle est très (voire trop) politisée et qu’elle a du coup oublié ses fondamentaux satanistes et provocateurs, qu’en penses-tu ?
Ma position est très claire à ce sujet, tous les musiciens sont libres de créer selon leur bon vouloir et si possible en y injectant une grande authenticité, un ressenti profond et honnête.
Concernant le « respect » des codes esthétiques du genre, c’est un débat toujours assez subtil : le copier/coller manifeste n’occasionne que rarement des réussites esthétiques ou financières, s’éloigner via des tendances et expérimentales ou avant-gardistes amène souvent également à certaines « incompréhensions ». C’est dans cet esprit que je compose.
On assiste actuellement à un vrai renouveau du style et à l’arrivée de jeunes fans avides de découverte et sensations fortes (il n’y a qu’à voir le nombre de nouvelles formations qui débarquent régulièrement), cela te satisfait-il ? Ne crains-tu pas que tous ces nouveaux venus ne saturent le marché et ne fassent baisser la qualité artistique ?
Personnellement j’ai plutôt une position inverse, je trouve au contraire le style un peu vieillissant. Je suis toujours un peu nostalgique de mes propres souvenirs de « kid » de la scène des années 90 mais il me semble que les teenagers et jeunes adultes actuels sont beaucoup plus fan de rap et autres musiques électroniques. Dommage, j’ai trouvé que le BM offrait un exutoire parfait pour un adolescent plein de vie et de questions !!
Concernant la quantité de sorties (albums, clips, EP etc) qu’offre une scène mondiale, connectée à internet, et n’étant plus obligé de s’offrir les couteux services d’un studio d’enregistrement professionnel : oui c’est tout bonnement un incessant foisonnement artistique difficile à appréhender.
Je trouve cela hélas un peu dommage car cela induit de nombreux comportements de marché de type « the winner take all »: des groupes de référence (souvent anciens) qui surnagent dans cet océan bouillonnant de nouvelles formations. Ainsi comme on peut souvent le constater les têtes d’affiches des festivals de renom Black-Metal sont toujours un peu confisquées par les mêmes « headliner » des groupes solides mais parfois un peu en roue libre voir en manque flagrant de créativité.
Vous avez tourné en mars 2018 au Mexique, quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
A vrai cela dire, c’était absolument génial sur tous les points : un dépaysement total, un pays magnifique, un peuple fier et accueillant.
Une expérience qu’il nous tarde de recommencer dès que possible. Les objectifs de THE NEGATION sont donc clairement identifiés : tourner à l’étranger et tourner en France avec des groupes étrangers. Je trouve cela extrêmement enrichissant.
A ce sujet un nouvel album est-il déjà en cours de préparation ?
Un EP est en effet en cours de conception/composition. Il est possible que nous restions par la suite sur ce type de format plus court et plus facile à concevoir tant artistiquement que financièrement.
Je trouve que la scène Black française est actuellement une des plus originales et qualitatives, tu es de cet avis ? Quels sont les formations nationales qui t’inspirent et plaisent ?
A vrai dire, je n’ai jamais eu une connaissance encyclopédique des groupes de BM. Mais en effet certains pays, certains peuples semblent plus en harmonie avec les esthétiques, la Pologne en premier lieu, la France aussi. Mon coup de cœur 2018 est le dernier album de LORD KETIL que je trouve exceptionnel et qui s’écoute en boucle.
Avec qui rêverais-tu de tourner et partager l’affiche ?
A brûle-pourpoint, je vais répondre DEADSPACE dont le passage à Paris au Gibus m’a totalement fasciné.
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