S.D.I. - 80s Metal Band
Chronique
S.D.I. 80s Metal Band
Quel souvenir ce concert de S.D.I. au Metal Assault 2015, peu après leur reformation ! Un pit en folie, un groupe tout sourire qui se donne à fond, un son nickel, ce fut un des meilleurs moments passés à la Posthalle de Wüzburg toutes éditions confondues. C'est ce festival qui m'a permis de découvrir le combo allemand de speed/thrash et notamment son deuxième album de 1988, l'excellent Sign of the Wicked et son fameux "Megamosh". Ce que je ne savais pas, c'est que le trio toujours mené par le haut en couleurs Reinhard Kruse, a depuis préparé de nouveaux morceaux, dont trois présentés sur une démo en 2017, pour un nouvel album sorti en début d'année chez MDD Records. Entre-temps, le chanteur-bassiste Kruse s'est séparé de ses deux vieux acolytes Rainer Rage et Ralph Maunert pour embaucher un guitariste inconnu, Daniel Ha (lui toutefois, on ne peut pas y mettre les doigts) et a fait revenir le batteur Christoph Olbrich qui avait fait partie du groupe au début des années 1990. Et apparemment S.D.I. ne veut désormais plus dire Satans Defloration Incorporated comme à l'époque mais Severe Deaf Individual.
Ce qui expliquerait beaucoup de choses à l'écoute de ce très moyen 80s Metal Band. Bon, déjà, le titre de l'opus et la pochette nulle (une habitude toutefois chez S.D.I.) pouvaient laisser perplexe. Je n'attendais d'ailleurs rien de spécial de ce retour. J'étais juste curieux d'entendre comment pouvaient sonner les Teutons en 2020 avec leur musique très ancrée dans les années 1980. Eh bien c'est toujours le cas, il n'y a pas tromperie sur la marchandise, 80s Metal Band porte bien son nom. Même trente et un an après son dernier album, on reconnaît tout de suite S.D.I, notamment grâce au chant de Reinhard Kruse, certes moins énervé et juvénile mais qui conserve un peu de cet aspect rugueux, punk, à l'arrache. Ce n'est par contre pas le groupe de Satans Defloration Incorporated ou de Sign of the Wicked qui s'adonnait à un speed/thrash de rue à l'esprit rebelle et déconne particulièrement efficace, plutôt celui de Mistreated, album qui marquait une nouvelle orientation tout en restant très correct. Plus orienté heavy/hard, plus mélodique, plus gentillet, plus mid-tempo avec toutefois quelques restes de speed coincé entre les dents, 80s Metal Band aurait ainsi très bien pu paraître quelques années après.
Alors pourquoi pas. Le style n'est pas le souci quand bien même j'aurais évidemment préféré un retour à l'état sauvage. Sauf que la qualité d'écriture, l'inspiration, ne suivent pas vraiment. Ça passe plutôt bien sur les rares morceaux et passages rapides ("Freeride", "Action", "Trash", "I Hate You", "Dead and Gone", etc.), et encore on reste loin de la qualité de Sign of the Wicked, beaucoup moins pour le reste. On va dire, qu'excepté le médiocre "Porno" dont seul le refrain rigolo fait bonne figure, les cinq premiers titres s'avèrent acceptables. Malgré le côté Rammstein du chant sur ses couplets, le morceau-titre "80s Metal Band", efficace et headbangant, joue correctement le rôle d'ouvreur. "Freeride" et son sample de moto en intro n'est pas grandiose mais son riff mélodique rapide à la Helloween ainsi que le refrain catchy font qu'on le garde. On zappe donc le "Porno" pour atterrir sur "Action", bien speed, la meilleure piste du disque malgré un refrain pourri et un ralentissement délicat à 2'20. "Trash", assez speed et motard, fait aussi un peu d'effet. La suite de l'opus sera par contre, en dépit de quelques éclairs épars, une longue traversée du désert.
80s Metal Band fait fasse à deux problèmes majeurs. Le premier et le plus inacceptable, la médiocrité de la plupart des riffs. Plats, banals, génériques, sans intérêt. Parfois même inexistants ou carrément mauvais, notamment quand ça saccade à la double sur certains couplets en se prenant pour un groupe de jeunes ("Freeride", "Porno", la mosh-part de "Sneaky War" à 1'46, le titre de clôture "She Said"...) ou quand ça s'essaye au hard rock de stade (le pathétique "Here and Now", début de "She Said", etc.). Alors déjà que c'est joué sur un rythme souvent mollasson ... Le guitariste aura au moins le mérite de signer pas mal de bons solos mélodiques, montrant enfin un peu de feeling, de toucher et de technique. C'est d'ailleurs frustrant de se dire que le talent est là mais pas exploité comme il faudrait. L'autre fatalité, c'est le chant. Kruse n'a jamais été un grand chanteur mais son timbre écorché et ses intonations bancales, sur le fil du rasoir, donnaient un certain charme au S.D.I. fougueux des deux premiers longs-formats. Le côté insouciant, immature, innocent de la jeunesse qui allait de pair avec la musique. À bientôt l'âge de la retraite, le côté ado rebelle, ça le fait beaucoup moins. Ça fait même un peu de la peine. Et quelle idée de privilégier le chant clair quand on ne sait pas chanter juste ! Là, nos oreilles souffrent ("Freeride", "Porno", "Trash", "Sneaky War", "Back Against the Wall" malgré son parfum Accept pas désagréable, "Dead and Gone", "She Said"). Elles iront jusqu'à saigner sur les espèces de cris de sorcière stridents pas maîtrisés de l'Allemand. Le couplet au flow rapide de "(Let the) Ball Run", pourtant assez punky et adapté à la thématique footballistique, ne convainc pas non plus pour l'un des pires morceaux de la galette alors qu'il partait bien sur un temolo mélodique à la Maiden, tout comme le phrasé malheureux sur le couplet de "Here and Now", lui aussi parmis les pistes à éviter avec son envie de groover et de rocker qui tombe à plat. Sans compter le nombre de refrains ratés ("Action", "Trash", "(Let the) Ball Run", "Here and Now" ...) alors que de bons refrains sont indispensables au genre. Ceux de "Freeride", "Porno", "Back Against the Wall", plus inspirés et catchy, sauvent néanmoins un peu la face. Quoiqu'il en soit, Reinhard Kruse se montre plus à son avantage avec sa basse, placée en avant dans le mix et qui groove pas mal.
Alors, si on résume : de bons solos mélodiques, une basse pas dégueulasse, deux-trois refrains fédérateurs et quelques élans speed efficaces. Voilà ce qu'on peut dégager de positif sur 80s Metal Band. C'est franchement peu sur près de trois longs quarts d'heure et malgré toute la sympathie que j'ai pour S.D.I., on ne peut pas dire que ce retour s'avérait indispensable. C'est même parfois embarrassant, notamment niveau chant. Jusqu'à sonner "local band", un comble pour des vétérans formés en 1986. Le riffing pauvre et les rythmiques heavy/hard mollassonnes de papy qui nous font regretter le speed/thrash incisif des deux premiers méfaits, achèvent de reléguer 80s Metal Band au rang des comebacks qui tombent à l'eau. Ne perdez donc pas votre temps avec celui-là, jetez-vous plutôt sur Sign of the Wicked si vous ne connaissez pas !
| Keyser 12 Novembre 2020 - 1172 lectures |
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