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Tyrant Fest VI

Live report

Tyrant Fest VI Cult of Fire + Deliverance + Enslaved + Karras + Mütterlein + Nature Morte + Otargos + Pénitence Onirique + Witching
Le 21 Octobre 2023 à Oignies, France (9-9Bis)
Qui dit mi-automne, dit rendez-vous en cette belle salle du 9-9bis dans le nord de la France pour le salut annuel à notre cher tyran. En plus de la qualité de l’organisation et des installations techniques, le lieu vaut le déplacement pour son côté historique avec sa fosse, le terril à proximité et l’ensemble des détails qui permettent de se faire une idée de la vie à la mine des ouvriers de l’époque. L’endroit est d’ailleurs inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de « paysage culturel évolutif ».
Parfait pour le Festival Noir dont c’était la VIème édition.



Dialo

Avant de se faire du bien (ou du mal, c’est selon) aux tympans, le programme prévoit la conférence « Ecrire et publier sur le Metal extrême », une discussion à destination des métalleux qui savent lire (blague issues de ces échanges, lol). L’objectif est de se faire rencontrer des acteurs du livre et de la presse spécialisés Metal, avec les représentants des Editions des Flammes Noires, de Malpermesita Records & Bookstore, d’Heretik Magazine, ainsi que de l’auteur du livre « Dans l’Ombre des Terrils » et de la traductrice de « The Devil’s Cradle, l’Histoire du Black Metal Finlandais ».
Les débats ont notamment porté sur les difficultés de vivre de sa passion métallique, de l’évolution des supports de la presse, du coût des festivals ou encore des caractéristiques socio-démographiques des métalleux.
Intéressante mise en bouche qui a permis de remettre dans son contexte ce qui nous anime au sein de la culture Metal, et de pronostiquer ses prochaines mutations.



DELIVERANCE

C’est à 16h00 que commence la musique. Pas évident en principe d’ouvrir en milieu d’après-midi mais la salle est déjà bien remplie quand les 4 Parisiens (qui fêtent les 10 ans de leur formation) lancent les hostilités, donc ça part déjà bien niveau ambiance. Un effort de décoration est relevé par ailleurs, avec accrochée en hauteur, la toile d’un personnage qui se fait dévorer. Et posés sur scène, derrière le guitariste et le bassiste, un alpha et un oméga géants dégoulinants. Quant au crieur, il porte un corpse paint peu courant puisque la partie noire couvre le bas droit de sa bouche et le tour de son œil gauche. Ce qu’ils nous envoient dans les conduits auditifs n’est pas habituel non plus : il s’agit d’un Blackened Sludge avec un apport de sons électroniques lancés le chanteur également claviériste.
Le show se déroule sans accroche pour se terminer par « Odyssey », un morceau de plus de 18 minutes (au début synthétique un peu Pop/New Wave) issu de « Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn », leur troisième et dernier album en date (sorti il y a tout juste un an). Au final, 45 minutes originales qui auront permis de gagner l’estime des amateurs de mid-tempos plutôt lourds ainsi que des auditeurs les plus ouverts (pour le mélange des genres et les sonorités électroniques). Notons que nous retrouverons Etienne (le guitariste et second chanteur) un plus tard car il officie aussi au sein de KARRAS.



WITCHING

On reste dans le Sludge avec les Américains de WITCHING, mais dans une version très énervée et sans les influences progressives et Post Metal que DELIVERANCE inclut dans ses compositions.
Malgré un important tour européen (leur premier) de 21 dates qui se terminait ce jour, les amateurs de MANTAR et de « Sailor Moon » (à en croire les t-shirts portés par la chanteuse et une guitariste) avaient encore toute l’énergie nécessaire pour crier leur colère à travers leurs nouvelles chansons que nous découvrions. En effet, parmi les 5 qui ont été jouées, 4 sont extraites de « Incendium », leur galette fraîchement pressée qui sortait officiellement 6 jours après cette prestation live. Mis à part « From Beneath » qui est très Doom et « So Young, So Useless » qui est plus équilibrée dans les émotions (un peu dépressif) et qui a conclu le set, ce combo principalement féminin, évolue clairement plus dans un esprit Punk Hardcore.
La chanteuse s’exprime surtout via un chant criard mais le chant clair qu’elle adopte à plusieurs reprises et tout à fait correct. Quant aux musiciens, ils m’ont tous semblé être d’un bon niveau et la bassiste avait vraiment l’air de prendre son pied !



PENITENCE ONIRIQUE

Les Chartrains impressionnent, rien que par leur présence : ils sont 5, alignés en face de nous (+ le batteur au fond) répartis sur toute la largeur de la scène, devant deux toiles disposées à droite et à gauche, qui représentent le visage d’un vieil homme au regard perçant (couverture de leur disque « Vestige » de 2019). Tout d’abord dos tourné au public, le fait de se retourner conservera un aspect mystérieux puisqu’en plus d’être encapuchonnés, leur visage est caché derrière le même masque doré. Cela fait intégralement partie de leur concept et Bellovesos (guitariste lead) expliquait, dans son interview donnée à Thrashocore il y a quelques années, vouloir symboliser ainsi une réflexion sur la vue.
Musicalement, nous avons affaire à du Black Metal sombre, froid et intense (merci les 3 guitares), soutenu par des rythmes puissants de batterie (je la sentais vibrer dans mon corps) et parfois aéré de passages plus atmosphériques. En ce qui concerne le chant écorché en français, il est de temps à autre alterné à une voix plus grave, ce qui rend particulièrement bien.
Il me manque la set list mais j’ai entendu le chanteur annoncer un titre (« Lama Sabachthani » ?) de leur prochain album « Nature Morte », à paraître le 3 novembre chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. C’était rapide et brutal, ça m’a plu. Mon coup de cœur du festival ; on va donc maintenant aller se repentir dans l’attente de ce nouvel opus.

Photo de PENITENCE ONIRIQUE par Iphigénie


NATURE MORTE

Le running order du festival me facilite la transition pour cette chronique car après vous avoir parlé du CD « Nature Morte » (de PENITENCE ONIRIQUE), je continue avec la prestation live du groupe (cette fois) NATURE MORTE.
Pendant la demi-heure qui leur était allouée, le désormais trio a su créer une ambiance très intimiste dans la petite salle de l’auditorium, où nous nous sommes retrouvés quasiment dans le noir. Seules quelques lumière-bougies par terre ainsi qu’un éclairage bleu (parfois alterné à du rouge) partant du sol permettaient de voir les Parisiens s’adonner à leur mélange Post-Black/Shoegaze (ils se qualifient d’« Indie-Metal ») et explorer le thème de la folie. Leur son plein d’effets (les nombreuses pédales posées devant eux en témoignent) contribuent également à cette atmosphère unique, riche d’un savant dosage de mélodies, de passages contemplatifs et d’accélérations Black métalleuses (avec un bassiste chanteur dynamique qui ne tient pas en place). Une très bonne découverte en live et une occasion pour le groupe qui était en début d’une mini-tournée française de 7 dates, de nous dévoiler plusieurs extraits d’« Oddity », leur 3ème LP sorti fin septembre chez Frozen Records. Cela devrait bien marcher pour eux car ils ont été très applaudis !


KARRAS

Etienne, vu à la guitare au sein de DELIVERANCE, est donc de retour sur les planches, mais pour KARRAS, il troque sa gratte contre la batterie (que j’ai à nouveau bien sentie vibrer). Ayant revu l’« Exorciste » quelques jours auparavant, le nom de ce groupe me disait quelque chose, car c’est en effet le nom du jeune prêtre dans ce film culte. Le power trio parisien rend donc hommage à la vie et à la mort du père Damien Karras. Mais il paie également son tribut au Punk Hardcore et au old-school Death (j’ai même souvent pensé au « Undisputed Attitude » - les reprises de punk par SLAYER) ainsi qu’au Grindcore (« Demons Got Rhythm » d’une durée de 8 secondes !). Et cela est très efficace en concert car malgré un petit peu moins de monde que pour les formations précédentes, le chanteur bassiste a demandé au public de se rapprocher de la scène puis quand il a lâché la sauce, ça s’est mis à bouger dans la fosse : pogos (merci au costaud au t-shirt GUMMO d’avoir lancé le mouvement) et circle pit (en particulier sur « My Aim Is Violence », un titre fait pour bouger). De toute façon, le chanteur nous avait prévenus que si ça ne bougeait pas, le guitariste refuserait de jouer ;-). Si vous n’avez pas l’occasion d’aller les voir, vous pouvez toujours écouter “We Poison Their Young » paru il y a un mois chez M-Theory Audio, et vous casser les cervicales à la maison ! (Thrashocore décline toute responsabilité)



MÜTTERLEIN

Retour à l’auditorium pour une nouvelle expérience intimiste. En arrivant, nous nous trouvons cette fois face à un cercle fait de 14 serpettes juchées sur des piques entourant une console. Au bout de quelques instants, Marion (il s’agit d’un one-woman band) apparaît et se positionne en son centre avec sa guitare, juste devant la machine. Son projet, qui va déjà bientôt avoir 10 ans, nous propose maintenant un mix de Dark Ambiant, Cold Wave et Metal (Doom, Black…). Les sonorités électroniques/Indus sont présentes et participent à la création d’une ambiance ritualiste et envoûtante, qui aura été renforcée par des jaillissements de fumées provenant du fond de la scène.
L’artiste a utilisé sa guitare sur la 1ère partie des trois quarts d’heure du set pour ne se consacrer qu’aux claviers sur la 2nde, soulignant les côtés froids et répétitifs de sa musique. Cela accompagnait particulièrement bien le chant plaintif et les motifs dédiés à la mélancolie et à la solitude.
J’ai réécouté en rentrant un soir et la magie a opéré à nouveau. Je vous invite donc à jeter une oreille attentive à « Bring Down The Flags » (Debemur Morti Productions, 2021) en attendant la prochaine offrande que prépare Marion.



OTARGOS

Le commando des Bordelais mené par Dagoth (guitare et chant) nous délivre un Black/Death martial depuis 2001. Qu’est-ce que cela va donner sur scène ? Le quartet s’impose tout d’abord avec son look de « méchants » très science-fiction, inspiré de l’univers de Warhammer 40K. Ensuite, les jeux de lumière verte et blanche (couleurs assez inhabituelles dans un concert Metal) les mettaient bien en valeur et complétaient les rayons du rouge plus « classique ». Quant à la set list, sur les 11 titres entendus, 4 étaient extraits de « Fleshborer Soulflayer », leur 7ème et plus récent opus (XenoKorp, décembre 2021), dont « Cyclones of Steel », visiblement apprécié par les festivaliers du Tyrant.
J’aurais peut-être aimé un peu plus de variété (l’ensemble étant plutôt homogène) de la part du « bouc » (traduction d’otargos en ancien grec) mais les compos étaient efficaces et bien envoyées, notamment « Nullabsolut » dont le rythme a su nous entraîner avec énergie jusqu’à la fin de leur show.


CULT OF FIRE

Alors pour la préparation du spectacle des Pragois, cela se passe derrière un gigantesque drap. Donc la surprise est gardée jusqu’au dernier moment. Et quand le rideau tombe après de longues minutes de patience, c’est pour dévoiler un autel (décoré de statuettes hindous, de fruits et de chandeliers allumés) derrière lequel le chanteur voilé et flanqué d’une couronne de crânes surmontée de grandes cornes est en train d’effectuer un rituel en versant un liquide blanc (qui fait penser à du lait). Quant aux deux guitaristes, ils sont surélevés, gantés, masqués et installés en position du lotus sous un décor en forme d’énormes cobras (ils resteront ainsi sans bouger toute l’heure durant, impressionnant !). Le batteur est également costumé (comme les autres artistes) et il n’y a apparemment pas de bassiste.
Musicalement, on a du Black Metal traditionnel (beaucoup de tremolo picking et une batterie qui tabasse), agrémenté de nappes de clavier pour le côté atmo et les ambiances védiques.
En milieu de set, le vocaliste poursuit son cérémonial, renforçant ainsi la thématique de la mythologie hindoue pour ceux qui auraient manqué le début. C’est resté assez statique mais cela n’a pas empêché les fans d’en prendre plein la vue (ainsi que les oreilles bien sûr) et de découvrir dans de très bonnes conditions live l’EP « Om Kali Maha Kali » sorti en début d’année par le label tchèque Beyond Eyes.



ENSLAVED

C’est avec un extrait du film « Orange mécanique » (lorsque le psycho Alex présente sa petite bande) que les vétérans de la tête d’affiche (ils œuvrent depuis 1991) ouvrent leur partie. Pour la set list, ils avaient choisi de représenter plusieurs périodes de leur longue carrière, même si près de la moitié de ce que nous avons entendu (3 morceaux sur 8) était issue de « Heimdal » (dont le titre éponyme), leur 16ème LP que nous avait proposé Nuclear Blast en mars dernier.
Jouant dans l’hexagone et d’autant plus dans les Hauts-de-France, les Norvégiens ont fait 2 clins d’œil à leur pièce musicale « Below the Lights » qu’avait sortie le label du Pas-de-Calais Osmose Productions en 2003 : « The Dead Stare » suivi de « Havenless », hymne viking par excellence avec son intro & son outro épiques. L’anecdote est que durant ce hit, le chanteur bassiste trifouillait un boîtier pour en faire sortir des sons électroniques mais qu’il n’avait pas l’air très à son aise dans cet exercice. Il était en revanche bien sûr très serein comme vocaliste, par ailleurs soutenu par le batteur (et le claviériste dans une moindre mesure) pour le chant clair (on se demandait au début d’où venait ces parties vocales, comme la bouche d’un batteur n’est pas ce qu’il y a de plus visible sur scène). Le musicien le plus à l’aise aura été le guitariste, un vrai virtuose faisant ostensiblement démonstration de la maîtrise de son instrument (un peu too much pour moi).
Alors c’est sûr que leur style a évolué au fil des années, devenant plus technique et progressif. Cela change par rapport à la dernière et unique fois où je les avais vus, en 1997 ! Bien que pour clore l’événement, ils ont nous offert « Allfáðr Oðinn » de l’époque de la démo « Yggdrasill » (datant de 1992), en faisant remarquer que leur claviériste actuel Håkon n’était pas né quand cela avait été composé.
Evidemment le public a été ravi de voir ce quintet dont la notoriété est plus que justifiée et qui a reçu l’accueil chaleureux mérité pendant cette heure ; un choix judicieux du Tyrant.



Merci à BlooD et aux groupes pour les photos !


Cette 1ère journée était vraiment top, avec un bon mélange de groupes français et internationaux, dont de nombreuses découvertes. Niveau orga, tous les « à-côtés » que l’on peut attendre d’un festival étaient présents : Metal market, foodtrucks, bars, sécurité sympa, toilettes propres… La seule amélioration que je vois serait de laisser 5 minutes entre chaque groupe, ce qui permettrait de ne pas louper la fin et/ou le début d’un des deux pendant le trajet entre les salles.
Enfin, je profite pour partager une info intéressante : on peut voir les enregistrements de plusieurs sets (surtout ceux du Métaphone) sur la page Facebook du Tyrant Fest.
Hail Tyrant !

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