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Gaahl's Wyrd + Gost + Mayhem

Live report

Gaahl's Wyrd + Gost + Mayhem Le 05 Novembre 2019 à Paris, France (Machine du Moulin Rouge)
Des Grands Anciens du black metal norvégien, il n’y en a finalement que très peu que j’ai vu en concert. Et en écrivant “très peu”, je réalise qu’il faut le prendre au sens “aucun” de l’expression “très peu”. J’ai eu quelques occasions pourtant … Au fond, je n’ai pas vraiment envie de les voir en concert. Bien sûr, si une occasion vient se pointer juste sous mon nez, je vais la saisir. Mais ce ne sont pas des groupes que je tiens particulièrement à voir en concert, à la différence de dizaines de groupes de heavy, de death, de doom ou de thrash par exemple. J’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer sur Thrashocore, mais ma chapelle musicale définitive est le black metal, et s’accompagne bien évidemment du culte des formations légendaires qui lui sont associées. Mais je préfère écouter et ressentir ces albums dans la solitude, chez moi, sans personne autour pour me déranger, afin de m’imprégner totalement de leur atmosphère. Tout est une question d’ambiance dans ces disques, ils ne sont rien d’autre que la capture sur support physique des univers intérieurs de leurs géniteurs. Cependant, Mayhem constitue une exception. Parce que Mayhem, ce n’est pas “simplement” du black metal. Mayhem, c’est une entité musicale qui est passée par beaucoup de phases différentes, en embrassant et définissant au passage différentes tendances musicales au gré des années. Le groupe a préfiguré le black metal en noircissant un thrash morbide et primitif, puis a sorti l’album le plus représentatif du black metal norvégien, pour mieux déconstruire ce dernier par la suite en lui faisant subir d’improbables mutations. Et justement, il semblerait qu’après deux décennies d’expérimentation, le groupe ait décidé de revenir aux atours de leur plus grande œuvre en sortant un sixième album très proche du black metal de De Mysterii Dom Sathanas. The Past is Alive !

Pour parler (enfin) du concert de ce Mardi 5 Novembre qui avait lieu à la Machine du Moulin Rouge, il faut rappeler que l’organisation avait décidé de laisser la première partie de la soirée se dérouler sous les assauts de Gost, formation synthwave américaine qui embrasse cette tendance du mouvement à reprendre les codes du satanisme à la sauce kitsh des 80’. N’y connaissant absolument rien à la musique électronique et n’ayant aucun attrait pour ce genre, je resterai complétement de marbre face à la prestation, remarquant vaguement le mélange difficilement supportable à mon goût de grosses rythmiques synthétiques agressives avec des voix hurlées par-dessus. Je ne vais pas mentir, j’ai poussé un gros soupir de soulagement à la fin du set. Tout le monde a bien le droit d’aimer ce qu’il veut, et je trouve moi-même parfois mon compte sur quelques pistes de Perturbator, mais j’ai trouvé cette première partie particulièrement pénible, et surtout absolument pas adaptée au reste de la soirée. Si cette mode très discutable et fatigante qui sévit depuis quelques années consistant à programmer des groupes de synthwave avant des groupes de black pouvait enfin cesser, j’en serai définitivement le premier ravi.

Vient ensuite le premier groupe intéressant de la soirée, Gaahls Wyrd. Vous connaissez le principe, Gaahl et ses compagnons jouent des titres composés pour ce nouveau projet, mais aussi des titres de God Seed, des titres de Trelldom et enfin des titres de Gorgoroth tirés de la période Ad Majorem Satanas Gloriam. Je suis, à titre personnel, très fan de cet album, ainsi que des deux premiers Gorgoroth. En revanche, je ne connais pas du tout God Seed, et j’avoue penser que les titres du très intéressant premier album de Gaahls Wyrd ne me semblent qu’assez peu convenir au live. Il était donc fort probable que je ne connaisse pas la plupart des titres jouées ce soir. Enfin, voyons ce que cela donne. Les musiciens arrivent sur scène, se campent devant les retours et commencent à envoyer un titre que je ne reconnais pas. Gaahl arrive après quelques mesures, avec sa démarche d’illuminé, sa stature de prophète, son corpse paint si caractéristique et son expression habitée. Il n’exprime rien, se contente de se placer devant nous et de chanter. Et quelle voix, mes aïeux, quelle voix ! Susurrante, grondante, hurlante, cérémonielle parfois … Gaahl possède une impressionnante maîtrise de ses cordes vocales. Il s’autorisera même quelques montées dans les aigus à la King Diamond. Le set se déroule tout seul, sans trêve, avec quelques interludes plus ambient entre les titres. Je reconnais la très célèbre “Carving a Giant”, qui fait réagir le public comme il se doit. En revanche, je nagerai un peu en plein inconnu pour le reste du set, la faute à un son très brouillon, appauvri par des guitares faiblardes et une batterie trop forte sur le premier quart du concert. D’une manière générale, tout tourne autour de Gaahl, de ses gestes lents, de ses errances sur la scène, de son regard intense et de ses talents de vocaliste. Sans même bien connaître les morceaux joués, je reste pourtant accroché par le set, sans toutefois m’y immerger complétement. Il faut bien admettre que Gaahl reste magnétique et incroyablement charismatique. Tout ce beau monde se retire après une cinquantaine de minute, sans avoir joué LE morceau que j’attendais, à savoir “Prosperity and Beauty”. Gros coup dur, moi qui l'espérais de pied ferme, sachant qu’il est joué presque à chaque fois par le groupe en fin de live. Dommage … Un concert globalement bon, mais entaché de plusieurs défauts dont beaucoup me sont directement imputables.

Vingt grosses minutes de pause, et c’est au tour de Mayhem de venir nous agresser. C’est pour eux que je suis venu, et je les attends de pied ferme. Le décor est posé, avec l’énorme batterie de Hellhammer qui doit faire pas loin de deux mètres de haut. Une montagne de tomes et de cymbales, à se demander comment ce cher Jan Axel fait pour atteindre les plus hautes cimes de son kit. Des étendards aux couleurs du dernier album sont également plantés de part et d’autre de la scène. Toute de suite, le set commence avec le débarquement sur scène de Gul et Teloch, tous deux taillés sur le modèle de grands et gros biftecks de muscles. Chacun d’un côté de la scène, en cols roulés impeccables, les cheveux rasés, le pantalon noir et les grosses pompes posées sur les retours. Ils dégagent immédiatement quelque chose de totalitaire, une autorité sobre et froide. Necrobutcher fait complétement contraste à côté, avec sa tête de Gollum croisé avec Tortue Géniale, ses trois mèches filasses attachées derrière son maigre crâne, sa carrure rachitique et son attitude de petit teigneux pas commode. Lui flotte complétement dans le même uniforme que ses comparses guitaristes. Le maître de cérémonie entre enfin en scène. Attila, le démon Attila avec son étole profanatoire, son gigantesque crucifix inversé autour du coup, son masque rituel cornu et sa capuche. Le concert commence en envoyant quarante minutes de titres majoritairement tirés du dernier album, assortis d’un ou deux titres de The Grand Declaration of War et peut-être un de Chimera, que je n’ai plus écouté depuis longtemps. Le son est parfait, les guitares sonnent divinement mauvaises, la basse de Necrobutcher tonne et menace comme s’il avait réellement décidé de tirer Euronymous de sa tombe pour l’y renvoyer par la suite comme il l’avait bien évidemment prévu à l’époque (hin hin), et la batterie de Hellhammer martèle avec la précision et la puissance qu’on lui connaît. On note d’ailleurs des parties de batterie particulièrement intéressants sur les morceaux du dernier album.

Je crois me souvenir que Teloch avait été baptisé “l’andouille premier choix” dans une chronique du très regretté FleshOvSatan, et il faut bien admettre que tout ce qu’a produit le monsieur a tendance à me gonfler. Mais alors dans Mayhem, pardon, mais le gars est bon. Esoteric Wafare restait très correct, et il fallait bien que Teloch se mette dans les pompes de compositeur attitré du groupe le plus légendaire du black metal norvégien, chargé qui plus est de remplacer l’immense Blasphemer. Son tour de chauffe était très honorable, et il semble maintenant avoir atteint son évolution finale. L’excellent dernier album de Mayhem le prouve, et sa prestation scénique également. Pas le moindre accroc, une présence scénique sévère et intimidante … Pas si mauvaise que ça, cette andouille ! Ghul ne fait pas du tout dans la déconne de son côté non plus, avec (malgré ?) sa petite moustache d’inspecteur de police d’ex-RDA nostalgique de la SS reconverti en producteur de porno. Necrobutcher est, comme à son habitude, manifestement sous substance, avec ses grands tremblements de tête, son regard de dingue, ses gestuelles de punk désabusé qui sonnent autant exagérées que réellement cyniques, ses vacillements et sa basse plus grosse que lui … Mention spéciale à l’instant scénique culte où il part boire un coup de Vitel pour revenir la recracher en un long jet rageur sur la scène pour ensuite nous beugler dessus en agitant sa tête de lézard comme s’il venait d’égorger un veau … Parfait. Mais surtout, c’est Attila qui retient toute l’attention. Attila et ses gestes grotesques, Attila et ses poses tragiques, Attila et ses pas de danse chaloupée, et surtout sa putain de voix incroyable qui louvoie avec une aisance incroyable entre chant diphonique, hurlements de damné, grognements de fond de trachée et grondements gutturaux. Il n’a cessé de me faire penser à une goule exultant sans fin dans une joie morbide, s’amusant avec sa croix d’os inversée et son nœud de pendu. C’est bien simple, avec l’autre sorcière ricanante de Necrobutcher à côté, j’avais l’impression d’être plongé dans le vieux film danois Häxan. Cette espèce d’ambiance presque grand-guignolesque, théâtrale, grotesque, qui pourrait si facilement tomber dans le ridicule, mais qui impose finalement une telle présence morbide qu’on ne peut qu’être pris dans le concert. Attila est un possédé qui s’est offert au Maître et rit dans Sa Joie, imposant sans pudeur la scénette mortifère de son exaltation diabolique.

Après quarante minutes, les musiciens quittent la scène, et c’est un nouveau décor, beaucoup plus religieux, qui est installé sur la scène. La lumière devient bleue, la fumée envahit les planches. On sait tous ce qui arrive. Les musiciens reviennent, dans de longues bures de moines, et c’est l’inégalable De Mysterii Dom Sathanas qui vient faire planer son ombre sur la salle. Aux premières notes de “Freezing Moon”, j’ai immédiatement un frisson dans le dos. LE morceau culte de Mayhem. Grandiose. Attila devient un dévot satanique, sublimant la chanson de son chant terrible. Seul petit bémol, le légendairee solo assez peu audible. Suivent la monstrueuse “Pagan Fears” avec son riff de début irrésistible et ses trémolos hantés, la mystique “Life Eternal” avec son arpège possédant, et enfin le morceau éponyme avec ses riffs hostiles et le chant déclamatoire d'Attila. Je n’aurais pas craché sur un petit “Buried by Time and Dust” ou un "Cursed in Eternity" en plus, mais c’est du pinaillage. Quatre morceaux d’anthologie, joués avec une incroyable conviction. L’aura du groupe est immense. Voilà exactement la raison pour laquelle je voulais voir Mayhem sur scène, le pressentiment que les morceaux de De Mysterii Dom Sathanas ne peuvent qu’être sublimés sur scène.

Dernier changement de décor, Necrobutcher nous revient en exposant son torse de prisonnier politique syrien, Attila a sorti la veste en jean aux couleurs de son groupe et expose enfin son visage clairement, avec sa coupe de cheveux improbable et son étrange maquillage. Le bonbon final, tout Deathcrush. Grosse énergie punk, musique thrash primitive, feeling rock sombre et crade de dingue. Enorme moment, qui passe à tout allure. “Chainsaw Gustfuck” joué après le morceau éponyme casse tout, et le carnage ultime arrive sur le final “Pure Fucking Armaggedon”. Enfin, le groupe se retire après près d’une heure et demie.

Poulalah … Quelle soirée. Le mauvais moment Gost et l’intéressant Gaahls Wyrd ont été complétement éclipsés par l’aura intouchable de Mayhem. On sait que les performances du groupe ont souvent été critiquées, certains ne supportant définitivement ni la voix ni le jeu de scène d’Attila. Mais alors là … Aucun reproche possible. Mayhem a été impérial. Le groupe affiche une conviction et une forme impressionnante malgré son histoire si troublante et sa fondation en 1984. La caravane de mort continue sa route, et on s’étonne que le très frêle Necrobutcher ait réussit à survire à son propre groupe après toutes ces années. Et pourtant, malgré tout, Mayhem est toujours là, et bande toujours avec une vigueur satanique.

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