An Unpleasant Journey

C'est accueilli par un orage des plus énervés que nous arrivons, mes compères et moi, au Grillen de Colmar, salle un peu casse-pied pour son éloignement géographique (en plein milieu de la petite ville de Colmar, au centre de l'Alsace) mais qui a tout de même eu l'audace de re-programmer cette très bonne affiche Black Metal devant initialement se tenir à Paris. Svartidaudi, l'entité au top du Black Orthodoxe grâce à son immense « Flesh Cathedral » s'unissait ce soir aux bourrins Canadiens d'Antediluvian et aux Belges prometteurs d'Emptiness. Et si le trajet s'est fait sous une chaleur étouffante donnant nettement plus envie de G-Funk que de Black Metal, les pluies de grêles présentes devant la salle semblaient apparaître comme prémonitoires... 

Emptiness :

Alors que tout le monde attendait Antediluvian, c'est finalement Emptiness qui aura la charge d'ouvrir la soirée. Dès le début du set, le groupe tente d'apporter une atmosphère au live grâce à un écran qui diffusera des vidéos inspirées de l'esthétique de leur dernier disque et à des capuches désormais classiques dans la sphère Black Metal. Le son est bien réglé ce qui nous permettra de nous immerger pleinement dans la prestation du quartet. Ce seront d'ailleurs les titres les plus progressifs qui retiendront ce soir l'attention, notamment grâce à quelques passages ambiants où planait une ambiance contemplatif et tristounette que ne renierait pas la Cold-Wave. D'ailleurs, le savoir-faire de la formation sera apprécié, notamment en ce qui concerne les montées en puissance, diablement bien exécutés. Volontairement peu communicatifs, le groupe se contente d'envoyer les riffs sans en faire de trop avec une mise en scène absurde, ce qui est un point très nettement positif. Un set tout à fait correct qui, s'il sera pénalisé par quelques passages un peu longuets, nous laissera tout de même un bon souvenir.

Antediluvian :

Ce qu'on pourra tout de suite affirmer, c'est qu'Antediluvian n'est pas Canadien pour rien. Si on a vite résumé leur travail studio à une sorte de Portal en version cave, la mouture live est carrément bestiale. Dès l'entame de show, on se sent vraiment dans l'ambiance Revenge / Conqueror. La dégaine des musiciens (et de la batteuse ou du batteur avec des seins ?), exhibant des mâchoires de cervidés autour du cou, nous conforte vraiment dans l'aspect sans pitié de la formation. Les quelques ralentissements où la lourdeur sera de mise me feront personnellement penser à Diocletian ou autres formations dont l'opacité est la marque de fabrique. Antediluvian ne relâchera pas la pression pendant toute la durée du set, délivrant les Blast-Beats tordus comme on enfile des perles, et nous délivrera une excellente prestation tant sur les quelques finesses musicales du riffing que dans la qualité du son. On notera d'ailleurs la très bonne prestation de la batterie, techniquement au poil. Nous sommes donc happés par cette ambiance Mongoldorak et nous perdons logiquement 10 ans d'âge mental. Un groupe qui tient ses promesses en concert et propose une brutalité bien plus affirmée que sur ses albums.

Svartidaudi :

Alors que nous attendons le début du show et l'entrée des musiciens dans une épaisse fumée, nous remarquons bien vite que les Islandais ont rangé au placard leurs fameux torchons de vaisselles noués et noircis. Dommage mais nous auront droit en compensation à des bandanas Thug Life, ce qui est quand même un peu moins cool mais bon, j'ai vu pire comme idée. C'est avec un « Venus Illegitima » que le quartet attaque sa set-list : tout de suite, je suis soufflé par autant de puissance et on comprends bien qui est le patron ce soir. Le son est franchement impeccable et on peut parfaitement entendre les deux guitares qui se répondent. Malgré le fait que le chanteur bassiste se soit vu obligé de changer de basse en plein milieu d'un morceau (problème de cordes visiblement), on ne pourra que rester admiratif de la prestation des ingénieurs du son qui auront assurer toute la soirée sans aucun couac. Pour le reste, c'est du tout bon : les Islandais sont carrés et piochent allègrement dans leur dernier EP sans pour autant faire l'omission sur l'énorme « Flesh Cathedral » en jouant les monstres que sont « The Perpetual Nothing » ou « Psychoactive Sacrements ». Gargantuesque, labyrinthique et alambiqué tout en conservant ces ritournelles d'arpèges dissonants propres à la transe, tel est Svartidaudi. Et de plus, ils se donnent : mention spéciale au chanteur/bassiste qui assure sa voix si particulière avec une puissance peu commune et au batteur qui finira son set en slip (si, si...) tellement il semblait en nage. Gros live très méchant de la part des Islandais que je conseille à tout le monde d'aller observer dans votre ville si l'occasion se présente.

Au final que dire ? Une très bonne date de la part de l'association qui a eu le bon goût et le courage de ré-organiser cette soirée dans une hâte que l'on imagine sans peine. Au final, le bilan est très nettement positif puisque nous étions tout de même un petit paquet dans la salle (une petite cinquantaine, ce qui n'est pas si mal pour un concert de dernière minute). Emptiness aura été prometteur, Antediluvian efficace et Svartidaudi, très nettement au-dessus de ses camarades et même des autres formations d'Orthodoxe que j'ai eu l'occasion de voir en concert. La grande classe, en quelque sorte... .