[ A propos de cette chronique ] "Ancestral Mysteries", jusqu'à juillet dernier, était resté à l'état de serpent de mer. Une bête fantastique qu'on certifie avoir vu, dont on a eu écho,
teasée, promise, pour au final ne jamais pointer le bout de son nez. Au grand désespoir des amateurs de
symphonaiseries, école de Varsovie : ceux qui savent, savent. Les autres sont à la veille de découvrir une formation exceptionnelle, pour peu qu'ils enfilent le pince-nez.
N'en déplaise, Kataxu, au-delà de son nom complètement débile qu'on croirait presque sorti d'une bande-dessinée de Don Rosa, reste l'un des plus fiers et des plus anciens représentants de la scène polonaise. La pure et dure, dans tous les sens du terme, celle qui sent le souffre et le cuir des bottes. Active depuis 27 ans, menée d'une main de maître par Piąty, officiant également en parallèle chez Sunwheel, et plus récemment chez Gontyna Kry, en tant que chanteur sur le médiocre "Ignipoten". Un infréquentable de plus, auteur d'opus exceptionnels, qui ont, à mon sens, contribué à façonner un son, une manière de jouer le Black Metal : il suffit de jeter un coup d’œil au palmarès. Kataxu, c'est la démo
"North" de 1995, exaltée à l'extrême, en avance sur son temps; C'est
"Roots Thunder", entrée fracassante dans le troisième millénaire, donnant à survoler d'immenses espaces vierges et glacés, seulement dérangés par le fracas des éléments; et c'est surtout l'intégralement parfait
"Hunger of Elements", sorti chez Supernal Music en 2007. Un disque étourdissant, qui n'aura laissé personne indifférent : ceux qui étaient là avant, ceux qui l'ont vécu en direct, et ceux qui, comme moi, l'ont découvert sur le tard.
Et puis... Plus rien. Piąty semblait s'être totalement vidé. Après ce sommet absolu et son ascension qu'on imagine éprouvante, jouissant d'un repos bien mérité, Kataxu semblait prisonnier des glaces, à jamais. C'est sans crier gare, mais après quelques signes avant-coureurs, que le label Wolfspell presse cet
"Ancestral Mysteries" qu'on n'attendait plus, en offrant également aux amateurs de physique des
reissues de
"Roots Thunder" et
"North", somptueux digipacks richement ornés, à la hauteur de l'importance des œuvres qu'ils renferment. Souffles glaciaux bienvenus, au milieu des températures infernales de l'été !
A l'instar d'Hate Forest, signant un retour inattendu avec
"Hour of the Centaur", cet
"Ancestral Mysteries" est une preuve supplémentaire qu'à l'échelle musicale, la cryogénie fonctionne plutôt bien. C'en est même impressionnant : rien ne semble avoir bougé en près de 15 ans. Pour le meilleur... Et pour le pire.
Ceux qui auront trippé sans fin sur le monolithe qu'était
"Hunger of Elements" tiqueront dès les premières secondes. La batterie implacable de Mittloff (Hate, Riverside) a été remplacée par une boîte à rythme. Sacrilège. D'autant que les samples utilisés sont loin d'être recherchés : c'est peu ou prou le
starter pack, celui qu'on entend chez tous les groupes merdiques qui inondent Bandcamp de leurs démos pressées sur CDr. Quel dommage ! Quinze ans, et infoutu d'embaucher un frappeur digne de ce nom ? Pourquoi ?... Autant dire que la première écoute ne fut pas forcément l'uppercut auquel je m'attendais. Mais Kataxu mérite qu'on persévère. Abstraction faite de ces échantillons qui semblent clipper à 320kbps, une fois la pochette assimilée, le superbe livret feuilleté, les paroles en anglais approximatif déchiffrées, les portes s'ouvrent. On peut savourer, et retrouver ce Kataxu qui nous a tant manqué.
"Ancestral Mysteries" est une suite à
"Hunger of Elements", logique à l'extrême, ne cherchant même pas à le dissimuler. Il aurait pu sortir dans la foulée, voire en tant que second disque, tant tout semble avoir été enregistré sur les mêmes instruments, dans le même studio - à ceci près que le son est plus propre, trop, même. Mais l'atmosphère reste identique, et toujours aussi poignante. Moins frontal, beaucoup plus exalté, saisissant de la première à la dernière seconde. Grandiose, même, osons le dire ! Découpé comme son grand frère, longs titres séparés par des interludes instrumentaux : les bien nommés "The Polar Feast", glacial, "The Last Whisper" autrement plus dépouillé, pour terminer sur "The Eternal Farewell", la nébuleuse, au final déchirant. Et pour les morceaux-fleuves restant ? Un bonheur de se retrouver en terrain connu, ces riffs massifs soutenus par les claviers diffus, ce chant déchirant, hurlements de bête blessée, les yeux rivés sur les astres. Immanquablement, le sang bouillonne à l'écoute d'un "Our Lady Of Oblivion", au blast-beat pépère mais laissant tout le loisir aux cordes de s'exprimer. Comment ne pas serrer les poings à l'écoute de ces plans ultimes, la comète en pleine tronche "Beyond the Atlantean Gate", son feu sacré qui saisit l'auditeur dès les premières minutes (ce proto-refrain à 2:26, raaaah !) ? Kataxu n'a jamais été particulièrement ardu, ni technique : les riffs sont simples, les vagues de synthé vaguement poussées... Mais c'est pensé, calibré, millimétré pour que chaque partie vise au cœur. Et ça marche, presque à chaque fois ! Oui, presque.
"Hunger of Elements" ne souffrait d'aucune longueur, ce qui n'est pas le cas de son cadet : "The Black Sun Shines", pourtant excellent lorsqu'il explose, est handicapé par des passages en
spoken-word, faussement souffreteux, sur fond musical assez discutable. Est-ce à cause de l'accent abominable ? Des paroles un peu pouet-pouet - Mais qui ont le mérite d'être moins cassos que par le passé ? Probablement un peu des deux. Dommage que ces Grands Corps Malades (asthmatiques, vu comme ils sonnent) viennent alourdir un titre qui aurait très bien pu s'en passer, et permettre à
"Ancestral Mysteries" de rester parfaitement fluide.
Enfin. Si l'album reste, évidemment, d'excellente facture, je ne peux m'empêcher d'être un petit peu déçu. Surtout après l'avoir saigné, encore et encore, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une goutte - à en lécher le fond du verre.
"Ancestral Mysteries" souffre un peu de sa production, assez clinique, sans relief, et surtout de sa boîte à rythme. Le quelconque, le commun, ne peuvent que dépareiller s'ils sont mis au service de l'excellence -
"les aigles ne volent pas avec les pigeons" comme dirait l'autre. Et les longueurs assez pénibles de l'avant-dernier titre finissent de plomber l'envol d'un disque qui avait absolument tout pour réussir. Fatalement,
"Ancestral Mysteries" est bien moins bon que son illustre aîné... Toujours ardu de passer après un sans-faute ! D'autant que les attentes étaient grandes. Néanmoins, le plaisir de retrouver un groupe culte, et cette magie dans le riff et les compositions, contrebalancent largement ses petites faiblesses. Qu'on prenne cette sortie comme un point final ou une majuscule, une chose reste certaine : Vu l'enjeu, Kataxu n'a pas démérité.
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