Fatherland Null
Live report
Fatherland Null Chaos Echoes + Impetuous Ritual + Portal + Ritualization
Le 01 Juin 2015 à Paris, France (Divan du Monde)
PORTAL et IMPETUOUS RITUAL réunis sur la même affiche... En France... Je vous laisse imaginer le degré de fébrilité et d’excitation dans lequel je me trouvais hier soir en voyant enfin arriver ce moment particulièrement attendu. Entre la peur de voir cette date annulée, celle de devoir faire face à un impondérable personnel du type : "il serait peut-être temps d’amener ta nana à la maternité" ou un quelconque coup du destin impliquant de voir tomber à l’eau cette date incroyable, voilà autant de prétextes souvent irrationnels (enfin presque) pouvant expliquer mon état d’esprit hier soir. Mais finalement, le plus étonnant est que je n’étais pas le seul à ressentir les choses de la même manière. C’est vous dire si ces deux groupes étaient attendus de pieds fermes par le public parisien.
Cependant, les choses ont démarrés plutôt tranquillement avec un RITUALIZATION venu prendre possession des planches devant un parterre encore un peu clairsemé. Même si le groupe qui arrive tout droit d’Orléans grimpe sur la scène du Divan du Monde avec cinq ou dix minutes de retard sur le planning annoncé, il n’est pas encore 18h30 lorsque résonnent les premières notes de leur introduction. Autant vous dire qu’à cette heure-ci, une bonne partie du public est soit dans les transports en commun en direction de la salle, soit dehors en train de siroter quelques bières achetées deux fois moins cher qu’à l’intérieur. Fidèles au poste, Manu et sa bande vont néanmoins se charger de chauffer le public et à ce petit jeu-là, RITUALIZATION sait parfaitement comment s’y prendre. Malheureusement, peu après avoir lancé les hostilités, le groupe va être handicapé par un son approximatif, notamment cette basse trop présente à mon goût (couvrant quelque peu le son des deux guitares) et une grosse caisse au son synthétique. RITUALIZATION va d’ailleurs vite s’en rendre compte puisqu’avant d’entamer le troisième ou quatrième titre, le groupe va demander l’intervention sur scène d’un l’ingénieur du son. Un break de 2/3 minutes qui va plomber un peu le rythme mais va surtout permettre de corriger ce son de caisse claire excessif et pas forcément adapté au Black/Death féroce de RITUALIZATION. Pour le reste, pas de surprise puisqu’il s’agit pour moi de la quatrième fois face aux français. Tenu essentiellement par le jeu de scène possédé de Manu (le regard toujours aussi fou et inquiétant) et les blasts du bien nommé Blastum, RITUALIZATION va livrer une prestation efficace en guise de mise en bouche. Pas de véritables moments de bravoure mais une succession de titres nerveux et incisifs qui font toujours l’effet escompté.
En 2012 je découvrais CHAOS ECHOES lors du Kill-Town Death Fest. Cinq minutes avaient suffi pour me faire dire que le nouveau groupe des frères Uibo (Bloody Sign) n’était définitivement pas pour moi. Toutefois, ai-je bien été obligé d’admettre qu’il y avait de la personnalité et du potentiel dans la musique des Français en découvrant l’excellent Tone Of Things To Come. Soucieux d’être un minimum au point en arrivant au Divan du Monde, j’ai donc mis à profit ma journée de travail pour me repasser les albums des groupes présents en ce lundi soir. Transient, nouvel album de CHAOS ECHOES a ainsi trouvé le chemin de mes oreilles après déjà plusieurs semaines sur mon iPhone. Et pour ne rien vous cacher, cette première écoute a été plutôt laborieuse. Aussi étais-je quelque peu méfiant avant la prestation des Colmariens. Finalement, grand bien m’a pris de ne pas esquiver une nouvelle fois cet évènement puisque j’ai été happé du début à la fin. Et alors que je m’attendais à avoir une salle clairsemée, j’ai également été surpris de voir que le public était bel et bien présent durant l’intégralité du set de CHAOS ECHOES. Quoi qu’il en soit, il m’apparaît bien difficile de vous décrire précisément ce qui se passe sur scène et ce que l’on peut ressentir à l’écoute de ces compositions qui s’apparentent davantage à des mouvements sonores en constante progression plutôt qu’à des "chansons" comme on l’entend au sens strict (intro / couplet / refrain...). Aussi, si mon ressenti sur disque lors de cette première écoute a été plutôt mitigé, les trois nouvelles compositions (pour un total de quatre) jouées en ce lundi soir se sont montrées bien plus convaincantes. Comme sur disque, c’est la basse de Stefan Thanneur qui s’impose comme l’élément central de la musique de CHAOS ECHOES. Elle mène ainsi la danse, accompagnant l’auditeur dans cet univers étrange à la fois contemplatif, multiforme et pourtant terrifiant. Le groupe va ainsi développer ses atmosphères tantôt lumineuses, tantôt menaçantes en y apportant des riffs et des patterns de batterie extrêmement aliénants de part cette répétitivité. Cette rigueur monotonique est à chaque fois contrastée par des passages plus incisifs, plus intenses mais aussi forcément plus courts où se glissent alors quelques lignes de chant et qui servent de défouloir autant pour les quatre membres du groupe que pour le public qui peut ainsi lâcher prise l’espace d’un instant. Et si Transient nécessitera plusieurs écoutes avant de savoir s’il me passe toujours au-dessus malgré les qualités que je perçois déjà et qui sont celles caractérisant fondamentalement CHAOS ECHOES, je reste encore surpris de la facilité avec laquelle je me suis retrouvé pris dans ce tourbillon musical et quasi instrumental. La musique expérimentale à cette froideur et cette absence de forme qui la rend souvent impénétrable. CHAOS ECHOES semble posséder la clef pour faire de cet obstacle un véritable atout. A moi de me donner désormais les moyens pour tenter d’y accéder sans résistance. Quoi qu’il en soit, cette expérience sonore fût on ne peut plus concluante pour tout le monde.
Changement radical d’atmosphère avec l’arrivée sur scène d’IMPETUOUS RITUAL vêtu de bien peu de choses si ce n’est de pagnes et de bracelets à clous démesurés. En les voyants débarquer comme ça, avec leurs cheveux longs et leurs visages sales et menaçants, je me dis que le groupe pourrait bien figurer dans le prochain Mad Max. On quitte ainsi les sphères expérimentales de CHAOS ECHOES pour se plonger dans l’univers frontal, moite et étouffant d’un IMPETUOUS RITUAL implacable du début à la fin. Une punition exemplaire servie par un son qui le sera tout autant. Un point particulièrement important pour quiconque a déjà posé ses oreilles sur le Death Metal dense et hermétique de l’entité australienne. Déjà pas forcément évident à aborder le temps d’une écoute dans de bonnes conditions, je vous laisse imaginer ce qu’il pourrait en être dans une salle dotée d’un ingénieur du son doté de deux mains gauches. Heureusement, c’est une chose qui n’arrive presque jamais au Divan du Monde (le Glazart devrait d’ailleurs en prendre de la graine). Puissante, charismatique, violente, sale, impressionnante... Voilà autant d’adjectifs qui me viennent immédiatement à l’esprit lorsque je repense à ces cinquante minutes absolument jouissives où le niveau d’intensité n’a jamais diminué d’un iota. Ignis Fatuu (guitare, chant), Omenous Fugue (guitare), Typhon (basse) et Necros Craigos (batterie), tels des guerriers assoiffés de sang et de violence, le regard fou, vont alors tout faire pour martyriser le public parisien au son de brûlots poussiéreux et organiques. Une setlist parfaite partagée entre les titres de Relentless Execution Of Ceremonial Excrescence ("Elegy", "Convoluting Unto Despondent Anachronism", "Unhallowed Ascendance Into Impurity" et "Ritual Of The Crypt") et Unholy Congregation Of Hypocritical Ambivalence ("Despair", "Sentient Aberrations", "Venality In Worship", "Verboten Genesis", "Inservitude Of Asynchronous Duality”"et "Blight"). Les riffs sales et alambiqués de la paire d’Ignis Fatuu et Omenous Fugue croisent ainsi le fer avec les frappes ininterrompues d’un batteur jusqu’au-boutiste alors que la basse grouillante de Typhon termine de lier le tout dans un déluge massif et impénétrable. Bien peu de temps mort et une surtout une très grosse impression laissée par IMPETUOUS RITUAL qui à la manière de Vassaforquelques semaines plutôt s’est montré particulièrement intransigeant.
Je profite de cette pause bien méritée pour aller prendre l’air et ainsi reprendre mon souffle avant l’arrivée de PORTAL sur les planches du Divan du Monde. Après vingt-minutes passées dehors, je retourne prendre la température à l’intérieur. Timing au poil puisque le temps de trouver ma place, voilà qu’arrivent sur scène les cinq australiens déguisés. The Curator porte des gants en cuir noir (dénués de toutes tentacules), une longue toge, une coiffe médiévale brodée d’argent ou d’or (difficile à dire en l’absence de lumière) et de plusieurs voiles superposés cachant un visage ridé et contorsionné. Le reste des musiciens se montre plus discret avec pour simple apparat une cagoule (percée ou non au niveau des yeux) sur la tête de chacun d’entre eux. Une théâtralité exacerbée qui a pour conséquence d’attirer le regard du spectateur. Une approche visuelle aussi captivante qu’effrayante qui rend toute résistance futile. Une sensation d’ailleurs renforcée par l’absence totale de communication. Et peu importe car nous sommes littéralement transportés dans l’univers lovecraftien de cette étrange engeance malgré un départ un peu inquiétant (son brouillon et approximatif au niveau des guitares qui s’est vite amélioré). Basse à cinq cordes, guitares à huit cordes, derrière l’aspect ultra dense de PORTAL se cache de sacrés musiciens. Un coup d’œil attentif au jeu des deux guitaristes suffit à comprendre qu’ils ne sont pas là pour amuser la galerie à coup de riffs hypnotiques et dissonants. Non, ça tricote bien souvent à toute berzingue, faisant des grands écarts qui m’ont fait mal aux doigts rien qu’à les voir... Mais à la différence d’IMPETUOUS RITUAL, le Death Metal de PORTAL offre davantage de variétés. Des passages moins tendus mais néanmoins toujours aussi suffocants et surtout bien plus lourdingues où les riffs aliénants (vous savez ceux qui buzzent comme des milliers d’avions en plein ciel) continueront de toute façon à vous rendre fou. The Curator, en maitre de cérémonie fait ainsi face à la foule tel un gourou devant ses adorateurs dévoués. Ses gestes sporadiques accompagnent les vas et viens montants et descendants des riffs alors que son growl abyssal et incantatoire semble donner naissance aux plus horribles créatures lovecraftiennes. D’ailleurs, à l’exception de quelques échauffements musclés et d’une baston avortée, le public parisien semblait davantage en transe qu’enclin à lancer un pit digne de ce nom. Quant à la setlist, absolument rien à jeter avec évidemment beaucoup de titres issus de "Swarth" et "Vexovoid" mais aussi quelques-uns tirés de Seepia et Outre. Entre "Kilter", "Curtain", "Swarth", "Abysmill", "Omnipotent Crawling Chaos", "Awryeon" et un "Werships" bien lourdingue en guise de conclusion, la foule a été plus que gâtée. PORTAL s’en ira comme il est venu, fier et conquérant.
Difficile de faire soirée plus réussie. Tout était réuni pour passer un excellent moment. Groupes efficaces et rompus à l’exercice de la scène. Conditions de jeu exemplaires. Public venu en nombre. Des potes d’ici ou d’ailleurs… Bref, on espère que cela aura permis à l’association Wolf Throne de récupérer quelques billes après les mauvais résultats financiers de la dernière édition du festival en mars dernier. En tous les cas, si vous n’y étiez pas, vous avez eu sacrément tort.
| AxGxB 3 Juin 2015 - 778 lectures |
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