Ayant déjà manqué il y a cinq ans, pour une raison maintenant oubliée et probablement mauvaise, le dernier passage d’
UNSANE à Paris, cette date au
Petit Bain faisait donc l’effet d’un événement incontournable de fin d’année, d’autant que cette formation me persécute les oreilles depuis 2003 (oui, je sais, c’est un peur tardif) et la compilation «
Lambhouse : The Collection 1991-1998 » précédant la sortie du très bon (comme toujours) «
Blood Run ».
J’avais eu la chance d’assister à un concert de
TODAY IS THE DAY, je ne verrai probablement jamais
ZENI GEVA donc, avec
UNSANE, cela fera deux groupes sur trois de mon podium du
noise rock / noise core, je saurai m’en satisfaire. A la limite, ma seule angoisse est que la sonorisation ne soit pas à la hauteur de l’attente.
Comme toujours avant un concert au
Petit Bain, la soirée débute par quelques bières au bar, le bien nommé « Le Comptoir », un endroit fort chaleureux qui permet de patienter tranquillement jusqu’à 20h, voire un peu plus, et l’ouverture des portes. La première partie sera assurée par le trio suisse
ASBEST composé de (j’hésite à écrire ces mots de peur de genrer) deux femmes (guitare – chant ; basse – chant) et un mec à la batterie. S’ils présentent leur style comme étant de l’
abrasive post punk noise, je ne vais guère pouvoir souscrire à l’aspect abrasif. Certes le son n’est pas très puissant (je n’ai même pas besoin de mes bouchons d’oreille), ce qui limite certainement l’impact sonore, mais j’ai trouvé les compositions globalement trop plates, pas tellement du fait de tempos plutôt lents car j’ai apprécié la touche
slowcore de la démarche, plutôt parce que ça n’allait justement pas assez loin dans les dérives bruitistes. Autrement dit, c’est encore trop propre, trop léché pour du
noise, en dépit d’un chant primal, plus craché à l’instinct que travaillé. C’est peut-être aussi l’objectif recherché, que de parvenir à l’équilibre entre mélodies et chaos, auquel cas ça fonctionne bien même si ça ne m’emporte pas outre mesure. Une première partie en demi-teinte (les premiers rangs ne seront sans doute pas de cet avis) qui ne risquait de toute façon pas de voler la vedette aux héros du jour.
Bon, tout cela ne m’empêche pas de garder une oreille attentive et curieuse, j’irai même écouter quelques titres studios pour me faire un deuxième avis, cela dit on est quand même très loin du niveau d’une autre formation suisse qui elle aussi officiait dans le
noise rock (un peu plus expérimental certes) et qui tabassait sévèrement :
ALBOTH!. Concernant les aspects extra musicaux, il semblerait que le groupe soit engagé dans le mouvement antifa, c’est du moins ce que laisse à penser leur participation au
Unite Antifa Festival, mais bon, un combat ou une idéologie change-t-il quelque chose à la musique en elle-même ? Si vous êtes intéressés, le mieux est encore soit de vous mettre «
Driven » soit d’attendre mars 2023 et la sortie de «
Cyanide » chez
A Tree in a Field. Je profite de la langueur des derniers morceaux pour faire tranquillement un petit tour au merchandising d’
UNSANE, hélas assez peu fourni. Je trouve néanmoins mon bonheur, la soirée est sauvée, le t-shirt est dans la besace.
Les New-Yorkais montent enfin sur scène. Leur musique est une définition de la violence et de la folie urbaines : un bloc de béton maculé de cervelle et de cheveux, une barre de fer suintante de sang, des bagnoles explosées avec de la graisse humaine fondue sur les sièges, des chicots luisants sous la lune au fond d’un caniveau, les titres s’enchaînent sans répit, les quelques secondes de transitions étant meublées par les réglages des instruments, ces interludes étant parfois même aussi bons que les morceaux eux-mêmes. Le groupe ne communique pas, il est concentré sur sa bastonnade en règle, le son est hyper tendu avec une basse qui claque sèchement et cette putain de batterie qui pulse, balance des gravats, des rythmes lourds comme des parpaings, qui concasse les têtes tout en réussissant à être technique, impressionnant.
Bien entendu, il y a le chant et la guitare de
Chris Spencer. Le premier est hurlé, sans recherche mélodique particulière, toujours avec le timbre et l’intensité des voix que l’on entendrait en passant trop près des fenêtres d’un asile d’aliénés. La seconde crache ses larsens, ses harmoniques malmenées, ses riffs mastoc de
hardcore et bon sang c’est vraiment génial de voir ces types sur scène tant ce groupe me hante depuis que j’en ai entendu parler pour la première fois dans le magazine « Rage (Revue Assourdissante de la Génération Electrique) », paru entre 1992 et 1994, probablement le meilleur journal de musique que j’ai pu lire.
J’ai parlé du son, j’ajouterai également un mot sur les lumières : leur sobriété était parfaitement adaptée à ce que dégage
UNSANE en live. C’est typiquement le genre de concert où tu n’as pas envie d’être pollué par des lights qui clignotent comme si un hystérique tenait les manettes, des fumigènes, des changements incessants de couleurs et d’angles d’éclairage… Non, nous étions juste là pour regarder trois gars qui malmènent leurs instruments, matraquent leur auditoire et, surtout, qui n’ont pas besoin d’habillage superflu pour épater l’assemblée.
Bref, quand le concert se termine, je suis heureux comme un pape.
UNSANE n’a certes pas fait salle comble mais la musique est si particulière qu’elle ne pourra jamais être grand public. Je n’ai pas la setlist à communiquer mais le groupe s’est surtout concentré sur ses quatre premiers disques («
Unsane », «
Total Destruction », «
Scattered, Smothered and Covered », «
Occupational Hazard »), un show bien old school donc, période qui reste celle que je connais le mieux.
On remercie le
Petit Bain pour la bonne sonorisation et
Voulez-vous danser pour l’organisation. Encore une chic soirée !
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