Nine Inch Nails - The Downward Spiral
Chronique
Nine Inch Nails The Downward Spiral
Il y a d’abord eu AxGxB et sa chronique de State of the World Adress de BIOHAZARD, puis Ikea avec celle de Meanderthal de TORCHE, chacune débordante d’amour et de nostalgie. Chez Thrashocore, nous avons donc engagé un avocat spécialisé en propriété intellectuelle pour déposer un copyright sur le concept d’album-doudou ©.
Nous en avons tous. Plein même, en tout cas, je vous le souhaite ! Je vous ouvre une nouvelle fois mon cœur et vous déclare solennellement que The Downward Spiral de NINE INCH NAILS fait partie de mon panthéon de musique adolescente. L’une des bandes-son de mon année de Terminale. J’avais alors 16 ans, l’âge encore ingrat et cruel des montagnes russes émotionnelles entre tourments dévastateurs et euphorie chaotique. J’avais 16 ans et mes cours de philo, je les passais assise sur la table, en train de lire Guerre et Paix tout en écoutant Trent Reznor s’égosiller dans le casque de mon walk-man qui ne quittait que rarement mes oreilles. Un grand merci à Monsieur A. qui, en vrai philosophe, nous enseignait ce qu’était réellement le libre arbitre. Pendant ce temps, ma BFF de l’époque s’emparait de mon agenda Clairefontaine et recopiait inlassablement aux pages du week-end les paroles de nos titres préférés… tous, en réalité. Ces paroles, qu’un simple niveau A2 permettait de comprendre et de chanter pour soi tout en rougissant de plaisir et de gêne mêlés, comme celles de "Closer" "I Wanna fuck you like an animal, I wanna feel you from the inside", de "Heresy" "Your god is dead and no one cares, If there is a hell I'll see you there" ou encore celles stupéfiantes de vérité crue de "Eraser" "Need you - Dream you - Find you - Taste you - Fuck you - Use you - Scar you - Break you - Lose me - Hate me - Smash me - Erase me - Kill me". Rhalala, ce sentiment délicieusement coupable d’être alors immorale et séditieuse ! Il est fort, ce Reznor !
J’enfile le plus beau costard de Stéphane Bern pour vous rappeler quelques-uns des (pas tellement) secrets d’histoire autour de cet album. Sorti le même jour que Superunknown de SOUNDGARDEN, soit le 8 mars 1994, chez Interscope Records, The Downward Spiral est le second des treize albums studio de NINE INCH NAILS, groupe dont le seul membre permanent est l’auteur-compositeur-interprète et producteur Trent Reznor. Enregistré à Beverly Hills dans la maison où Sharon Tate et quatre de ses amis furent sauvagement assassinés par la Manson Family, démolie après la session d’enregistrement, l’album suscitera de multiples controverses, en raison notamment de son contenu littéraire et dont la plus retentissante sera d’avoir été une source d’inspiration pour les auteurs du massacre du lycée de Columbine aux États-Unis en 1999.
The Downward Spiral, au-delà d’une œuvre vraisemblablement très personnelle et inspirée, est donc l’archétype du concept-album. Soixante-cinq minutes, qui prennent aux tripes, les retournent, les malmènent, avec ces coups d’estoc que l’on se prend sous le diaphragme dès les premières secondes avec "Mr. Self Destruct", délétère protagoniste qui ne pouvait pas mieux se présenter qu’avec ses gros riffs couplés aux plages d’électro-indus venant renforcer le côté répétitif de son exhibition anaphorique, un coup à faire pâlir de jalousie François Hollande en terme d’efficacité.
Se nourrissant de toutes ses influences et inspirations (de PINK FLOYD à MINISTRY en passant par David Bowie), piochant allègrement dans tous les registres et styles musicaux (Metal, Indus, Noise, Rock et plus si affinités), Trent Reznor ne cesse de surprendre à chaque nouvelle piste qu’il n’a pas manqué d’agrémenter judicieusement de samples, d’arrangements et de détails particulièrement soignés et en totale adéquation avec l’atmosphère de chacune d’elle, sans pour autant délaisser les instruments traditionnels comme la guitare sèche ou le piano. Trent Reznor joue sur les contrastes, notamment vocaux, les changements de styles, les compositions déstructurées et atypiques et maintient l’auditeur dans un suspens oppressant durant toute la durée de l’album. En bon maniaque de la console, il a bichonné le son et la production qui convainquent encore aujourd’hui par leur netteté et leur fraîcheur assez bluffantes.
The Downward Spiral dégage une atmosphère absolument unique, ou plutôt une multitude d’ambiances dangereusement enveloppantes, insufflant le chaud et le froid dans l’esprit de celui qui l’écoute : dérangeante ("The Becoming"), inquiétante ("I Do Not Want This"), violente ("March of the Pigs"), indécente ("Closer") et bouleversante ("Hurt"). L’auditeur est invité à épier par le bout de la lorgnette musicale, quitte à se muer en observateur voyeuriste, la descente aux enfers de Mr. Self Destruct, personnage fictif (?), dont la sulfureuse et douloureuse existence est dépeinte à travers ces quatorze tableaux allégoriques. Jusqu’au passage à l’acte d’un désespéré. Subversif et malsain, mais intime et sensible, Trent Reznor, sans filtre ni compromis, décortique le large spectre des (res)sentiments humains, conférant à The Downward Spiral une universalité à fleur de peau dans laquelle chacun pourrait, un peu, beaucoup, à la folie, se reconnaître.
Pour les fans de Metal pur et dur, The Downward Spiral tombait à point nommé, les orphelins du Death Metal qui tombait en déliquescence, ceux qui ne trouvaient pas leur compte avec le Grunge ou le Neo-Metal, sont presque tous tombés sous le charme toxique de NINE INCH NAILS. Malgré cette étiquette Rock industriel, Trent Reznor répondait peut-être sans le savoir à leur besoin de se faire malmener avec cette forme inédite de violence et de malfaisance ("Mr. Self Destruct", "March of the Pigs"), plus subtile, mais tout aussi pernicieuse. Il n’en reste pas moins que cet album a toute sa place dans la grande famille du Metal dont il a tous les attributs dans les sonorités et le traitement des instruments comme dans l’état d’esprit.
Enfin, rendons à Trent ce qui appartient à Reznor et rétablissons la vérité une bonne fois pour toutes : non, ce n’est pas Johnny Cash qui a écrit et interprété "Hurt", mais notre bonhomme qui a su, rien qu’avec ce titre, transformer mon petit cœur blessé, comme tant d’autres, en une éponge gorgée de sang que l’on vide goutte à goutte d’une main sadique.
Indémodable monument, incontournable album des années 1990, emblématique d’une époque charnière dans l’histoire du Metal, The Downward Spiral a une place prépondérante dans la discographie de NINE INCH NAILS : le succès fut retentissant, immédiat, les critiques dithyrambiques, unanimes. Près de trente ans après sa sortie, et malgré une carrière ininterrompue depuis, cet opus, aux 5 millions d’exemplaires écoulés, reste LA référence, le plus résolument Metal aussi, et sans le moindre doute la plus brillante réalisation de NINE INCH NAILS. L’année 1994 symbolise la période la plus faste de la carrière de Trent Reznor, la tournée qui suivra la sortie de The Downward Spiral, au succès phénoménal, verra émerger un autre grand nom du Metal industriel en la personne de Marilyn Manson, puisque que son groupe assurera la première partie de NINE INCH NAILS après que Trent Reznor ait signé le groupe sur son propre label, Nothing Records. L’album truste encore aujourd’hui bon nombre de classements divers et variés et Trent Reznor peut se targuer d’avoir à son tour influencé des groupes alors émergents de la trempe de KORN ou SYSTEM OF A DOWN, pour ne citer qu’eux.
| ERZEWYN 22 Juillet 2021 - 1542 lectures |
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