BATUSHKA parcourt l’Europe au mois de novembre (une bonne quinzaine de représentations dont presque la moitié pour les Allemands, les veinards), accompagné de KANONENFIEBER et d’UBUREN. Les Français de HOULE sont de la partie pour 5 concerts, dont bien sûr, le stop parisien (unique date en France de la tournée). Cette belle affiche attire du monde, il y a une longue queue au 7 avenue de la Porte de la Villette et je ne suis pas sûr que tout le monde ait pu rentrer à temps, malgré un démarrage à 18h30 au lieu des 18h20 prévues.
HOULE
Après un festival en Belgique et leur participation au Winter Rising, les marins se joignent à la croisière de
BATUSHKA pour plusieurs escales et terminent leur accompagnement des Polonais ce jour, devant leur public parisien. L’événement est sold-out et ça se voit car la salle est déjà bien remplie quand
HOULE lance les hostilités, ce qui était loin d’être le cas des premières parties lors de mes dernières venues au Glazart. C’est un beau cadeau car à 3 jours près, les Parisiens fêtent le 1er anniversaire de leur EP éponyme (sorti chez les Acteurs de l’Ombre Production et
chroniqué par Sosthène). Ils nous l’auront d’ailleurs joué en intégralité, avec le titre « Mère nocturne » en passager clandestin.
C’est derrière un nuage de fumée que l’équipage largue les amarres musicales, il manque cependant Adsagsona, la chanteuse. Elle était en fait tout au fond (près du stand merch) et elle se fraie un chemin à travers l’auditoire, vêtue de son ciré sombre et de sa lanterne, montant ainsi à bord parée, prête à affronter l’océan. Elle bringuebalera sur le pont toute la première partie du show, telle une jeune mousse qui aurait descendu un peu trop de rhum. Des algues sont présentes sur sa tenue comme sur son pied de micro. Car vous l’aurez compris, le quintet joue à fond le concept de l’univers maritime, et ils savent le retranscrire sur scène. Ainsi peut-on avoir face à nous et entre deux lampadaires portuaires, des musiciens maquillés type « corpse paint », mais dont le style est complété d’un t-shirt « marinière » (blanc avec des rayures bleu marine), d’une cape de pluie foncée à capuche ou encore d’un béret. La thématique se retrouve également dans leur Black Metal mélodique, agrémenté de nombreuses ambiances telles le grondement de l’orage, le sifflement du vent… j’ai même entendu le cri de mouettes !
Aussi
décalé que cela puisse paraître, ça a très bien pris : mélodies et textes en français visiblement appréciés depuis le quai, poings levés et des « hey hey » pour suivre en rythme la demi-heure de chavirements du navire dus à la houle. Succès attesté par des acclamations jusqu’à l’accostage, moment où après s’être éclipsée, Adsagsona revient de la cale armée d’un harpon : « Marin, marin ! Prends garde ! ».
PS : si vous les avez ratés, ils passent à Antony (92) le 8 décembre avec
THE GREAT OLD ONES et
MOONREICH.
UBUREN
Alors que les marins-pêcheurs débarrassent le plancher, 3 Vikings débarquent pour installer leurs instruments, ce qui donne un mélange des genres assez cocasse durant cet intergroupes (bien que nous restions dans un environnement très océanique, nous sommes d’accord).
Pas tellement connu chez Thrashocore,
UBUREN est pourtant actif depuis 2010 et les Norvégiens jouaient même déjà 4 ans auparavant, sous le nom de
SKYGGEGJEMSEL.
Le pillage auditif commence sans que nous ne puissions très bien distinguer le trio (guitare-chant, basse-chant et batterie) car ils sont en embuscade derrière un épais brouillard et sous des néons rouges. Lorsque la brume se lève, on voit davantage les guerriers descendus fraîchement de leur drakkar : ils ont un look de barbares mais contrairement à
HOULE, pas d’accessoires sur la proue, ce sera donc visuellement plus sobre. Ils sont par ailleurs mesurés dans leur jeu scénique puisqu’à part le moment où le bassiste s’est rapproché de son frère de guitariste (la famille Kjetilson), c’est resté très statique. Je n’ai pas la setlist mais je peux imaginer qu’elle a fait la part belle à « Usurp The Throne », leur 4ème album, paru en janvier chez Dusktone. Ils ont spécifiquement présenté la chanson « As Sorrow Turns To Hate » (dernière piste du CD) qui constitue un hommage à la sœur d’un ami proche qui - sous couvert de suicide - aurait été en fait assassinée par la police (cette histoire m’a l’air de se passer en Amérique latine). Musicalement, nous avons affaire à un Black Metal plutôt classique (quelques riffs & intonations rappelant du bon vieux
MAYHEM) dont les éléments sonores Viking ne sont pas si évidents à percevoir. Ils n’ont pas déclenché de mouvements de foule mais des signes comme des hochements de têtes dès le début et des clappement de mains entre les titres montrent que les trente grosses minutes du raid païen ont néanmoins plu.
KANONENFIEBER
La préparation du
special guest KANONENFIEBER (« la fièvre des canons » en allemand) permet de voir les artistes avant qu’ils ne soient revêtus de leurs costumes (et qu’une fan en profite pour demander un autographe) car dans quelques instants, ça va être du grand spectacle ! Leur truc, c’est de nous faire revivre la Première Guerre mondiale à travers leur Black Death très théâtralisé lors de leurs apparitions live. Et ils ont eu le temps de se roder car ils ont donné au moins une soixantaine de concerts depuis avril 2022 seulement ! Je ne sais pas si toutes les idées viennent uniquement de Noise (nom du chanteur et multi-instrumentaliste de ce one-man band) ou si les musiciens qui l’accompagnent en tournées (les mêmes que pour son autre projet Black Metal
NON EST DEUS) sont impliqués mais j’ai en tout cas pas mal de choses à vous raconter.
Commençons par l’apparence générale : les Bavarois reviennent habillés en soldats (jusqu’au béret militaire et casque à pointe pour le chanteur), ont le visage entièrement recouvert d’un collant noir et évoluent sur une scène jonchée de sacs de sable. Le bassiste ainsi que le guitariste lead sont en soutien du chanteur qui est l’objet de tous les regards car il constitue une véritable attraction. A titre d’exemple : il mime des tranchages de gorges avec son pouce, effectue des saluts militaires, bouge ses bras de haut en bas en cadence, joue de la caisse claire de défilé pendant un temps, se dérobe avant de revenir avec un masque de tête de mort, fait mine de pleurer en regardant une photo (qu’on imagine être celle de sa famille à laquelle il pense depuis les tranchées) ... C’est d’ailleurs pendant cette saynète de la photo que l’espace est aménagé avec la dépose d’un sapin et la diffusion de neige (ambiance vosgienne). Je vous l’avais dit, c’est carrément un show qu’ils nous offrent !
Le son n’est pas en reste puisque des samples d’échanges de coups de fusils, de tirs de canons, et d’une chanson populaire du début du siècle dernier viennent compléter l’ambiance « Grande Guerre ».
Un peu de répit tout de même lorsqu’après une courte pause, seuls 2 membres reviennent, le temps d’une démonstration de guitare acoustique / chant clair. Le spectacle reprend au moment de leur retour en matelots cette fois, afin d’illustrer deux extraits de l’EP « U-Bootsmann » qui narre l’histoire de l’équipage d’un sous-marin qui s’est retrouvé à 60 mètres de profondeur sans lumière ni oxygène en 1915. C’est durant cette partie que Noise a gestuellement demandé une pause dans les pogos pour un wall of death, et qu’il s’est bien fait comprendre. Vous le savez, les Métalleux sont sensibles aux thématiques liées à la guerre alors ils ont bien joué le jeu. Surtout que ce n’est pas courant qu’un « petit » groupe déploie autant d’efforts pour animer leurs représentations, jusqu’au batteur qui se mettait régulièrement debout avant de faire partir la musique. Il aura également lancé une intro à la caisse claire qui a occasionné une marche militaire de la part des quatre autres membres de la troupe qui nous faisaient face alignés, effet impressionnant.
Pour vous en dire un peu plus sur ce qu’on a eu dans les oreilles, c’était assez équilibré entre accélérations, parties mid-tempos et plus mélodiques (tiens, j’ai aussi relevé des solos). Quant à la setlist, pas mal de missiles de leur longue-durée « Menshenmühle » et quelques bombes de chacun de leurs 3 EPs.
On se serait cru au théâtre, aucun temp mort, j’ai vraiment passé un bon moment. Les Parisiens ont bien sûr été actifs pour un rappel mais le commando n’est pas revenu. Quoiqu’il en soit, la soirée aurait pu s’arrêter là car on a été rassasié par les Allemands dont la prestation d’une petite heure aura été digne de celle d’une tête d’affiche.
BATUSHKA
Leur 1er album
« Litourgiya ») avait surpris toute la communauté Metal et remporté un grand succès avec son Black orthodoxe, au point de se voir attribuer le macaron « découverte de l’année » en 2015 sur Thrashocore. Mais que s’est-il passé ensuite ? Fin 2018, le guitariste Krzysztof Drabikowski et le chanteur Bartlomiej Krysiuk se disputent la propriété de la formation et continuent le groupe chacun de leur côté, tout en conservant tous les deux le nom
BATUSHKA. Ainsi Krzysztof sort « Panihida » en 2019 alors que Bartlomiej fait paraître « Hospodi » la même année. Je ne m’étale pas plus sur le sujet, ça me semblait juste important de l’aborder et de préciser que la version dont il s’agit ce soir est celle de Krzysztof, comme les plus attentifs d’entre vous l’auront remarqué sur l’affiche.
J’ai écrit « orthodoxe » car le dada de nos Polonais, c’est la liturgie chrétienne orthodoxe. Depuis l’appellation du combo (batushka / Батюшка signifiant le « pope ») jusqu’aux paroles et aux éléments visuels, notamment en concert. Parlons-en d’ailleurs comme c’est l’objet du live report. A l’instar de
SETH ou encore des Tchèques de
CULT OF FIRE, nos popes instaurent une ambiance religieuse/rituelle cérémonielle avant même de commencer puisque le décor est constitué d’un cercueil, d’un crâne, de bougies ainsi que de tableaux religieux (les fameuses icônes), avec une toile noire à motifs dorés en fond. Ils sortent de la sacristie recouverts d’une aube noire à capuche en formant une procession et viennent allumer des cierges disposés sur scène (après avoir retrouvé leur briquet, lol). De la même façon que
KANONENFIEBER, leurs visages resteront non visibles, car cachés derrière une sorte de voile obscur. Le septuor est composé d’un chanteur, de 2 guitaristes (dont un qui manie une 8 cordes), d’un bassiste, d’un batteur (qui avait son propre instrument sur la gauche, les 3 groupes précédant ayant dû utiliser la
petite batterie de droite qui avait été retirée pour
BATUSHKA) et de 2 choristes qui lisaient les chants sur leur missel qu’ils n’ont pas lâché. Pause entre deux cultes, les cloches sonnent et le public frappe dans ses mains entre chaque retentissement, belle communion. Cela avant de se faire asperger d’eau (bénite ?) et de nous diriger vers la fin de la célébration. Eh oui, il est temps de souffler les bougies et de les distribuer aux adeptes en souvenir de cet office qui a mis à l’honneur 8 homélies de « Panihida » puis 4 de « Litourgiya ». Pas de rappel mais des applaudissements.
Sur la durée d’1h15, le dernier quart d’heure était peut-être de trop, on finit en effet toujours par s’ennuyer à la messe (surtout quand c’est aussi statique)… Mais j’ai éventuellement été rempli de l’Esprit Saint car au petit-déjeuner le lendemain, j’avais toujours leurs rythmes liturgiques en tête (j’aurais dû vérifier si elle était surmontée d’une langue de feu ;-)).
Très bonne soirée de groupes à concept qui a dû réunir une bonne partie des Black Métalleux franciliens puisque c’était complet et que la capacité de l’endroit est de 700 personnes. En outre, pas de problème de son comme ça a été le cas en première partie d’année au Glazart, donc vraiment agréable et deux coups de cœur en ce qui me concerne : HOULE & KANONENFIEBER.
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