Même si je passe actuellement par une période de disette, manquant nombre de concerts modestes mais qui en temps normal font parfaitement mon bonheur, il serait pourtant fort mal venu que je me plaigne car j’aurais eu la chance cette année de participer à une paire d’évènements majeurs de l’actualité métallique, dans des registres totalement opposés. D’abord le quatorze septembre en assistant à deux des quatre représentations d’
AYREON pour fêter les trois décennies du groupe puis, ce trente octobre,
GODFLESH à Londres avec une double prestation exceptionnelle : un
set « in dub » jamais joué depuis 1997 suivi d’un
live traditionnel, c’est-à-dire axé autour des classiques de la formation. Une soirée rapidement affichée
sold out, merci Coco d’avoir acheté les billets quasiment dès l’annonce de la date !
Jusqu’à ce jour, ma seule visite de l’Angleterre remontait à un voyage scolaire en quatrième. Je m’en souviens car j’avais acheté
South of Heaven en cassette chez un disquaire de la ville et le père de ma famille d’accueil la mettait le matin dans sa voiture le temps de me déposer au point de ralliement quotidien… Ça remonte à loin maintenant, je me demande ce qu’ils sont devenus ces gens, ils étaient gentils, je dormais dans la chambre du fils ainé qui était parti faire des études et il avait laissé sa collection de romans érotiques. Bon, je n’y comprenais rien mais au moins les couvertures étaient explicites. Quoi qu’il en soit, en arrivant le jour-même en début d’après-midi puis en repartant le lendemain à peu près à la même heure, les chances de découvrir la capitale risquaient d’être minces, d’autant que la
Scala se situe à proximité de la gare St Pancras, ainsi que de l’hôtel. Nous avons quand même eu le temps de passer par Camden Town afin que Coco puisse acquérir quelques vinyles, puis de se mettre quelques bonnes bières
crafts dans la musette à la « 3 Locks Brewing Company », puis de crocheter par le pub « The Black Heart » où nous comptions manger un plat végan. Finalement, il n’y avait au menu du jour que du
mac & cheese mais il fallait bien commencer à éponger.
Avec tout ça,
eighteen o’clock a vite sonné. Le temps de s’enregistrer à l’hôtel, nous arrivons devant la salle et le gros des spectateurs a déjà dû rentrer car personne ne fait la queue.
Justin Broadrick se détend à l’extérieur, la fouille est aussi brève que courtoise, il y a foule au bar, je décide de façon trop adulte de calmer le jeu en commandant une simple
ginger beer alors que Coco, chaud bouillant, reprendra une pinte accompagnée d’un double whisky coca… On tergiverse, descend deux étages visiter le fumoir, le temps de revenir le duo monte sur scène, s’apprêtant à entamer sa prestation
dub. Là, il pourrait y avoir deux récits : celui de mon camarade, dithyrambique mais peut-être légèrement surévalué par l’ivresse qui le gagne lentement, le mien plus pisse-vinaigre car frustré parce que les Anglais sont grands et que j’ai du mal à trouver un point d’observation convenable. La vérité doit être quelque part au milieu, malheureusement vous n’aurez que ma version de la soirée…
Même si le format « chanson » est toujours respecté, avec six titres distincts pour une durée totale d’environ une heure, cette première partie joue évidemment davantage sur les ambiances que ne le font les compositions d’origine. Elles sont mixées, mélangées, réagencées, réarrangées mais l’essence de la structure
GODFLESH demeure in
dubitablement présente : des boucles hypnotiques, un son de basse de pur enculé, des riffs monolithiques, un chant davantage en retrait mais qui conserve son ambivalence entre la colère froide d’un
hardcore des bas-fonds et l’atonalité lointaine d’une
cold wave shootée à l’
indus. En revanche, la boîte à rythmes s’étoffe, s’aventure au-delà du minimalisme qu’on lui connaît aujourd’hui pour pénétrer des territoires
breakbeat,
trip hop, souillés par la
noise tant la guitare se voit martyrisée dans des crises épileptiques de larsens impurs. Du côté de
G.C. Green, un tsunami pourrait raser la salle, cela ne lui ferait pas pour autant perdre la mesure, encore moins esquisser ne serait-ce qu’un pas de côté. Ses jambes sont vissées au sol, sa basse vomit des rythmiques qui cognent les organes depuis l’intérieur du corps, la sonorisation est vraiment dingue. Certes, le volume me semble beaucoup plus élevé que ce à quoi je suis habitué dans les salles françaises (là, les bouchons sont pour moi absolument nécessaires) mais, comme la musique ne relève d’aucune technicité particulière (tout est dans les tessitures, les infrabasses, les riffs
indus-noisy) et que le type à la console connaît son boulot, il n’y a aucune échappatoire : la musique envahit l’esprit, la chair, le regard également grâce aux projections qui accompagnent toujours les Anglais. Il reste qu’indépendamment de la rareté de cette performance, je commençais à traîner la patte vers la fin, n’étant pas mécontent de voir l’entracte arriver. Notons tout de même que le
show de 1997 a subi quelques aménagements, avec par exemple la présence d’« Our Fathers in Heaven », extrait du récent EP
A World Lit Only by Dub. Sans surprise tout le monde a adoré mais ce n’était qu’un échauffement avant que la fosse entre en fusion.
Setlist probable « In Dub »
01. Circle of Shit (To the Point Dub)
02. Gift from Heaven (Breakbeat)
03. Our Fathers in Heaven
04. Imperator (Version Dub)
05. Crush My Soul (Ultramixedit)
06. Xnoybis (Clubdubedit)
Vidéo proposée par Sherwood Online
Fumoir (irrespirable), boisson, retour en salle… À bien y regarder, que ce soit en termes de taille ou d’agencement, la
Scala me fait penser au
Backstage By the Mill ou à un mini
Élysée Montmartre avec son bar surélevé en fond de salle et son petit escalier pour descendre dans la fosse au sol recouvert de plancher. Sauf que j’ai l’impression qu’il y a encore plus de monde que tout à l’heure, le placement stratégique s’en trouve fortement complexifié. Peu importe, nous étions dans la file qui n’avançait pas pour commander à boire, j’ai devant moi une grande saucisse qui me bouche légèrement la vue et sa nana qui
headbangue comme une forcenée dans son Perfecto clouté.
Je gardais un souvenir incroyable du passage de
GODFLESH à la
Gaîté Lyrique en 2015, je pense que ce fut sans doute encore plus énorme ce soir-là, sur les terres de son pays natal. Bien sûr, au regard de la discographie maintenant conséquente, parcourir l’ensemble des époques s’avère impossible. Aussi, nous pourrons toujours pleurer les impasses faites sur
Selfless,
Songs of Love and Hate ou
Hymns, déplorer que le titre « Predominace » de
Pure soit préféré, en tant que seul représentant, au classique absolu qu’est « Mothra », s’étonner de n’entendre qu’une seule composition issue de
Purge (mais le LP date déjà de deux ans, nous ne sommes donc plus sur une tournée promotionnelle), il reste que l’articulation des titres est un parfait dosage entre d’énormes branlées de
metal industriel et des compositions davantage ancrées dans un esprit
cold wave, portées par ce chant clair décharné, noyé sous des couches de réverbérations. Pour le premier versant, je pourrais positionner en tête de gondole « Shut Me Down » (
A World Lit Only by Fire), une démonstration de puissance absolue que viendra entériner l’apocalyptique « Towers of Emptiness ». Quant au second, « Post Self », « Ringer » ou « Tiny Tears » seront de bonnes illustrations, la guitare accentuant sur ces dernières la dimension bruitiste là où les morceaux plus basiquement
metal ne misent que sur la rigueur martiale d’une rythmique fondue dans un bloc de béton armé.
J’ai dit que
G.C. Green avait un pur gros son d’enculé ? Bordel le niveau du mec, une machine de précision… C’est vrai, il ne joue pas des lignes de basse alambiquées mais l’intensité présente dans chaque note colle baigne sur baigne, le mec ne dit pas un mot, n’esquisse pas un geste en dehors des remerciements finaux, sa concentration est impressionnante. Bizarrement (ou pas, je ne saurais dire), son épaisseur de jeu ainsi que son minimalisme m’évoquent
EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN mais je commence peut-être à fatiguer.
Comme pour l’ouverture
dub, les projections expérimentales habillent un jeu de scène sinon réduit à peau de chagrin, ce n’est pas indispensable à l’ambiance (la fosse remue fortement) mais cela apporte néanmoins un vrai plus en termes d’immersion, d’expérience sensorielle, d’oppression… Je crois que vers 22h15 tout était plié, les compères nous avaient quand même réservé une surprise en remplaçant l’habituel « Crush My Soul » final par « Slateman », un
single datant de 1991. Un dernier verre de gin pour la route au pub d’à côté puis retour à l’hôtel : un bon sommeil réparateur plein de bruits de pets et de ronflements furieux (histoire de caser une référence littéraire pour ceux qui l’auront). Une infime déception en ce qui concerne le
merchandising puisqu’il n’y avait qu’un seul t-shirt à se mettre le dos, sans
back et avec un
front pas folichon… Je suis donc rentré bredouille de ce côté-là, ou presque : boire des bières à Londres, ça fait plaisir, assister à un concert monstrueux, ça fait plaisir, manger un petit déjeuner anglais traditionnel, ça fait plaisir, parler anglais avec des gens mais ne rien comprendre à ce qu’ils répondent, ça fait plaisir, passer deux jours avec Coco, ça fera toujours plaisir. Mon seul vrai regret c’est de ne pas avoir bu une Deya pression au « Beer + Burger » avant de reprendre le train. Je m'en remettrai.
Setlist Standard Set
01. Land Lord
02. Shut Me Down
03. I, Me, Mine
04. Ringer
05. Towers of Emptiness
06. Post Self
07. Tiny Tears
08. Streetcleaner
09. Avalanche Master Song
10. Like Rats
11. Predominance
12. Slateman
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