Le temps, tout est une question de temps. Celui qui s’égrène lentement ou, à l’inverse, passe beaucoup trop vite ; celui qui meurtrit ou dans le meilleur des cas, celui qui, à défaut de guérir, atténue les douleurs. Nous n’avons pas tous la même temporalité, le même rapport à cette mesure immatérielle, susceptible de nous sauver comme de nous perdre définitivement. La nuit modifie notre perception, suscite des émotions à la puissance décuplée, de l’insoutenable à la plus profonde jouissance ; le temps prend alors une tout autre dimension qu’à la lumière du jour. Tel semble être le message de (DOLCH) avec le second chapitre de leur triptyque, sobrement intitulé
Nacht. Tout chez (DOLCH) et dans
Nacht en particulier nous ramène à cette notion du temps comme en témoigne cette pendule auprès de laquelle posent deux membres du mystérieux collectif berlinois.
Je dois confesser que les deux années qui se sont écoulées depuis
Feuer m’ont paru terriblement longues. L’impatience était telle qu’elle a déclenché une impensable mais brève déconvenue lors de la sortie du titre promo "Tonight" en octobre 2021. Un unique titre, sorti de son contexte - ô combien capital ! - l’entièreté d’une œuvre, qui, sur le moment, m’a désorientée. Je retombais lamentablement dans le panneau, doutant une fois de plus, de l’incroyable pouvoir de séduction de (DOLCH). La même circonspection qui m’avait fait bouder dans un premier temps
Feuer, femme de peu de foi que je suis.
Le temps, toujours le temps… D’une durée fort généreuse,
Nacht semble avoir été mûrement réfléchi, pesé, calibré, soigneusement débarrassé de la moindre scorie de futilité et de glose inutile. Le superflu, les excès parasites n’ont pas cours ici, une constante chez les Allemands. Très épuré dans le fond comme dans la forme, sans que l’on puisse taxer (DOLCH) de paresse, et encore moins de manque d’inspiration,
Nacht nous plonge dans une nuit sans sommeil au gré d’une succession de "
berceuses" propice à une indolente rêverie, entre quiétude et insoutenable solitude : un tête-à-tête avec soi-même à la faveur de l’obscurité, une réflexion solitaire et contemplative entretenue par cette promiscuité presque charnelle avec l’espace et… le temps.
Se gardant bien de tomber dans le minimalisme feignant et les émois factices, (DOLCH) réalise le tour de force de sortir une fois de plus un album bluffant de beauté et tout simplement bouleversant. Tâche ardue et inévitablement vouée à l’échec lorsque l’on est dénué de talent et que l’on ne se défait pas de quelques bribes de son âme. Ce qui, évidemment, n’est pas le cas des Allemands. Ces ingénieux créateurs d’atmosphères envoûtantes, qu’elles soient oniriques et ouateuses ou vaguement inquiétantes, excellent dans ce périlleux exercice de l’introspection, avec une rare élégance et beaucoup de sensibilité.
Nacht ne s’impose pas par la force, il prend… son temps et nous conquiert en douceur, s’installe durablement, prend ses aises et se révèle finalement très addictif. Dans la droite ligne de son prédécesseur, l’auditeur succombe au même envoûtement orchestré par M., indiscutable maîtresse de la Nuit, aux charmes vénéneux. Cette dangereuse sorcière bouleverse ("House of Glass", "CODA"), menace ("Nacht"), cajole ("Tonight") ; cependant son alter ego masculin émeut tout autant, notamment sur le poignant "I am OK" dans lequel chacun d’entre nous peut se reconnaître : «
You ask if I feel good today ... I am OK, I am OK, just a bad day… ». La vie, la vraie, dans ce qu’elle a de plus amer. (DOLCH) frappe de taille et d’estoc pendant quarante minutes, puis sonne l’hallali avec le featuring de l’Anti-Christ Roi lui-même ! KING DUDE, reconnaissable entre mille, pose sa voix diabolique et impose son dark Neo-Folk de cow-boy solitaire sur "Ghost". Le coup de grâce ? Lorsque la Nuit s’achève avec "Early Morning No Taxi", morceau stupéfiant de fragilité et de délicatesse.
Alors oui, les fans de la toute première heure, dont je fais partie, pourront toujours ressentir un brin de nostalgie en se rappelant les atmosphères ritualistes et l’aspect raw/DIY qui faisaient tout le charme des premières demos dans un genre Drone/Doom/Black Metal/Ambient, se lamenter du changement d’orientation stylistique et du choix d’une production plus soignée, très esthétique, mais il serait mal venu de notre part de faire la fine bouche. Le virage était dangereux mais il a été parfaitement négocié : devenue très accessible musicalement, l’œuvre de (DOLCH) a ce quelque chose de grand, de beau, de fort, qui touche à l’universel et lui permet de s’affranchir définitivement d’une absurde classification.
Nous tenons là la confirmation de ce que l’on savait déjà : (DOLCH) est incontestablement à ce jour l’un des fers de lance du label allemand Ván Records et
Nacht s’impose comme un album qui les oblige pour leur future réalisation annoncée comme la clôture d’une trilogie dont les deux premiers volets ont surpassé les espérances les plus folles. Rappelez-vous ceci : ce n’est pas lorsque le poignard est enfoncé jusqu’à la garde que l’on trépasse, mais lorsque l’on retire la lame de la blessure que l’on perd la vie. L’attente de la mort (
Tod sera l’ultime chapitre) sera longue… Le temps, toujours ce foutu temps !
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