Les Funeral Doomers américains ont entamé une colossale tournée européenne de 43 dates dans le but de poursuivre la promotion de leur album « Future’s Shadow Part 1 - The Clandestine Gate », sorti l’année dernière.
Leur passage au Petit Bain à Paris (voir live report) est l’occasion d’aller questionner Jesse, qui a la gentillesse de répondre à nos questions afin de nous présenter BELL WITCH et notamment son concept « Future’s Shadow ».
1/ Vous êtes en milieu de tour avec cette 20ème date pour Paris, comment ça se passe ?
Oui, bientôt à la moitié. Ça va, ça se passe bien et on a de bons retours mais c’est vraiment une énorme tournée, pas sûr qu’on en refasse une avec autant de dates car c’est fatiguant.
2/ Vous tirez votre nom de « La Sorcière des Bell » ou « La maison hantée des Bell » qui est une légende du folklore du sud des Etats-Unis datant du XIXème siècle. Cela raconte l’histoire de la famille Bell (et en particulier de leur fille Betsy) qui était tourmentée par une entité invisible. Qu’est-ce qui avait donné l’envie de choisir ce nom ?
Je n’étais pas encore dans
BELL WITCH à l’époque mais le thème du groupe a toujours été lié au fait d’être coincé quelque part, que ce soit le fait de se sentir au purgatoire ou au milieu d’un mouvement de balancier. Je veux dire par là qu’on est parfois pris par une norme ou un équilibre, puis qu’on s’en éloigne avant d’y revenir plus tard. On veut créer un ressenti de malaise et d’instabilité, comme l’a vécu la famille Bell.
« La Sorcière des Bell » est une des plus vieilles histoires américaines de fantômes, ça marchait bien par rapport à l’objectif du groupe.
3/ On devine un œil sur votre logo et la pochette de votre démo. Est-ce l’œil de la sorcière des Bell ?
Non, je ne crois pas qu’il y ait un lien.
4/ Que souhaitez-vous que vos auditeurs ressentent à l’écoute votre musique si funèbre ?
Quand on écrit notre musique, on pense à des situations dans lesquelles nos auditeurs feraient face à une situation difficile à résoudre et que, plus de temps cela prendrait pour y trouver une solution, plus ils se sentiraient mal à l’aise.
5/ On relève parfois des chants type « grégoriens » ; voulez-vous instaurer une ambiance religieuse, ou tout du moins spirituelle ?
Plutôt spirituel que religieuse. Notre intention est d’instaurer une ambiance liée à l’introspection et ça, c’est intentionnel. On essaie de l’instiller avec plusieurs dynamiques apportées par les différents types de chants utilisés, leurs combinaisons et l’ajout d’harmonies qui peuvent créer un rendu contemplatif. On nous a déjà dit que cela pouvait sonner religieux et je le prends comme un compliment. Je pense que l’utilisation d’orgues joue également comme ça a beaucoup été utilisé dans plusieurs religions.
Enfin, les passages avec des chants et des percussions uniquement correspondent aux deux plus vieux instruments du monde et selon le rythme et le timbre de la voix, cela peut avoir pour conséquence de nous rappeler nos origines. C’était avant l’existence de religions organisées mais je pense que l’homme se posait déjà des questions d’ordre spirituel.
6/ A l’écoute de vos premières productions, je ressens certains aspects paisibles, presque progressifs, voire rafraîchissant, qui viennent en partie atténuer le côté prédominent lourd et dépressif de votre son. J’ai l’impression qu’avec le temps, ces éléments ont tendance à se raréfier au profit d’ambiances plus Funeral Doom uniquement. Qu’en penses-tu et comment jugez-vous l’évolution de votre musique, depuis la démo éponyme jusqu’au dernier album « Future’s Shadow Part 1 - The Clandestine Gate » ?
A la base, on sonne comme des groupes du genre
SKEPTICISM et
THERGOTHON. Puis, il y a eu une nette évolution avec l’ajout de nouveaux instruments comme des orgues, du synthé et du piano, qui sont des couches additionnelles à notre son composé initialement que d’une basse et d’une batterie, avec l’idée d’être lent et minimaliste. C’est maintenant un peu moins brut et moins Métal qu’à nos débuts. Je n’aurais pas dit que la « lumière » tendait à disparaître de nos dernières productions mais c’est intéressant d’avoir un point de vue extérieur par rapport à moi qui suis constamment dedans. Je comprends aussi qu’avec la disparition des cris aigus d’Adrian (NDLR : premier chanteur/batteur du groupe, décédé en 2016), le côté Drone, certaines harmonies et l’ambiance apportée par les orgues, cela crée un son « chant funèbre », bien que l’on essaie aussi d’incorporer des mélodies avec ces nouveaux instruments.
7/ L’album « Stygian Bough : Volume I » est une collaboration avec AERIAL RUIN qui est le projet solo Dark Folk d’Erik Moggridge. Quels ont été les retours des fans sur les apports de la guitare acoustique folk au sein de votre univers Funeral Doom Metal ?
Je crois que cela a bien été apprécié. Cela est venu enrichir notre musique avec une guitare qui est sinon absente dans notre son (NDLR :
BELL WITCH est basé sur une instrumentation principalement basse/batterie). Par ailleurs, le chant principal est la voix claire d’Erik et elle rend particulièrement bien.
8/ Est-ce que les mots « Stygian Bough » font référence au « Rameau d'or », l’étude comparative de la mythologie et de la religion publiée par l'anthropologue écossais Sir James George Frazer en 1890 ? Si oui, qu’est-ce qui vous avait intéressé dans cette référence ?
Oui, c’est le cas. C’est absolument fascinant de comparer les mythes fondateurs à travers le temps et les lieux. Cela permet de proposer des réponses et de donner des exemples à suivre dans l’éducation d’un peuple. Chacun a ses mythes et j’aimerais que les gens comprennent qu’il n’y en a pas qui sont mieux que d’autres. Ils sont juste différents et il faut respecter les autres croyances. Je vous invite vivement à prendre connaissance de cette étude.
Le « Rameau d'or » me parle d’autant plus que mon père est un des spécialistes au niveau mondial de ce sujet. C’est une de ses spécialités avec la philosophie des religions du Moyen-Orient.
9/ Pour quand est prévu « Stygian Bough : Volume II » ? Sera-t-il dans la même veine ?
Il est prévu pour l’année prochaine et quant à savoir s’il sera dans la même veine que le volume I, vous verrez bien ;-).
10/ Peux-tu maintenant nous présenter le concept « Future's Shadow » et les 3 parties qui le constituent ? Comment s’est passée sa composition ?
C’est un triptyque qui fait écho aux trois parties d’une journée : le matin, la journée et le soir. « Future’s Shadow Part 1 - The Clandestine Gate » représente donc le matin.
On voulait en fait n’avoir qu’un seule chanson coupée en trois parties réparties sur trois albums et on avait très bien avancé sur tout ça il y a un moment déjà, avec l’idée de tout enregistrer d’un coup. Mais avec la Covid, ça n’avait finalement pas pu se faire car on n’aurait pas eu le temps de répéter avant la fermeture temporaire du studio pour raison sanitaire. On n’a donc enregistré que la première partie et cela, un peu plus tard. Cela nous a permis d’y repenser et de retravailler plusieurs éléments, ce qui n’est pas plus mal au final. En fait, on ajuste presqu’en permanence nos compositions, même lorsque l’écriture est déjà à un stade bien avancé. On se donne aussi de la souplesse lorsqu’on joue les titres en concert, il y a un peu de réappropriation par rapport aux version studios.
Quant à l’artwork, les trois pochettes seront toutes des peintures de Jordi Diaz Alamà, à qui l’on doit déjà celle de « Future’s Shadow Part 1 - The Clandestine Gate ».
11/ Est-ce que la partie 1 de « Future's Shadow » est inspiré par le « Purgatoire », deuxième volet de la « Divine Comédie » de Dante ?
Pas directement. Mais comme je le disais, on apprécie cependant les thèmes abordés et l’idée d’être coincé dans un endroit tel que le purgatoire. La « Divine Comédie » a eu un impact considérable dans le monde occidental, je l’ai lue et c’est vrai que c’est parlant pour beaucoup de monde.
12/ Avez-vous déjà du matériel pour la partie 2 de « Future's Shadow » ? Si oui, à quoi s’attendre ?
Nous disposons du squelette des 3 albums qui constituent le triptyque « Future's Shadow » mais c’est quand même loin d’être terminé, même si tu comprends qu’on a en effet déjà du matériel.
Spécifiquement pour le troisième, on pourra y entendre un thème issu du premier mais joué avec un ou d’autres instrument(s), comme cela se fait parfois en musique classique. On verra si certains le remarquent.
13/ Le clip « The Clandestine Gate » est très artistique. Un fan y a vu des similitudes avec le film américain « Beggoten » de E. Elias Merhige. Est-ce une source d’inspiration ?
Absolument. Cela fait partie des recommandations que l’on a données à Bobby Cochran qui a réalisé le clip. D’ailleurs, il est avec nous pour la tournée et projette pendant le film pendant le concert. Il est là car tout est live et tout doit s’ajuster aux conditions du direct le soir même. Ce n’est pas comme si on passait une bande toute prête pour notre musique et qu’il fallait absolument se tenir à son déroulé préprogrammé.
14/ Tous vos albums studios sont sortis sur le label canadien Profound Lore Records. A quoi doit-on cette fidélité ?
Pour Chris, le patron de Profound Lore Records, la dimension artistique est primordiale et va bien au-delà de la musique. Il nous fait confiance et il nous laisse toujours carte blanche pour l’ensemble de nos choix, qu’ils soient liés à l’artwork, aux vidéos, etc. Il est également le seul à ne pas avoir challengé l’idée d’un album composé d’un seul titre de 83 minutes quand tout le monde disait que c’était fou. Lorsqu’on lui a parlé de l’idée, il a simplement répondu « ok, faites-le ». Aussi, son label et notre groupe grandissent en même temps, c’est très sympa.
C’est l’ensemble de ces raisons qui expliquent notre fidélité et comme on dit, il n’y a pas de raison de changer une équipe qui gagne.
15/ Vos deux dernières productions ont été enregistrées aux Avast Recording Studios. Quelles sont les conditions d’enregistrement là-bas et y a-t-il quelque chose que vous auriez aimé changer ?
C’est top là-bas, c’est un studio légendaire de Seattle. On a vraiment d’excellentes conditions et tout le matériel nécessaire. Une partie de leurs équipements vient de Los Angeles et un nombre impressionnant d’artistes célèbres les ont utilisés, c’est dingue. Aussi, il y a un gars qui est toujours présent à chaque fois qu’on y va, j’ai l’impression qu’il vit là-bas. Il est disponible dès qu’on a besoin de quoique ce soit, c’est une crème.
16/ Vous avez joué avec ESOTERIC lundi dernier, c’était comment ?
Oui, on avait déjà joué avec eux et c’est toujours une super expérience, c’est vraiment un groupe qu’on apprécie.
17/ Si tu autre chose à ajouter, c’est le moment :-)
Je reviendrai en France à l’occasion du Tyrant Fest, comme je suis batteur live pour un one-man band de Black Metal doomy qui y jouera.
18/ Oui, j’ai en effet vu que tu étais impliqué dans de nombreux projets ? Tu as le temps d’avoir un job à côté ?
Plus maintenant, depuis que j’ai une copine. Maintenant, je consacre mon temps à la musique.
Merci d’avoir pris le temps de m’interviewer, de votre intérêt pour
BELL WITCH et à bientôt.
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