De très longue date, les gars d’INHUMATE avaient annoncé qu’ils comptaient composer 7 albums (la fameuse heptalogie) puis qu’ils n’enregistreraient plus de disques (cf. interviews de 2005 et 2009). Lorsqu’« Eternel Life » est sorti en 2021, les Alsaciens avaient confirmé que ce 7ème opus serait bien le dernier et que le groupe continuerait pour les concerts uniquement. Puis, à la fin de l’été dernier, on a appris qu’ils cesseraient toutes leurs activités liées à INHUMATE à l’issue de l’année 2025, pour les 35 ans du groupe. Dans ce contexte, nous ne pouvions rater leur (ultime ?) passage à Paris (voir live report), ni ne nous empêcher de les interroger sur leur carrière, sur les 18 mois restant avant le clap de fin, ainsi que sur leurs projets pour l’« après ».
1/ Comment vous sentez-vous depuis que vous avez publiquement partagé en août 2023 la fin d’INHUMATE ?
Christophe : Pour nous en fait, c'est de toute façon quelque chose qui allait se faire et ce n'est pas l'annonce publique qui le confirmait. Ça mettait juste éventuellement une date, mais nous-mêmes, on avait déjà pensé à ça.
Yannick : Ce n’est pas tellement le fait de le dire, c'est le fait de le savoir, de l'avoir nous-mêmes établi, c'est peut-être ça qui fait quelque chose.
Fréd : On a joué samedi dernier en République tchèque, à l’Obscene Society et Čurby (NDLR : organisateur de l’Obscene Society et de l’Obscene Extreme Fest) nous a confirmé qu'on serait bien à l’affiche de l’Obscene Extreme en 2025. Donc on sait que ça sera notre dernier concert à l'étranger. Et là j'avoue que ça m’a fait un petit haut le cœur, ça fait un peu bizarre. Et Damien m'avait dit pareil. Là, c'était dit, là c'était acté.
2/ Quels étaient vos objectifs lors de la création du groupe en 1990 ? Ceux-ci ont-ils été atteints ?
Fréd : Alors l’objectif, c’était faire de la musique, je crois que c’est l’objectif premier de tous les mecs qui commencent. Voilà, c’était l'objectif à une époque où on écoutait
CANNIBAL CORPSE et
PESTILENCE à l’école.
Yannick : comme beaucoup de mômes, le premier objectif pour moi, c'était d’avoir un groupe.
Fréd : En 1990, on avait monté le groupe, on faisait de la musique et l’objectif est alors vraiment devenu d’arriver à donner un concert. Maintenant ça paraît vraiment débile, mais il a quand même fallu 3 ans. Il faut rappeler qu’on est en 1990 en Alsace, qu’on joue du Death Metal et personne ne sait ce que c'est. On a réussi à faire un premier concert 3 ans après et on a été très très content.
Christophe : Quand Yannick et moi on est arrivé en 1994, c'est là où je crois, qu’
INHUMATE s'est vraiment lancé et que c'est devenu sérieux.
Fréd : Oui, c'était ensuite devenu plus que juste faire des concerts. On ne voulait par ailleurs plus juste copier les maîtres qu’étaient
PESTILENCE et
NAPALM DEATH.
Christophe : Oui, on en avait discuté, le truc c'était d'avoir un côté un peu culte comme
AGATHOCLES. C’était un truc que je voulais atteindre. On n'avait pas encore l'idée du concept mais elle est arrivée peu de temps après. Pour moi, je pense qu'on a à peu près réussi ce qu'on voulait faire.
Fréd : J’en suis persuadé.
3/ Votre heptalogie représente différents stades de la vie humaine mais celle-ci aurait pu être abordée en un nombre d’étapes différent. Y a-t-il une symbolique autour du chiffre 7 ?
Yannick : A l'origine, c'était 3, on s’était dit qu’on allait faire une trilogie, puis en discutant, c’était passé à 5, toujours un nombre impair parce que ça sonne mieux qu'un nombre pair. Et enfin 7, sincèrement sans y croire. C’était un peu rêve, un délire quoi.
Christophe : Yannick avait lancé cette idée en choisissant le titre du premier album qui est « Internal life ». On ne savait pas encore ce qu'on allait faire et il nous a dit que c’était un bon début pour une histoire avec 7 étapes de la vie humaine.
Et il est évident qu’avec le chiffre 7, il y a un côté symbolique, sacré.
Yannick : On voulait faire un 2ème album dont le titre suit celui du premier. Et puis ça s'est décliné en 3, en 5, finalement en 7. Je ne sais pas s’il y a un côté mystique mais ce qu'il y avait déjà à l'époque, ce sont ces histoires de concept-albums. Mais nous, on ne s'est pas amusé à vouloir faire un concept album mais un concept sur 7 albums.
Christophe : Yannick et moi étions très fan des
VOIVOD aussi, avec leur concept, leurs paroles et avec leur écriture. Et c'était pareil. C'était aussi un concept qui s'étalait sur plusieurs albums et des personnages qui revenaient. Et ça aussi, ça a joué.
4/ Votre album préféré parmi l’heptalogie ?
Fréd : Question piège là. Comme pour tous les groupes, je pourrais dire le dernier, c’est la réponse classique. Mais quand je repense au 1er, il est pas mal hein ? D’ailleurs, on va le sortir en vinyle. J'ai aussi toujours aimé le 2ème. Bon, c'est un peu compliqué, je ne sais pas et je laisse la parole aux autres,
Yannick : Je n’ai peut-être pas de préféré, à voir. Mais c'est vrai qu'on a souvent tendance à revenir vers le 2ème parce que c'était le plus spontané. Il est sorti très très vite après le 1er. Il avait le bon son, le bon rythme, les bons morceaux, il était vraiment Grindcore en plus.
Christophe : En fait le dernier est le plus efficace et représentatif de ce qu'on voulait faire depuis le début. Il y a 30 ans, on aurait été incapable de jouer aussi vite qu'on joue maintenant. Mais, j'avoue que c'est « Growth » qui me parle le plus, on avait passé une étape avec cet album.
Yannick : Quand on a commencé, on voulait être dans un groupe et faire de la musique. Mais personne n'était forcément musicien. Il a fallu former ce groupe, apprendre à jouer d'un instrument, ce n’est pas comme si on était tous des virtuoses. On a créé le groupe et on a tous évolué en même temps au niveau musical et au niveau technique pour en arriver maintenant à ce qu'on peut faire par exemple ce soir.
Fréd : Je rejoins ce que dit Yannick sur le fait qu'on apprend. Et comme on est autoproduit, on a tout appris sur la scène, sans label. Personne ne nous a épaulés, donc on a tout fait petit à petit. Et comme disait Čurby, on est « les ouvriers du Grind ». On a tout appris tout seul : comment faire un disque, comment faire de l'argent, comment faire des t-shirts...
5/ Vous avez une série de 7 titres intitulés « I Want To Kill Some… ». Dans l’interview de 2009 pour « The Fifth Season », vous nous disiez Alors voilà depuis notre premier album « Internal Life » en 1996 on glisse une nouvelle version de ce titre sur chaque album (sauf un et pourtant on est quand même à la 5ème version… Comment cela se fait-il ? Je laisse les plus perspicaces mener l'enquête héhé). L’enquête a été menée et nous avons trouvé que la 2ème version venait juste après le titre caché de la fin d’« Internal Life ». Maintenant on veut savoir qui/ce que cette personne veut tuer…
Christophe : En fait, c'était plus un délire de faire un morceau court et annoncer un truc qui énerve. : « I Want To Kill Some… », puis ça a continué avec notre concept. Et on s’est dit, « ça te dirait d'en faire un par un album ? ». Chacun peut y mettre ce qu'il veut, c’est complètement ouvert, c'est tout l'intérêt aussi de la musique. Comme pour le morceau « It’s Black ».
Yannick : Tu peux l'utiliser à n'importe quel moment de ta vie, dans n'importe quelle situation, dans n'importe quel contexte. C'est valable pour tout et n'importe quoi, il n’y avait pas de cible le précise.
6/ Mais pourquoi Christophe pleure-t-il sur plusieurs de vos chansons ? Et y a-t-il une symbolique avec les coups de micro sur le front pendant les concerts ?
Christophe : Alors les pleurs, je crois que la première fois, c'était avec « Screams ». On avait essayé de définir notre musique et il ressortait un côté pulsionnel. Et ce côté pulsion fait référence à tout ce qui a de plus primitif. On avait noté en répète, des pleurs, des cris, etc., donc de la parole inarticulée. Et je crois qu’après, j'ai rajouté des rires pour jouer sur les ambiances. Un gars comme comme Serj Tankian le chanteur de
SYSTEM OF A DOWN a été pour moi une grande influence par la grande variété au niveau de sa voix. Je crois que j'ai voulu faire un peu pareil, c'est quelque chose qui m'intéresse. Les rires, les pleurs, les cris font partie du panel humain. Je trouvais que ça apportait quelque chose et c'est comme ça que ça a vraiment commencé et c'est pour ça que je l'ai fait sur plusieurs albums.
A propos des coups de micro, je ne sais pas s’il y a une symbolique. La première fois que je l'ai vu faire, c’était
RAMMSTEIN pour leur premier concert en France à Strasbourg. Le chanteur ne l'a fait qu'une seule fois, mais il l'a fait : il s'est mis un coup de micro et j'ai entendu le « poc ». J’ai dû l'intégrer sans m’en rendre compte et c'est ressorti tout seul pendant les concerts. Sans doute le côté bestial m’aura marqué. Mais ça n’a pas été réfléchi, c'est vraiment de l'instinct. Et puis après c'est devenu systématique.
Yannick : On a commencé en tant que groupe de Death Metal et Christophe parlait là de tous ces bruits qui peuvent composer une vie. Une « vie » qui est absolument le contraire de la « mort », du Death (Metal). Et c'est pour ça qu'on a aussi commencé à dévier vers le Grindcore.
Christophe : Ouais, je suis d'accord, « Grindcore is life ». Pour moi c'est vrai, c'est de l'énergie pure, c'est un concentré de vie et donc voilà, je crois que ça vient de là.
7/ On parle toujours de votre heptalogie mais vous avez également participé à 14 splits entre 1995 & 2008. Un mot sur ces collaborations ?
Christophe : Ce sont des demandes que nous avons acceptées et ce qui était difficile, c’est que généralement les gens mettent dessus des morceaux qu'ils n’ont pas encore enregistrés. Or, nous étions incapables de faire ça, on avait juste assez de matière pour chaque album. Ce qui explique qu’à chaque fois, on mettait du live (à part une fois je crois où on avait réussi à utiliser une version studio).
Christophe : Il fallait payer le studio et on n’avait pas l'argent aussi.
Fréd : Il ne faut pas oublier que ça se passe à une époque où il n’y avait pas autant Internet que maintenant, pas autant d'ordinateurs. Et comme on ne sait pas enregistrer nous-mêmes, on va au studio, on paye ce qu'il faut payer avec un ingénieur du son et du matériel professionnel.
8/ Vous avez toujours tenu à sortir vos albums en version physique uniquement mais comme les deux premiers sont sold-out, vous avez fini par les mettre en vente sous format digital. Est-ce du pragmatisme ou bien votre opinion sur le contenu musical dématérialisé a évolué ?
Christophe : On estime que le CD avec le livret forment un tout et que c'est un objet, la musique n'est qu'une partie de ça. S’il n’y a pas les paroles ni l'
artwork, il manque une partie de ce qu'on a produit. Après, beaucoup de personnes nous demandaient une version digitale car les 2 premiers sont difficilement trouvables. C’est pour cela que l’on a accepté, pour répondre à une demande. On va aussi essayer de ressortir les 3 premiers en vinyle avant la fin, puisqu'on ne les a même pas pour nous, pour notre collection.
Fréd : Les gens qui ne sont pas dans le milieu disent qu’ils ne comprennent rien aux paroles. Mais l'intérêt n'est pas qu’on les comprenne, c'est qu'on les lise. La voix est un instrument rythmique, mais il y a aussi les paroles. Et les paroles pour y avoir accès, et ben il faut lire. C'est un effort, c’est comme à l'opéra.
9/ Au niveau littérature, je crois que vous aimez beaucoup Huysmans, quel est son ouvrage que vous préférez ?
Fréd : Ah ça c’est moi et si je ne devais en citer qu’un : « En route ». Il est surréaliste et ils sont tous drôles mais c’est celui que je préfère.
Christophe : Je veux quand même dire qu’il n’existe que 4 bustes de Huysmans dans le monde et Fréd en a un.
10/ Avez-vous une idée du nombre de concerts que vous aurez donnés ? Quels sont vos meilleurs souvenirs de live et avec quels groupes avez-vous préféré jouer ? Expérience d’ouvrir pour NAPALM DEATH ?
Yannick : Un peu moins de 300, et par rapport aux groupes, je pense qu'on n’a pas de préféré.
Christophe : Ah peut-être
BRUTAL TRUTH, c'est le meilleur groupe qui ait jamais existé pour moi. Oui, on a joué récemment avec
NAPALM DEATH, c’était bien mais ils ne sont pas venus nous voir. J'espérais qu'ils jettent au moins un œil mais ils ne sont pas venus alors que c’était un vieux rêve pour moi.
Damien : Plus que les groupes avec lesquels on joue, je pense que les meilleurs souvenirs sont liés au public. C’est ce qui fait que tu t’en rappelles. Par exemple, le meilleur souvenir de concert pour moi, c'était samedi à l’Obscene Society Fest., l'ambiance était folle.
Yannick : Ce dont on parle le plus souvent, ce ne sont pas les meilleurs souvenirs en fait, ce sont les pires ; c'est ça qui fait les plus belles histoires, non ? Quand tu tombes du camion parce que tu joues sur un semi-remorque, que la guitare casse, que tu te fais une entorse, des choses comme ça. Ou alors quand il fait vraiment trop trop chaud, comme à Cuba. Tu atterris sur cette île et tu te dis, « je ne vais jamais arriver à bouger un seul bras, il fait tellement chaud, il fait tellement humide. Ce n’est pas possible ». Donc, ça dépend.
Christophe : C'est un tout et c'est l’aventure humaine qui donne l'intérêt du truc, pas forcément avec qui tu joues.
Yannick : Après ça reste individuel toutes ces expériences. Un concert, ça se fait à 4 personnes dont une peut avoir une très très bonne impression tandis que je me fais chier derrière parce que je n'entends personne ou parce que la scène est beaucoup trop grande et que tout le monde est à 15 mètres l’un de l'autre. Ça dépend, chacun a son vécu.
Fréd : Je pense que les concerts et la tournée de Cuba m’ont quand même marqué. Je crois que c'était quand même le truc le plus incroyable (avec le Japon).
Yannick : À Cuba, le côté exceptionnel est lié au fait que l’on ne joue pas que devant un parterre de métalleux. C'est la fête au village, tu as 300 personnes, c'est gratuit et tout le monde vient. Et puis c'est à Cuba qu'on a vu des choses impressionnantes et un peu surréalistes. On a eu le droit par exemple à des fans qui affrontaient la police (qui est armée là-bas) devant la scène avant qu'on joue, et qui se sont fait menotter.
11/ On a vu l’annonce de votre participation au Motocultor Fest d’août 2024. À quels autres événements peut-on s’attendre à vous voir participer d’ici fin 2025 ? Y aura-t-il un gros pot de départ ?
Yannick : Il y aura donc l’Obscene Extreme de 2025. D’ici là, on va en plus jouer cette année dans un festival à Aix-la-Chapelle qui s'appelle le Krach Fest, réalisé par un ami qui s'appelle Mario Zumpe (qui est aussi l'organisateur du festival Grind Here Right Now et du Grind the Nazi Scum).
Christophe : C’est en discussion mais il y aurait le Maryland Deathfest, donc ça sera l'année prochaine si ça se fait.
Le pot de départ aura lieu, ce sera entre septembre et décembre 2025, quelque part par chez nous. Il y aura une un concert final d’
INHUMATE, ça c'est sûr et on y travaille.
12/ Un Thrasho lecteur demande si vous envisageriez un Soul Grinding Festival 8 pour ultime concert, avec comme suggestion d'affiche pour vous accompagner : KRONOS, BENIGHTED, BLOCKHEADS, RECUEIL MORBIDE, MASSIVE CHARGE, ABSURDITY, INGROWING et GUTALAX ?
Fréd : Alors
GUTALAX, s’il y a moyen, on les prend ! Ce sont de bons amis, ils ont tellement fait de choses pour nous. On a fait une tournée en tour bus grâce à eux, notamment à Maty (NDLR : le chanteur) qui est top humainement.
INGROWING a joué à nos 15 ans, on les a déjà fait jouer plusieurs fois. La première fois, c’était avant l'an 2000, je les avais fait jouer dans un pauvre bled paumé au fin fond de Lorraine. Donc
INGROWING pareil, super potes.
ABSURDITY, je crois qu'ils ne jouent plus.
MASSIVE CHARGE, ce sont de bons potes ; à voir je dirais, on ne sait pas.
RECUEIL MORBIDE, je ne suis pas sûr qu'ils jouent encore, je crois qu’ils sont à l’arrêt.
BLOCKHEADS, on les connaît depuis presque 3 décennies. On s'entend bien avec eux ; à voir.
BENIGHTED, même chose. On les connaît très bien, on les a déjà fait jouer à nos 20 ans, même s’ils sont certainement devenus hors budget. Les
KRONOS c'est pareil, on a fait quelques scènes avec eux. Mais ça fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas vu, qu’on ne sait pas trop.
Yannick : Après, par rapport à ces groupes-là, il en y a qui ont une espèce d'intégrité et d’autres pas, et que nous n’appelons plus vraiment un groupe. Là où tu as un seul ancien membre avec des musiciens qui gravitent autour. C'est beaucoup plus pour le fric ou des choses comme ça, ce qui pour nous, n’a jamais été le cas.
Fréd : Et puis après y a aussi je pense le retour d'ascenseur à des gens qui nous ont soutenus, qui ont organisé. Parce que nous, on a organisé pendant longtemps et il y a des gens qui ont fait pareil de l'autre côté. Et il y en a d'autres qui n’organisent pas, ce n’est pas leur
trip etc., donc ça, je peux tout à fait le comprendre. Mais il y a aussi ce côté « remercier ». On privilégiera plutôt cette scène-là. Et donc pour le Soul Grinding, on a en parlé justement dans le train et on s’est dit, « est-ce qu’on ne l’appellerait pas le Soul Grinding finale » (avec un « e ») ?
13/ Allez-vous maintenir l’association Grind Your Soul Productions pour produire ou distribuer d’autres groupes ?
Fréd : Sur Grind Your Soul Productions, il n’y a eu qu’un seul autre groupe qu’
INHUMATE. C'était
C.V.I. (COMPULSIVE VULVOLATRIC INTRUDERS), un groupe du Brésil. C'était ultra brutal, c'était il y a 25 ans peut-être et c'est le seul qui est sorti sur Grind Your Soul Productions à part
INHUMATE.
Thrashocore : Il n’y a pas eu
APOPLEXY ?
Fréd : Non,
APOPLEXY, on se connaissait, c'était des amis et un autre groupe de Strasbourg, c’est donc peut-être pour ça mais on n’a jamais rien sorti d’eux.
Il n’y aura maintenant rien d'autre que nous et cet album de
C.V.I., on arrive au bout du truc.
14/ Quel est le bilan financier de l’asso ?
Fréd : On a réussi à sortir les 7 albums en autoproduction, c'est-à-dire qu'on s'est toujours démerdé pour avoir l'argent mais on ne récupère rien au niveau financier. À partir de « Growth », on n'a plus mis d'argent dans nos CD, c'était complètement autofinancé jusqu'à « Expulsed » en 2013. Après, il y a eu la chute des CD et maintenant ça se ressent. Et pourtant, on ne sortait pas de grosses séries. On a repressé quand même le dernier, donc on a refait un pressage de 300, ce qui fait 600 au total. « Expulsed » on l’a aussi repressé une fois, ça fait 600 également.
Yannick : À une époque, il y avait la distro qui aidait à récolter un peu d'argent pour que nous n'ayons pas à mettre la main à la poche mais sur le dernier, on a dû.
Christophe : On a joué au Japon, ça nous a coûté des sous. Comme à Cuba, on ne nous a pas complétement défrayés.
15/ Le fait de ne plus tourner va vous redonner pas mal de temps libre. Quels sont les projets de chacun d’entre vous pour l’après INHUMATE ?
Fréd : Moi, c’est Huysmans et tout ce qu’il y a autour : les voyages, les visites, les périples, tout.
En route pour Huysmans.
Christophe : Moi, je pense continuer la musique, mais changer de voie. Faire de l'électronique, brutal sûrement. Je n'y connais strictement rien. Là, tu me donnes une guitare, tu me dis « vas-y, compose un morceau », je sais faire. Ça ne sera pas forcément bien, mais je sais faire. Tu me donnes un ordinateur et tu me dis « compose un morceau », ça, je ne sais pas. J'écoute de l'Industriel depuis longtemps, donc faire un mélange Tech/Indus avec peut-être du
growl, un peu de guitare aussi ?
Yannick : Pour moi, ni musique électronique ni musique du tout, ça sera la fin. Je vais passer à autre chose, me laisser du temps. Je suis un vieux motard mais je n’ai pas assez de temps pour ça par exemple. Aussi, j'ai la chance d'avoir une femme qui est dans le même milieu musical. Donc, on aura vraiment le temps d'aller voir les autres groupes quand on veut, sans aucune contrainte. Autant au niveau du temps, et que du fait que je n’aurai pas à m’inquiéter si je prends une bière de plus, comme je ne joue pas après.
Damien : J'ai un groupe de Doom qui commence à Strasbourg (
THE MAN AND THE ABYSS), où je suis bassiste. Et j'ai créé
DEADMEN un groupe de Post core à Nancy, où je suis guitariste chanteur, c'est mon petit bébé, le projet que j'ai créé il y a 10 ans. Le nom
DEADMEN est une référence à « Dead Man » de Jim Jarmusch et ça a à voir avec la suite parce que mon autre passion, c'est le cinéma et je sais que dès que le temps va se libérer, le cinéma va s’engouffrer encore plus. J'écris déjà un bouquin sur le réalisateur de « Cube », Vincenzo Natali, que j'ai rencontré fin du mois à Toronto. J’aime beaucoup les films américains des années 1970, pas mal les films français aussi. J’ai un podcast qui s’appelle « Vanishing Point », comme le film de Sarafian. C'est un podcast avec 3 mecs qui sont dans une bagnole. On fait un voyage virtuel sur les routes des États-Unis et chaque étape du voyage, c'est un thème d'épisode. Par exemple l'excès de vitesse, on se fait arrêter par les flics, on finit en prison, on est en panne d’essence… Il y a un thème comme ça à chaque épisode. Le dernier, on a dit qu'on était tombé sur une intempérie, il y avait de la neige. J'ai pris « Le Grand Silence » de Sergio Corbucci. C'est ça la suite pour moi.
16/ Est-ce que vous allez dorénavant ressembler à ça au quotidien (en montrant la photo où ils sont en costume) ?
Damien : Rires. Ah, c’était mon mariage en 2016. Non, je ne mets un costard que pour mon mariage ou pour les enterrements.
17/ Je vous avais interviewés pour un fanzine en 1999 et Christophe disait Il ne faut pas faire de compromis dans l’art, (…) j’aimerais quand je serai vieux, pouvoir me dire « ce que t’as fait là, tu peux en être fier ». (…) J’espère que j’arriverai à ça. Verdict 25 plus tard ?
Christophe : Ouais, je suis content, je suis fier de ce qu'on a fait. J’ai fait des trucs avec ce groupe qui ne seraient jamais arrivés autrement. Le voyage au Japon, je ne l’aurais pas fait, enfin pas comme ça. Cuba, je n'y serais jamais allé, c’est sûr.
Yannick : Ne serait-ce que des relations entre certains membres du groupe qui sont plus longues qu’avec certaines compagnes de vie. Et puis, les relations entre les membres du groupe qui sont ce qu’elles sont et qui changent au fur à mesure des années, parce que tout le monde évolue, tout le monde vieillit, tout le monde change aussi d'avis.
Fréd : Ça fait 30 ans qu'on se côtoie et qu'on s'entend bien, pas bien, qu'on se frite… Mais peu importe, on est toujours là.
Yannick : Je dis toujours que nous sommes un couple à 4 et c'est putain de pas évident à gérer.
Fréd : Dans certains groupes, quand un des membres ne peut pas venir pour un concert, on le remplace. C'est impossible, inconcevable pour nous. Le meilleur concert du monde, il y en a un des 4 qui ne peut pas y aller, on annule.
18/ Pour finir, comment aimeriez-vous qu’on se souvienne de vous ?
Christophe : Comme un groupe intègre. Parce qu'on a vraiment tenté de l'être jusqu'au bout. Après je ne suis pas sûr qu'on se souvienne vraiment de nous. Parce que ce qui fait notre force, c'est la scène et une fois qu'on va arrêter de jouer, on va disparaître. Si la force d'un autre groupe ce sont les CD, les CD eux, ils restent.
Damien : Je parie que le mot qui reviendra le plus pour ceux qui se souviendront de nous après, c'est « énergie ».
La phrase qui me ferait le plus plaisir si on parle de nous après, c’est « Ils n’ont jamais fait semblant ».
Christophe : Il y a des personnes qui ont dit des phrases qui m'ont marqué. Je me souviens d’un gars qui était venu me voir il y a plus de 25 pour me dire « Tu sais Christophe, moi j'ai une vie de merde mais quand je vous vois, j'ai le sourire pendant une semaine ». J’y repense très souvent et c'est arrivé plein de fois où les gens viennent, et vous ne savez pas ce que ça représente pour moi. Et s'il y a juste quelques personnes dans le monde qui ressentent ça en pensant à nous, je trouve que c'est pari gagné.
Merci à Emile Helios et aux Thraso lecteurs qui ont proposé leurs questions.
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