(DOLCH) - Feuer
Chronique
(DOLCH) Feuer
Il en aura fallu du temps pour que la mystérieuse formation allemande (DOLCH) gagne les faveurs de Metal Archives et décroche une place dans leurs pages. C'était en 2019 justement, l'année de la sortie de cet album, leur premier, intitulé sobrement Feuer. Il en aura fallu encore un peu plus pour que le groupe soit chroniqué dans les colonnes de Thrashocore. J'avais discrètement intégré cet opus dans mon bilan personnel de ladite année, sans avoir osé écrire à son sujet. Mais lorsque j'ai vu que nous tolérions DREAM THEATER (je ne te remercie pas, Voay, Ashley Chevalier campe devant chez moi désormais !), j'ai fait fi de mes scrupules et décidé qu'il était plus que temps de déclarer ma flamme à ce groupe aussi insaisissable que captivant. Si Metal Archives a longtemps eu des réticences à leur égard, une formidable orga a flairé très tôt le potentiel de séduction des Allemands : le METAL MEAN FESTIVAL en Belgique les avait programmés en clôture de leur 11ème édition en 2015 et je leur en sais infiniment gré car ils me les ont fait découvrir. Encore merci à eux pour cela... et pour tout le reste d'ailleurs !
C'est donc en 2015 que je succombe au charme empoisonné de I & II, superbe compilation de leur première démo et de l'EP suivant, à son atmosphère cabalistique, sombrement onirique, à sa production faussement surannée. Autant dire que malgré quelques sorties ponctuelles, bien que d'égale qualité, mon impatience quant à l'arrivée d'un long format, l'acte fondateur d'un artiste si l'en est, fut longue à satisfaire. Feuer verra le jour en 2019 et l'éclatante lumière de son feu déchire alors le voile d'obscurité qui enveloppait encore (DOLCH) jusque-là. Je l'ai d'abord un peu boudé, mis de côté, repris, j'ai regardé d'un œil dubitatif la sensible évolution qui semblait poindre. Ingrate et bornée que je suis ! Je vous épargne les poncifs sur la maturité, blablabla...Il ne s'agit même pas de cela. (DOLCH) a juste eu l'intelligence d'explorer, d'exploiter, de magnifier son propre univers, pour lui conférer une dimension plus imposante, plus cérémonielle, en un mot plus souveraine. Un son plus limpide, trop propre ? Des arrangements judicieux et joliment soignés ? Des incursions subreptices vers d'autres horizons musicaux ? Et alors, où est donc le problème ? Ce cheminement, pesé et réfléchi, ne les a pas fait tomber dans le piège de la pompe ou de la pédanterie, n'a pas dénaturé leur propos, ni ne leur a fait renier leur vocation première, ce vœu non pieux : offrir à son auditoire un inquiétant mais douillet cocon dans lequel il est aussi bon que dangereux de s'abandonner.
Même si le groupe n'a pas à rougir de la qualité de ses compositions, bien au contraire, l'atout majeur de (DOLCH) est incontestablement sa chanteuse M. Sa voix est tour à tour sensuelle, indolente, autoritaire, ses lignes de chant, tant en anglais qu'en allemand ("Mahnmal", "Feuer"), diaboliquement enchanteresses, lui octroyant le statut de sirène des temps modernes, mortellement séduisante, qui nous ferait nous jeter aveuglément et avec dévotion, dans le premier brasier venu si elle nous en intimait l'ordre ("Halo (Afraid of the Sun)", "Psalm 7"). Puissante sorcière, puisqu'aucune lassitude ne m'étreint à l'écoute du titre ironiquement baptisé "A Love Song", litanie presque martiale tendance indus dans laquelle elle répète inlassablement (75 fois !) "I am glad we are not what you want us to be" entre deux affirmations péremptoires (ouf, elle conclut en proclamant son amour pour les chats !). A contrario et tout aussi ironiquement, "A Funeral Song" contient beaucoup d'amour : cette voix traînante, presque langoureuse, ses passages de violon, son texte d'une beauté douloureuse... (DOLCH) n'est rien d'autre que le fil de la lame glissant sur le poignet d'une âme perdue dans un bain brûlant.
Ah, la belle photo de famille dans les bureaux de Ván Records ! (DOLCH), entouré de ses pairs, ne dénote pas entre les portraits d'URFAUST, de WOLVENNEST ou même de THE RUINS OF BEVERAST ou de KING DUDE, tant le lien de parenté artistique au sens large (musique, esthétique, thématique) est évident, parfois éloigné, je veux bien le concéder. Comment ne pas évoquer aussi ce lien invisible avec les lointains cousins d'outre-Atlantique, Chelsea Wolfe et MENACE RUINE ? Une famille éclatée aux quatre coins du monde, aux relations distendues, mais partageant néanmoins les mêmes racines, ayant baigné dans les mêmes rituels occultes.
Avec Feuer, ce premier long format tant attendu, (DOLCH) a signé en lettres de feu et de sang l'une des plus troublantes et hypnotisantes réalisations de l'année 2019 du label Ván Records, qu'il est de toute façon bien difficile de prendre en défaut ou en flagrant délit de mauvais goût.
| ERZEWYN 22 Janvier 2021 - 2266 lectures |
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