Parallèlement au retour imminent des maestros athées du techno-death (
Atheist pour ceux qui n'auraient pas leur licence en 90's Floridian Death Metal), voici revenir les non moins maestros mais beaucoup plus portés sur le crucifix techno-thrashers de Believer. Ne reste plus qu'à se tenir au courant de l'actualité récente d'
Agnostic Front et on pourra mettre à jour les fiches de l'ensemble des représentants métalliques des principales approches actuelles vis-à-vis de la religion (
Pour info Bigotry a changé de patronyme et Anticlericalism semble ne pas exister…). Depuis « Dimensions », 3e album sorti en 1993, on n'avait pas eu beaucoup de nouvelles du groupe, si ce n'est un live sorti en 2007. Après un tel laps de temps, il n'est pas étonnant de constater qu'il y a eu du changement dans les rangs de la confrérie Believer: les révérends Bachman et Daub ont dégoté de nouveaux paroissiens en les personnes de Jeff King (
clavier et programmation), Kevin Leaman (
à la guitare) et Elton Nestler (
à la basse), et sont dans le même temps passés de l'église réformée de Roadrunner à la respectable communauté Metal Blade.
Personnellement, de Believer je ne connaissais que
« Sanity Obscure », deuxième de leur quatre albums – avec « Gabriel » –, et si vous avez eu la curiosité de suivre l'hyper lien ci-avant offert au click fougueux de votre souris, vous aurez constaté que j'avais beaucoup accroché au bestiau. Forcément, la question classique qui s'impose d'elle-même dans ce genre de situation est: alors, plantage / miracle / retournement de veste / sur place? Comment auront-ils réussi à transposer leur patte si personnelle en une époque où sévissent grippe porcine et Benoît XVI?
Eh bien les doigts dans le nez mon capitaine! Believer reprend le cour de son histoire là où il l'avait laissé (
enfin je vous rappelle que je ne connais pas « Dimensions ») sans rien abandonner de ce qui faisait sa spécificité. Tout juste peut-on constater un réactualisation de la prod', qui garde néanmoins son grain originel mais qui gagne en ampleur, histoire de ne pas bêtement se fermer des portes par un conservatisme inconsidéré. Believer reste donc ce groupe à part, fortement typé, qui demande certes un peu d'effort à l'auditeur afin de livrer toute sa richesse, mais qui dès lors prodigue avec abondance surprises juteuses et puissantes giclées d'endorphine. On retrouve avec plaisir ce techno-thrash tourmenté, pas forcément hyper véloce mais tout en finesse, évoluant loin des sentiers battus par les rangeots du metal traditionnel (
quoique le très slayerien « Focused Lethality » me fasse mentir sur ce point), adoptant souvent une démarche froide et syncopée tel un
Coroner en un poil plus sombre ou un
Voivod des débuts (
cf. « Medwton », « Redshift » « History Of Decline »). A noter pour les non pratiquants que l'une des grosses particularités du groupe – puisque les grattes expertes, la basse judicieusement et fréquemment mise en avant, et la batterie juste, fine, solide et jazzy sont des constantes qui n'étonnent plus personne dans ce genre merveilleux qu'est le techno-thrash – est le chant de Kurt Bachman, à mi-chemin du Snake de
« Killing Technology » et du Schmier de
« A Bizarre Gardening Accident », c'est-à-dire rageur, venimeux, teigneux, mais donnant dans un registre plutôt aigu – bien qu'évitant les débordements des Castafiores du metal.
Une fois assimilés le grain particulier de la prod' et cette voix sortie d'un autre temps, il vous faudra encore aborder « Gabriel » avec une certaine ouverture d'esprit et ne surtout pas vous attendre à un ersatz de
Sodom ou à l'un de ces jeunots de la vague retro-thrash. Non, la musique de Believer, bien que restant catchy et plus qu'occasionnellement punchy, n'en reste pas moins fondamentalement alambiquée, ouverte aux expérimentations … « challenging » comme disent les coachs du dimanche. Ce nouvel album voit d'ailleurs deux éléments peu classiques prendre une importance grandissante. C'est tout d'abord l'emploi fréquent de samples, bidouillages sonores et autres grésillements ambiants gravitant en background qui étonne. Puis, dans une démarche se voulant peut-être dans la continuité du sublime « Dies Irae », c'est la présence du synthé qui se retrouve renforcée, celui-ci venant régulièrement faire écho à la guitare, comme par exemple à 1:18 sur « A Moment In Prime », au moyen de sonorités orgue Hammond-esques, ou encore au sein de « Stoned », sous les atours d'un piano dissonant. Et plus osé encore, le groupe inclut dans sa musique tantôt des chants grégoriens (
« Medwton »), tantôt du reggae (
la fin de « A Moment In Prime »), voire un pur passage de musique d'ascenseur futuriste (
à 2:16 sur « Redshift »), un chant de muezzin (
2:55 sur « The Need For Conflict »), de la pop typée
TDEP sur les passages les plus accessibles de son dernier album (
début de « The Brave ») ou un peu de human beat box (
à 3:38 sur « Nonsense Mediated Decay »). Bref, cela risque d'en interloquer plus d'un … et de séduire les hurluberlus marginaux comme votre dévoué serviteur!
Petit bémol toutefois qui justifie que la note de cet album soit un poil plus basse que celle attribuée à
« Sanity Obscure »: bien qu'aucun morceau ne soit mauvais, ni même moyen, et que nombre de passages soient rien moins que superbes, il reste qu'il manque à l'album cette poignée de tubes dont on attend qu'ils remportent une adhésion aveugle et immédiate et qu'ils placent l'auditoire dans un état de plénitude béate. Il semble que l'accent ait plus que jamais été mis sur les expérimentations plutôt que sur la recherche d'un impact frontal et direct. Le groupe risque même de perdre des auditeurs en route au cours du long instrumental qu'est « Nonsense Mediated Decay », sur lequel culminent les bidouillages et autres recherches de musiciens/savants fous, l'épilogue constitué de 3 morceaux bonus supplémentaires ne faisant qu'enfoncer plus loin le clou d'une stratégie un peu trop osée pour être raisonnable. Mais bon, tout ceci n'est que vétilles comparé au bon moment que nous fait passer l'album. Et d'ailleurs je me demande même si la vision idéalisée - car emprunte de nostalgie - que j'ai de
« Sanity Obscure » ne me le ferait pas juger un peu trop vite comme supérieur à ce nouvel opus pourtant très méritant…
Allez, stop aux tergiversations stériles. Amateurs éclairés de techno-thrash inventif, hors norme, voire expérimental, tentez l'aventure « Gabriel », dernière épître du prophète Believer, qui reste l'un de ces trop rares représentants d'un genre – le techno-thrash! Non mais vous suivez ou bien? – qui voit peu de nouvelles productions sortir année après année, mais qui demeure un réservoir sûr de groupes de qualité et de sensations fortes à haute valeur métallique ajoutée! Entendez ma parole mes frères, et joignez-vous à ma prière!
2 COMMENTAIRE(S)
16/05/2009 13:31
Merci !
16/05/2009 09:47
Groupe inconnu pour moi avant l'annonce de leur reformation, mais les extraits en écoutes sont vraiment excellents, il y a des riffs bien bandants et puis ce côté ultra précis...
J'adore.